La nouvelle année est traditionnellement l’occasion de prendre de bonnes résolutions. Du côté du MR, on semble pourtant reparti sur les mêmes bases. Le parti libéral est en proie à une certaine division, marquée ce lundi par la démission du ministre du Budget Jean-Luc Crucke.
L’essentiel: Le ministre Jean-Luc Crucke, poussé vers la sortie, présente sa démission.
- Ce weekend, le MR a présenté ses bons voeux en présentiel et à distance. Dans son discours, le président du MR a fait état de son habituel volontarisme. Un discours qui réaffirmait les valeurs libérales traditionnelles: liberté, emploi et fiscalité. Georges-Louis Bouchez a également mis l’accent sur l’énergie, ne comptant pas lâcher son cheval de bataille des derniers mois: la prolongation du nucléaire, pour limiter les émissions et mieux contrôler les prix.
- Le libéral avait anticipé ses explications dans une interview accordée à la DH ce weekend, dans laquelle il précisait ce qui avait été fait et ce qui était encore à faire au sein de sa formation: « Depuis que je suis arrivé à la tête de la présidence, la volonté est de refonder le parti dans sa globalité. On a travaillé sur la réforme des statuts, sur les 175 ans de la famille libérale, sur la communication et sur la remobilisation. On a aussi fait tout un travail en matière d’image. L’année 2022 sera l’année du processus de concrétisation (…). » Liberté, travail, fiscalité, énergie: « L’idée maintenant est de pouvoir concrétiser un tout nouveau programme. »
- Force est de constater que le ministre wallon du Budget Jean-Luc Crucke ne fera pas partie de ce tout nouveau programme. Il a présenté sa démission ce lundi, jour de rentrée politique, en conférence de presse aux côtés de Georges-Louis Bouchez (comme pour montrer qu’il n’y avait pas de malaise). « Je ne me sens plus en phase avec la ligne du parti », a justifié l’ex-ministre wallon sur un ton très cordial qui l’honore.
- Le ministre wallon du Budget promettait il y a quelques semaines « de tirer ses propres conclusions » après l’épisode douloureux qui a vu sa réforme fiscale – « une fiscalité plus juste » – être remise en cause par les députés de son propre parti, mais aussi par son président. Car la réforme est susceptible de toucher le corps électoral des libéraux, jugent-ils.
- Finalement, le décret est passé car soutenu par la majorité formée avec le PS et Ecolo. Le texte de départ n’avait pourtant fait l’objet que d’amendements marginaux. Comprendre: le ministre a fait passer en force son texte, le MR ne pouvant se permettre de provoquer une crise gouvernementale. Car oui, le PS et Ecolo pouvaient très bien se passer des libéraux en réintégrant par exemple le cdH dans le gouvernement.
- On promettait que cet épisode allait laisser des traces. Et cela a bien été le cas. Les morceaux n’auront pas été recollés entre le ministre et le président du MR (qui n’était pas isolé dans ce conflit, bénéficiant du soutien de Sophie Wilmès).
- La porte de sortie du ministre devrait être la Cour constitutionnelle, le MR cherchant un remplaçant pour le juge Jean-Paul Moerman. Pourtant, Jean-Luc Crucke affirmait encore vendredi dernier, dans La Libre, qu’il n’était pas candidat: « Ce poste ne m’intéresse pas ! » On comprend donc que le ministre a été poussé vers la sortie. La personne qui remplacera Crucke au gouvernement wallon a déjà été choisie, mais ne sera annoncée que demain. Le nom du jeune Mathieu Bihet est évoqué. Il s’agit de l’ancien président des Jeunes MR et fidèle de la première heure de GLB.
- Paradoxalement, cette démission qui fait tache pour une rentrée renforcera peut-être l’emprise de Bouchez sur son parti. Le voilà débarrassé d’un adversaire de poids, lui qui a toujours eu du mal à influencer la politique et à imprimer sa patte à Namur. Dans l’autre sens, le MR perd un pourvoyeur de voix – 18.000 en 2019 – et un centriste capable d’établir des ponts entre les formations politiques.
Le détail: une interview, une polémique.
- Georges-Louis Bouchez poursuit 2022 sur le même rythme: un weekend, une interview, une polémique. Dans la DH toujours, en marge de son plan pour la classe moyenne, le libéral s’est laissé aller à un commentaire sur la politique française et la présidentielle à venir.
