Les bases spatiales permanentes bâties sur des astéroïdes, voire creusées à l’intérieur, font partie des lieux communs de la science-fiction : on peut citer des œuvres telles que la saga vidéoludique Mass Effect, ou la série adaptée d’une œuvre littéraire The Expanse. Mais ça n’est pas parce que c’est fictionnel qu’il n’y a pas une idée à creuser.
Trouver le bon caillou
Comment installer l’humanité sur un caillou – de belle taille quand même – qui flotte dans le vide spatial ? La question n’a rien de purement théorique : dans notre système solaire, les planètes ou les lunes capables de nous héberger sont quand même franchement rares, et même Mars n’aura jamais rien d’un quatre étoiles, alors envisager d’autres options n’est jamais une mauvaise idée. C’est ce qu’a fait David W. Jensen, retraité de l’entreprise aéronautique Rockwell Collins. Il n’a d’ailleurs pas pris sa réflexion à la légère, car il en a tiré un document de 65 pages qui tient du véritable mode d’emploi, qui a été résumé sur Universe Today.
Collins estime que rendre habitable un gros astéroïde n’aurait rien de sorcier avec la technologie actuelle. À condition, bien sûr, de d’abord se trouver une bonne place de camping. Il estime que nous aurions besoin d’établir un compromis entre la taille de notre habitat, sa composition, et bien sûr sa distance avec la Terre (et donc l’énergie nécessaire pour l’atteindre). Il estime personnellement que les astéroïdes de classe Atira (dont l’orbite se trouve entièrement incluse dans celle de la Terre, et dont la famille tient son nom du premier de ce genre découvert) feraient déjà une bonne piste. Ça tombe d’ailleurs très bien : 163693 Atira, l’original, fait 4,8 km de diamètre, sans compter sa lune d’un kilomètre de large.
Faire tourner son habitat pour garder les pieds au sol
Reste à faire tourner notre caillou. Une manière « simple » de créer une gravité à sa surface, plutôt que d’imposer à ses habitants une apesanteur permanente particulièrement nocive pour le corps humain. Mais c’est là que ça devient plus complexe : il faudrait d’abord envelopper l’astéroïde d’une sorte de couche supérieure, comme une sorte de ballon, qui isolerait le chantier et qui retiendrait à l’intérieur tous les débris. Ensuite seulement on pourra commencer à creuser, car, pour vivre sur un astéroïde, il faudra plutôt s’installer dedans, sur plusieurs niveaux, pour gagner de la place. La couche externe, elle, pourra être recouverte de panneaux solaires.
Travailleurs robotiques et impression 3D
Reste à se mettre au travail ; l’ingénieur à la retraite rappelle que dans l’espace, faire quitter la terre au moindre kilogramme est un couteux défi. Il vaut mieux donc n’envoyer sur place que des robots autorépliquant de haute technologie. Il faudra utiliser ce qui est minable localement pour créer la majorité des structures. Ce qui n’a rien d’impossible par ailleurs : la NASA et ses partenaires travaillent à produire un maximum de choses utiles sur la Lune et sur Mars à partir des sols locaux, à commencer par des habitations à l’épreuve des radiations spatiales. L’ingénieur estime qu’il suffirait d’envoyer quatre robots, et les composants nécessaires pour en assembler 3.000 autres – ce qui pourrait tenir dans une seule fusée de type Falcon Heavy capable d’emporter 26,7 tonnes en orbite de transfert.
Un chantier qui n’aurait rien d’exorbitant
Combien couterait une telle entreprise ? Toujours selon David W. Jensen, pas tant que ça, pour un grand chantier de colonisation spatiale : 4,1 milliards de dollars. C’est bien moins que les 93 milliards de dollars du programme lunaire actuel.
Le Dr Jensen estime que l’ensemble du projet de construction pourrait être réalisé en une douzaine d’années. Selon lui, on pourrait donc être plus rapidement installés sur un gros astéroïde que sur Mars, voire sur la Lune, si le programme Artemis prend encore du retard. Reste maintenant à transformer ce mode d’emploi de 65 pages en un discours assez convaincant pour séduire l’un ou l’autre magnat de l’espace en devenir.