La Chine et la Russie se trouvent actuellement dans la tourmente, et sous le feu des critiques internationales. Pour des menaces d’invasion (respectivement de l’Ukraine et de Taiwan) et de non-respect des Droits de l’Homme. Une alliance militaire entre les deux ne serait cependant pas à attendre, selon plusieurs experts.
« Les ennemis de mes ennemis sont mes amis », dit un vieil adage. Et c’est un peu cela qui pourrait pousser la Chine et la Russie dans les bras de l’un et de l’autre : la pression internationale. Mais les deux nations ne sont pas encore assez proches pour se soutenir de manière militaire, analysent des experts américains, cités par CNBC.
Xi Jinping a rencontré son homologue russe via écrans interposés, mercredi, dans un contexte de tension internationale particulièrement forte, où l’Occident suppose et craint que la Russie veuille envahir l’Ukraine.
« Coopération bilatérale bénéfique aux intérêts nationaux »
Mais quel rapprochement entre les deux? Sur fonds idéologique? Déjà lors de la Guerre froide, où les deux pays étaient communistes, les relations n’étaient pas toujours amicales.
« Pékin et Moscou resserrent leurs liens parce que les deux gouvernements considèrent qu’une coopération bilatérale plus poussée est bénéfique pour leurs intérêts nationaux respectifs, et non principalement en raison d’une affinité idéologique entre Xi et Poutine », explique Neil Thomas, spécialiste pour la Chine pour la firme de consultance Eurasia Group.
Dans ce but, les deux peuvent par exemple occuper en même temps, et brouiller, l’attention des Etats-Unis. La Russie agissant en Europe, et la Chine dans l’Océan indien et pacifique, ajoute l’expert.
« Cachez cette invasion que je ne saurais voir »
Si l’Occident accuse la Russie de vouloir envahir l’Ukraine, il accuse également la Chine de vouloir envahir l’île de Taiwan. Ou en tout cas, il dénonce les agissements militaires chinois autour de l’île. Mais la Russie et la Chine, que pense l’une de l’autre ?
« Aucun d’entre eux ne s’est spécifiquement rallié à la position de l’autre en ce qui concerne ces points sensibles, et je pense donc qu’ils veulent tous deux préserver une certaine flexibilité« , analyse William Courtney, de Rand Corp et ancien ambassadeur américain en Géorgie et au Kazakhstan. Les deux semblent alors fermer l’œil, pour mieux s’entendre, sans pour autant défendre les agissements de l’autre.
Et c’est important, notamment pour la Chine, analyse Angela Stent, professeure et directrice du Centre de recherches sur l’Eurasie et l’Europe de l’Est de l’Université de Georgetown. La Chine veut être sûre que si elle attaque Taiwan, la Russie n’interviendra pas. Pour la Russie, la spécialiste estime aussi que si elle décide d’envahir l’Ukraine, le pays sera sûr qu’il n’aura aucune aide militaire de son voisin de l’est. « Ils resteront totalement neutres et cela leur permet de faire ce qu’ils veulent dans ce qu’ils considèrent comme leur sphère d’influence », conclut l’experte.
Partenaires économiques, mais pas militaires
Les deux pays sont aussi et avant tout des partenaires économiques. La Russie est le « roi du pétrole », ou du gaz, pour de nombreux pays, et fournit également son voisin en énergie. Et cela est important pour comprendre la relation entre les deux pays : la Chine agit pour son propre intérêt.
Et c’est en cela aussi que la Chine ne se prononcera pas sur l’Ukraine, et n’interviendra aucunement en cas de conflit réel. « La Chine ne veut pas d’une alliance militaire formelle avec la Russie, car elle veut éviter une implication directe dans la politique internationale désordonnée des manœuvres déstabilisatrices de Moscou en Europe de l’Est, et a une ‘politique étrangère indépendante de paix’ qui s’oppose aux conflits militaires et souligne l’importance du dialogue », explique encore Neil Thomas.
La Chine a toujours suivi la tradition de s’opposer à créer des alliances officielles dans des affaires internationales, ajoute-t-il, et intervenir sur la question ukrainienne serait la compromettre, et in fine nuire à ses propres intérêts. Tel est le modèle de la diplomatie selon Xi Jinping. En novembre, il a également rencontré Joe Biden en ligne, rencontre également cordiale, et suite à la tornade qui a fait plus de 80 morts aux États-Unis, Xi a envoyé une lettre de condoléances.
Vu de Pékin et de Moscou
Dans les comptes rendus officiels, la rencontre (la deuxième de l’année) a été qualifiée de conversation amicale, fortifiant les relations entre les deux pays. Les experts notent le tutoiement employé par le président chinois, fait rare. Xi se réjouit également de rencontrer son interlocuteur aux Jeux olympiques d’hiver, en 2022, disait-il lors de la conversation.
La Russie ne lésine pas non plus sur l’enthousiasme pour décrire ses relations avec la Chine. « Les relations sont au meilleur niveau de tous les temps », a dit Poutine, repris par les publications des deux pays. Après la conversation, une source du Kremlin a relayé aux journalistes que Xi trouvait la relation entre les deux pays plus forte et plus efficace que celle entre alliés officiels (les deux pays n’ayant pas d’alliance officielle). Ainsi, Xi dit aussi soutenir le développement russe de « garanties pour la sécurité », selon la source officielle.