Le Sénat américain accuse (à nouveau) Credit Suisse d’aider à l’évasion fiscale, et ça ne s’arrêtera pas avec le rachat par UBS

La commission des finances du Sénat américain accuse la banque suisse d’aider les grandes fortunes à dissimuler des actifs au fisc, ce qui serait loin d’être une première pour celle qui a été rachetée par UBS il y a quelques semaines.

L’actu : Un groupe de sénateurs américains clame sa méfiance envers Credit Suisse, près d’une décennie après un scandale d’évasion fiscale aux États-Unis.

  • Selon un rapport publié mercredi matin par la commission des Finances du Sénat et mis en lumière par Bloomberg, la banque suisse a permis de cacher des comptes à l’étranger, pour un montant total de plus de 100 millions de dollars.
  • Credit Suisse aurait ainsi travaillé avec des citoyens à double nationalité suisse-américaine, qui utilisaient des passeports étrangers et renonçaient parfois à leur citoyenneté américaine pour dissimuler des actifs au fisc du pays, l’IRS (Internal Revenue Service).
  • Le sénateur démocrate Ron Wyden, qui préside la commission des finances du Sénat, a dénoncé les « banquiers suisses cupides » qui semblent s’être engagés dans une « conspiration massive et qui continue, pour aider les citoyens américains ultra-riches à échapper à l’impôt et à escroquer leurs concitoyens », malgré un accord de Credit Suisse avec les autorités en 2014.
  • Au sujet du rachat forcé par UBS pour sauver la banque de la faillite, Ron Wyden a affirmé que cette acquisition « n’efface pas l’ardoise » de Credit Suisse vis-a-vis du fisc américain.
    • Au contraire, la commission des finances du Sénat estime qu’UBS pourrait être également impliquée dans l’affaire, au même titre que PKB Privatbank et la banque israélienne Leumi. 
  • Ron Wyden appelé le département de la Justice à sévir contre les « récidivistes comme Credit Suisse » et à mener des enquêtes criminelles sur chaque banquier responsable.
    • Parmi les coupables potentiels, la commission pense que la haute hiérarchie de la banque était au courant de l’évasion fiscale.

Réaction : Dans un mail, Credit Suisse a déclaré qu’il ne tolérait pas l’évasion fiscale et qu’il avait bien coopéré avec les autorités américaines.

« La nouvelle équipe dirigeante de Credit Suisse a coopéré avec l’enquête du Comité et a soutenu le travail du sénateur Wyden, y compris en ce qui concerne les solutions politiques suggérées pour aider à renforcer la capacité de l’industrie financière à détecter les personnes américaines non déclarées. »

Credit Suisse
  • Ce faisant, la banque répète une affirmation de novembre dernier, lorsqu’un rapport de Bloomberg News avait révélé que le département de la Justice enquêtait (à nouveau) sur la conformité de la banque.
  • Il s’agit donc de la conclusion de deux années d’enquête visant à s’assurer que la banque suisse avait bien modifié ses pratiques en la matière. Ce qui n’est de ce fait pas le cas.
  • La commission des finances du Sénat considère qu’il s’agit « potentiellement de la plus grosse violation aux règles en la matière de l’histoire des États-Unis ».

En marge : Ce rapport du Sénat américain sort en même temps que des perquisitions dans 5 banques françaises dans le cadre d’une affaire de fraude fiscale et de blanchiment d’argent qui remonte à 2018.

De (très) lourdes casseroles

Le contexte : un lourd passif entre les États-Unis et la banque suisse.

  • En 2014, la justice américaine avait condamné la banque à une amende record de 2,6 milliards de dollars pour avoir incité des milliers de riches contribuables à dissimuler leur fortune en Suisse. 
    • Credit Suisse avait plaidé coupable d’avoir aidé des clients à préparer des déclarations tronquées pour échapper à l’impôt.

Mais cela ne se limite pas à l’outre-Atlantique.

  • En 2011 déjà, Credit Suisse avait convenu de payer 150 millions d’euros aux autorités allemandes pour résoudre un différend sur l’évasion fiscale, suite à un accord avec le parquet de Düsseldorf.
  • En 2016, des investigations du parquet financier français avaient révélé que 5000 clients français disposaient d’un compte Credit Suisse depuis de nombreuses années, non déclaré à l’administration fiscale française, pour une somme totale de 2 milliards d’euros.
  • Toujours en 2016, la banque s’est engagée à verser 109,5 millions d’euros aux autorités italiennes pour mettre fin à une enquête pour fraude fiscale présumée.

Et au-delà de la fraude fiscale, d’autres nombreux scandales ont égratigné la réputation de Credit Suisse au fil des ans, notamment :

  • Dès la fin des années 1980, Credit Suisse a été soupçonnée d’avoir aidé le dictateur philippin Ferdinand Marcos à cacher sa richesse.
  • Il en va de même pour le dictateur nigérien Sani Abacha durant son règne dans les années 1990.
  • En 2004, un banquier de Credit Suisse a été accusé d’avoir aidé la mafia japonaise à blanchir 5 milliards de yens.
  • Les démissions de deux CEO en 2020 et 2022, l’un accusé d’avoir espionné ses employés, l’autre d’avoir violé à plusieurs reprises les règles relatives au confinement pendant la pandémie.
  • Pendant ce temps, la banque a été accusée en 2020 d’avoir financé un cartel de drogue bulgare, une affaire pour laquelle elle est devenue la première banque à être poursuivie au pénal en Suisse.
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