« C’est insensé » : quand Tesla se retrouve confrontée aux syndicats dans ses usines européennes

Tesla se retrouve confronté à un obstacle de taille dans sa conquête de l’Europe : le respect des conventions collectives. Après le refus de la firme de les signer, les syndicats suédois ont relevé le gant. Et ils ont tout un pays derrière eux. D’autres pourraient-ils suivre ?

Pourquoi est-ce important ?

Aux États-Unis, on a vu cette année un grand retour du syndicalisme parmi les travailleurs et la réapparition des grèves comme moyen de pression sur les grandes entreprises. Une culture de lutte qui avait largement disparu du paysage ultralibéral américain. Mais ça n'est pas grand-chose par rapport à la culture syndicale encore présente dans certains pays européens, et le choc est rude pour des industriels d'outre-Atlantique. Pour Musk en particulier, alors qu'il s'est toujours présenté comme fervent partisan d'une réindustrialisation pour faire face à la puissance économique chinoise.

Le contexte : Elon Musk est confronté à la première grève massive de l’histoire de Tesla. C’est en Suède que ça se passe, et cela fait déjà cinq semaines que ça dure.

Le risque de perdre face aux syndicats suédois

  • Les ouvriers réclament le respect du modèle suédois. Dans ce pays nordique, ce sont traditionnellement les syndicats, plutôt que l’État, qui négocient les accords collectifs avec l’employeur. Ceux-ci couvrent des conditions incluant le salaire, la retraite, les heures de travail et les vacances.
  • Mais le géant américain de l’automobile électrique a refusé de les signer. Du jamais vu, dans le pays. Ce qui a décidé le puissant syndicat IF Metall, qui compte plus de 300.000 membres, à déclencher un mouvement social comme Musk n’en avait sans doute jamais vu non plus.
  • La grève a commencé le 27 octobre chez sept concessionnaires Tesla en Suède, où sont employées 120 personnes. Elle s’est depuis étendue aux garages de la marque dans une quinzaine de villes.

Et ce mouvement de grève qui dure depuis plus d’un mois gagne en soutien dans la société suédoise, qui la considère comme un combat pour la défense de son modèle social. « Honte à toi Tesla, honte à toi ! », a même osé clamer sur les réseaux sociaux l’ancien premier ministre Stefan Löfven, ajoutant le mois dernier qu’il boycotterait dorénavant la marque de Musk, et qu’il encourageait ses compatriotes à faire de même. Une geste symbolique ? Pas tant que ça. Car d’autres organisations syndicales ont décidé de suivre.

Un pays qui se ligue contre Tesla

  • C’est toute la société suédoise qui semble s’être liguée contre Tesla pour faire respecter les règles du pays à l’entreprise.
    • Les travailleurs des transports et des installations portuaires ont refusé de charger ou de décharger les voitures Tesla dans tous les ports du pays.
    • Les électriciens ont refusé de réaliser des entretiens ou des réparations dans les ateliers ou les bureaux de Tesla. De même sur les stations de recharge des voitures électriques.
    • Même la poste suédoise s’y est mise : si un courrier est adressé à une adresse de l’entreprise, il n’arrivera tout simplement pas à destination. Cela comprend les nouvelles plaques d’immatriculation pour des Tesla.

« Ce conflit porte sur les salaires, les pensions et les assurances de nos membres travaillant chez Tesla. Mais fondamentalement, il s’agit aussi de défendre l’ensemble du modèle suédois du marché du travail. En Suède, ce sont les syndicats et les employeurs qui conviennent des conditions de travail, dans le cadre des négociations sur les conventions collectives. »

Marie Nilsson, présidente d’IF Metall

Un effet boule de neige en Europe ?

Elon Musk a laissé poindre son désarroi face à l’intransigeance des Nordiques. « C’est insensé », a-t-il répondu sur X à un de ses partisans qui l’interpellait sur la situation. Et on pourrait penser que Musk n’en a que faire du royaume nordique. Sauf que ce n’est pas si simple.

  • S’il veut rendre ses voitures populaires en Europe, il a tout intérêt à commencer par les royaumes scandinaves, Norvège et Suède en tête. Outre que les habitants y disposent d’un pouvoir d’achat élevé, les voitures électriques y sont déjà très populaires. Et les Chinois sont en embuscade pour proposer les leurs.
  • Si dans ce cas le modèle social est suédois, ce n’est pas le seul pays où les entreprises doivent entrer en négociation avec leurs travailleurs, en particulier dans les pays européens. Or, les entreprises de Musk n’ont pas vraiment bonne presse, pour ce qui est du respect des normes du travail.
  • On peut citer les licenciements massifs chez Twitter, devenu X. Et dont une bonne part des anciens employés avait porté devant la justice le non-respect des accords de licenciement. Mais aussi SpaceX, chez qui plus de 600 cas de blessures ont été signalés depuis 2014. Une vision de travail en entreprise qui choque, aux USA. Et qui ne passerait jamais en Europe.
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