Du point de vue de la course à l’espace, l’année 2021 a été plutôt excitante, avec des progrès notables chez de nombreux acteurs, qu’ils soient privés comme Blue Origin et SpaceX, ou étatiques comme les agences spatiales chinoises ou américaines. Mais un joueur s’est fait particulièrement discret, malgré ses ambitions spatiales évidentes : l’Inde.
En un an, l’agence spatiale indienne, l’ISRO, n’a procédé qu’à deux lancements dénombre Space News : un véhicule de mise sur orbite de satellites polaires (PSLV) a lancé plusieurs objets pour l’Inde, le Brésil et les États-Unis en février dernier. Et une autre fusée est partie en août pour relâcher un satellite d’imagerie terrestre, mais un dysfonctionnement de l’étage supérieur de l’engin a empêché la charge utile d’atteindre son orbite. Un échec qui semble avoir refroidi l’enthousiasme de l’agence, qui se voyait pourtant comme un des grands acteurs étatiques de la nouvelle vague de conquête de l’espace.
Analyser les échecs pour mieux repartir
Le directeur de l’agence, Kailasavadivoo Sivan, a publié le 3 janvier dernier un message de bonne année, dans lequel il reconnait que 2021 n’a pas été aussi prometteuse qu’il ne l’espérait: « On a le sentiment que très peu de choses se sont passées à l’ISRO en 2021. Ce sentiment est principalement dû au nombre réduit de lancements. Cependant, en tant que président de l’ISRO, je suis extrêmement fier que vous ayez tous apporté des contributions très significatives en poursuivant les missions opérationnelles, en concevant de nombreuses nouvelles missions, en entreprenant
nombreuses initiatives de développement technologique et en planifiant la prochaine décennie d’activités spatiales. »
Le directeur de l’agence précise qu’une enquête a été menée pour identifier les raisons de l’échec de l’été dernier, mais celui-ci n’en a toutefois pas précisé les résultats. Il a plutôt enchaîné avec les objectifs que le programme spatial indien doit se fixer pour l’année qui s’annonce.
A quand une mission avec équipage ?
Comme « tâches immédiates » M. Sivan a listé trois lancements à venir. Deux d’entre eux, EOS-4 et EOS-6, seront lancés sur PSLV, tandis que EOS-2 fera l’objet du lancement inaugural du Small Satellite Launch Vehicle, un véhicule de lancement dédié aux petits satellites en cours de développement depuis plusieurs années. Mais il n’a pas fourni de calendrier précis.
Le vol le plus attendu par le monde de l’aérospatial, et initialement estimé pour 2022, c’est le premier lancement de Gaganyaan, le programme indien de vols spatiaux habités. Il s’agira toutefois d’un premier test sans équipage ; le Premier ministre Narendra Modi avait annoncé dès août 2018 que l’objectif était de réaliser un premier lancement avec un équipage d’ici août 2022, date du 75e anniversaire de l’indépendance de l’Inde. Mais le programme a pris du retard, et M. Sivan ne se mouille pas plus sur la tenue de ce délai.
M. Sivan a indiqué que les tests des moteurs, des systèmes d’évacuation de l’équipage et des parachutes sont tous en cours, de même que la formation des candidats astronautes en Inde. « Il existe une directive visant à lancer la première mission non habitée avant le 75e anniversaire de l’indépendance de l’Inde et toutes les parties prenantes font de leur mieux pour respecter le calendrier », a-t-il écrit. « Je suis sûr que nous serons en mesure d’atteindre cet objectif. »
Objectif Lune incertain
M. Sivan a également semblé exclure le lancement en 2022 de Chandrayaan-3, le deuxième atterrisseur lunaire de l’Inde. Cet engin, qui a subi des modifications de conception après l’échec de l’atterrissage de Chandrayaan-2 en 2019, était attendu pour 2022. M. Sivan a déclaré qu’il y avait eu des « progrès énormes » dans le développement du vaisseau spatial, mais a ajouté que la mission « pourrait être lancée au milieu de l’année prochaine. »
Des beaux projets donc que présente l’Inde, mais le pays semble avoir du mal à tenir le rythme, alors qu’il a beaucoup d’avance à rattraper par rapport aux États-Unis, à la Russie, ou même à la Chine, pour qui les vols habités deviennent courants et qui maintiennent déjà une présence permanente dans l’espace. Les officiels indiens évoquent le rôle de la pandémie dans ces nombreuses problématiques de calendrier. Il faut dire que le pays a effectivement subi un véritable traumatisme collectif, tant le bilan humain du coronavirus y a été élevé. Nul doute donc que le gouvernement de Narendra Modi cherche à présenter un bilan favorable sur d’autres points à l’approche des 75 ans de l’indépendance.