Cela va faire un mois et demi que Tesla a déclaré la guerre au modèle social suédois en refusant la convention collective proposée par les syndicats. Mal en a pris à la firme d’Elon Musk : c’est tout un pays qui s’est dressé contre les constructeurs, suscitant des mouvements de solidarité à travers toute l’Europe. Jusqu’à interpeller l’Union européenne.
Un pays qui se soulève pour son modèle social
Tout a commencé le 27 octobre chez sept concessionnaires Tesla en Suède, où sont employées 120 personnes. Dans ce pays, ce sont traditionnellement les syndicats, plutôt que l’État, qui négocient les accords collectifs avec l’employeur. Sauf que Tesla n’a pas voulu en entendre parler. Ce fut donc la grève.
- Grève qui a suscité un immense mouvement de solidarité dans la société suédoise, qui la considère comme un combat pour la défense de son modèle social.
- Les travailleurs des transports et des installations portuaires ont refusé de charger ou de décharger les voitures Tesla, les électriciens ont refusé de réaliser des entretiens ou des réparations dans les ateliers ou les bureaux de la firme, et la poste a même refusé un temps de distribuer les plaques d’immatriculation de ces voitures.
« C’est insensé ! », s’énervait déjà Musk, qui n’a jamais caché son mépris des syndicats, qui compare à une opposition moyenâgeuse entre ouvriers et patrons – ce qui ne fait que mettre en évidence son absence de culture sur l’histoire du travail. La suite n’a pas dû lui plaire : le mouvement fait tache d’huile dans d’autres pays, depuis le nord de l’Europe. Et pourrait même troubler son modèle outre-Atlantique également.
Boycott des actions Tesla
- Ce sont d’abord les chauffeurs et dockers danois du puissant syndicat national 3F qui ont pris le relais. Ils refusent de transporter les voitures du constructeur américain depuis le début du mois. Or, ils ne sont pas employés par Tesla, ce qui limite grandement la capacité de l’entreprise à riposter.
- Et ce n’est pas fini : le syndicat des transports finlandais AKT a rejoint le mouvement jeudi dernier. La veille, c’était le syndicat norvégien Fellesforbundet qui annonçait refuser de faire bouger la moindre Tesla. Les différentes unions professionnelles nordiques ont laissé à l’entreprise jusqu’au 20 décembre pour respecter le modèle des travailleurs suédois.
- La mobilisation touche d’ailleurs déjà aux marchés boursiers, ce qui pourrait faire bien plus mal encore à Tesla si se crée un effet boule de neige. Politico note que le fonds de pension danois PensionDenmark a annoncé un boycott des actions de Tesla, et que celles qu’il possédait déjà seraient revendues au plus vite.
Au fur et à mesure que ce mouvement gagne de nouveaux pays, il gagne en visibilité hors de la sphère fennoscandienne, et semble sur le point de devenir une vague de fond européenne contre le modèle entrepreneurial américain. « Il est temps que l’Union européenne prenne des mesures et se montre plus ferme envers Musk », estime auprès de Politico Claes-Mikael Ståhl, secrétaire général adjoint de la Confédération européenne des syndicats.
Le syndicalisme revient en force, n’en déplaise à Musk
Jørn Eggum, leader du syndicat Fellesforbundet norvégien« C’est une bataille collective, à notre avis. Il ne fait aucun doute que Tesla est une entreprise hostile aux travailleurs. Tesla s’efforce systématiquement de saper les efforts de syndicalisation et essaie d’implanter des conditions américaines en Europe. »
- En Allemagne déjà, où Tesla a implanté une de ses fameuses gigafactories, IG Metall, le plus grand syndicat national, a constaté une augmentation des inscriptions de travailleurs de la firme. Ces derniers sont préoccupés par leurs conditions de travail.
- Et sans doute aussi par l’hostilité aux syndicats exprimée par Elon Musk. « Je pense que les syndicats essaient naturellement de créer de la négativité dans une entreprise », a lâché ce dernier la semaine dernière, estimant encore qu’ils promeuvent une vision des relations de travail « entre seigneurs et paysans » – soit précisément ce contre quoi les syndicats luttent, par définition.
- Or, même aux USA, le syndicalisme revient en force. Le soutien du public aux unions des travailleurs croît régulièrement depuis 2009 après une longue éclipse des mouvements sociaux. Actuellement, 67% des Américains se disent en faveur du syndicalisme, note Gallup. Pourtant ils ne sont que 8% à être syndiqués.