Cela peut paraître pour le moins insolite. La guerre dure depuis quasi un mois, mais la Russie continue à payer l’Ukraine pour le transit, faute d’autres solutions comme Nord Stream 2, tombé à l’eau in extremis. De plus, l’Europe consomme aujourd’hui plus de gaz russe qu’en décembre et en janvier.
Yuriy Vitrenko, PDG de NJSC Naftogaz Ukrainy, la plus importante entreprise publique ukrainienne du secteur pétrolier et gazier, affirme à l’agence Bloomberg toujours recevoir des paiements du voisin russe. En moyenne, Gazprom paie deux milliards de dollars par an, à l’Ukraine, pour le transit du gaz vers l’Europe.
Des revenus pour l’Ukraine certes, mais pour la Russie aussi, dont le gaz alimente l’Europe. L’Europe est notamment dépendante du gaz russe, ce qui offre un levier important à la Russie, ainsi que des fonds importants : les dépenses européennes pour le gaz et le pétrole russe sont estimées entre 600 et 800 millions de dollars par jour.
Pour inverser cette dépendance et offrir un contre-poids à l’Europe, Naftogaz propose que les pays mettent leurs paiements sur un compte séquestre, et n’en autorisent le versement que si la Russie retire ses troupes. Le manque à gagner serait en effet considérable pour le pays, surtout que depuis le début de la guerre, la consommation européenne de gaz russe a augmenté.
Augmentation de la consommation européenne
La quantité de gaz qui transite vers l’Europe avait même augmenté de 50% par rapport aux minima de janvier à un moment donné durant l’invasion. Le trafic à travers les gazoducs ukrainiens avait alors plus que doublés. C’est qu’après l’invasion, les distributeurs d’énergie européens se sont empressés de stocker du gaz russe.
L’Europe veut réduire ses importations de gaz russe de 66% jusqu’à la fin de l’année, mais pour l’heure, les alternatives doivent encore être trouvées. Dans l’immédiat, les importations ont donc augmenté, surtout dans les 48h après l’invasion. Gazprom a même livré du gaz à l’Allemagne à travers un gazoduc qui traverse la Biélorussie et la Pologne, une première utilisation en plus de deux mois.
Nord Stream 2
Les gazoducs qui traversent les autres pays sont synonymes de frais. C’est pour cela que la Russie, avec l’Allemagne, avait décidé de construire le gazoduc Nord Stream 2, qui traverse la mer baltique. Le pipeline est terminé, mais ne pourra sans doute jamais être utilisé. En réaction à la guerre, l’Allemagne a mis la demande d’autorisation d’exploitation en suspens. De plus, l’entreprise qui gère le gazoduc est en faillite.
Au final, le fait insolite que la Russie continue de payer l’Ukraine, à qui elle fait la guerre, en devient presque ironique. Voulant à tout prix contourner l’Ukraine, la Russie est désormais contrainte à continuer à utiliser les gazoducs ukrainiens, et à continuer à payer son ennemi.