- Interrogé sur la droite française, GLB a taclé la candidate Les Républicains Valérie Pécresse: « Elle a été chiraquienne, sarkozyste, macroniste et maintenant elle ressort le Kärcher. J’ai plus de respect pour Zemmour que pour Pécresse. Je préfère quelqu’un dont je combats les idées mais qui au moins a une cohérence dans ses idées que quelqu’un qui selon la courbe du sondage change d’avis tout le temps. » Le président du MR a toutefois précisé dans la foulée que s’il devait voter en France, il voterait Macron, dont le parti LREM est dans le même groupe politique que le MR au niveau européen (une intégration qui a été facilitée à l’époque par Charles Michel).
- Si cette sortie a logiquement fait bondir la gauche et le président de DéFI, François De Smet, elle a également irrité au sein de la formation libérale, en tout cas en coulisse. Mais c’était sans compter sur le franc-parler de Denis Ducarme, ex-candidat à la présidentielle du MR, et recasé par son adversaire dans le Hainaut pour porter les valeurs libérales.
- « Georges-Louis Bouchez est président du Mouvement réformateur. Lorsqu’il s’exprime, c’est au nom de l’ensemble des membres du parti. Or, j’ai ressenti un profond malaise à voir le président de notre formation politique libérale encenser l’extrémiste Éric Zemmour pour la constance de ses idées. J’estime qu’enjoliver de la sorte cette nouvelle figure de l’extrémisme de droite qu’est M. Zemmour ne sert certainement pas les idées aux libéraux. »
- Le député a en outre pointé du doigt le fait que Zemmour était un souverainiste, voire même un eurosceptique convaincu, soit tout l’inverse du MR.
- Ce commentaire du président du MR n’est pourtant pas très surprenant: c’est du typique Bouchez qui préfère défendre l’authenticité à l’incohérence. Lui faire dire qu’il défend Zemmour est sans doute exagéré, voire même un procès d’intention. Mais la réaction de Ducarme prouve une nouvelle fois la tension palpable au sein des libéraux.
- Bref, grosse ambiance au MR, en ce lundi de rentrée. La refondation du parti ne se fera pas sans heurt.
La question: vers un saut d’index ?
- Ce dimanche, comme l’avait fait la FEB en fin de semaine, le président de la fédération flamande des entreprises Voka, Wouter De Geest a plaidé pour un saut d’index. Le patronat s’inquiète de l’augmentation des coûts salariaux, avec la 3e indexation en moins de 6 mois.
- L’indexation automatique des salaires suit en effet l’indice santé. Dès que cet indice-pivot est dépassé par l’inflation, il déclenche une augmentation des salaires et des allocations des fonctionnaires, ce qui influence un peu plus tard les salaires du privé.
- Après le mois d’août dernier et le mois de décembre, le Bureau du Plan s’attend à ce que cet indice soit à nouveau dépassé en février, quand l’inflation dépassera les 6%, selon ses prévisions.
- Tout simplement de trop pour le patronat qui demande au gouvernement fédéral de renoncer à cette indexation ou à envisager une réforme à plus long terme pour en finir avec une mesure qui n’existe pas chez nos pays voisins, à l’exception du Luxembourg.
- Mais ce saut d’index ne devrait pas avoir lieu pour plusieurs raisons. D’abord, il affecterait en premier lieu les bas et moyens revenus, touchés de plein fouet par l’augmentation des prix de l’énergie. Avec le PS au sein du gouvernement fédéral, aucune chance qu’un saut d’index n’intervienne, Paul Magnette ne le laissera jamais passé.
- D’autant que pour une fois, le MR est sur la même longueur d’onde. Ce dimanche, sur le plateau de L’Invité sur RTL-TVi, Georges-Louis Bouchez, encore lui, a affirmé qu’il n’entendait pas toucher à l’indexation automatique des salaires, qui pour lui sert d’équilibre à la loi de 1996, qui limite, elle, l’augmentation salariale. Comprendre : touchez à l’indexation, c’est toucher à la loi de 1996, ce qu’il veut éviter: « Nous avons un système qui maintient l’équilibre, et je suis favorable à un système qui maintient l’équilibre », a expliqué M. Bouchez.
- Notez-le: cette tension entre syndicats et patronat sur les salaires jonchera tout le reste de la législature de la Vivaldi. Chaque année, lors des accords interprofessionnels, la majorité montera en température et devra trancher. On peut déjà vous annoncer que cette tension provoquera une nouvelle crise gouvernementale (si la Vivaldi tient jusque-là) et un regain de tension entre libéraux et socialistes, le patronat et les syndicats exerçant une pression maximale.