Confronté à la pire crise économique depuis des années, l’autocrate turc Erdogan a indiqué durant le week-end qu’il troquerait ses alliés traditionnels contre de nouveaux partenaires économiques. Néanmoins, la situation dans laquelle se trouve la Turquie ne surprendra personne. Le pays a profité pendant deux ans de la lenteur des agences de notation et des banques, mais ce report ne pouvait plus durer.
Erdogan a été en mesure de reporter la crise pendant un certain temps, mais il a, selon toute vraisemblance, scellé le destin économique de son pays en se querellant avec le président américain Trump à propos de la libération d’un prédicateur protestant américain incarcéré sur des soupçons de “terrorisme présumé”. La livre turque a chuté de près de 70% au cours des quatre dernières années. L’inflation extrême menace également car les prix à l’importation continuent d’augmenter chaque jour.
Le succès économique de la Turquie repose sur l’ancienne formule des kleptocraties du tiers monde
Dans l’Asia Times, David P. Goldman écrit que la Turquie finira par devenir un État chinois. Le succès économique d’Erdogan était basé sur l’ancienne formule des kleptocraties du Tiers Monde, consistant à faire massivement financer le crédit domestique par des prêts étrangers.
Cela a permis aux Turcs d’acheter des biens de consommation étrangers, ce qui a porté le déficit commercial à 6,5 % du PIB. Un pourcentage similaire à celui de la Grèce implosive en 2012.
Les entreprises turques ont emprunté l’équivalent de 300 milliards de dollars en devises et doivent maintenant rembourser cette somme en livres turques dévaluées. La plupart de ces dettes ont été contractées alors qu’il fallait payer un peu moins de 2 livres turques pour obtenir 1 dollar. Aujourd’hui, il faut compter 7 livres pour un dollar. Les Turcs qui ont contracté un emprunt en dollars américains en 2014 sont donc tenus de rembourser plus de trois fois le montant emprunté en livres turques.
Tous les yeux sont maintenant braqués sur la Chine
Lorsque la livre turque s’est effondrée en 2001, le pays a pu compter sur une aide financière d’urgence du Fonds monétaire international (FMI). En échange, des restrictions strictes ont dû être mises en place. La chance que Erdogan y ait à nouveau recours est faible. Dans un discours prononcé plus tôt cette semaine, le président turc a déclaré que la Turquie étudie des alternatives en travaillant avec la Chine, la Russie et l’Iran.
La Russie et l’Iran ont leurs propres problèmes. Tous les regards sont donc tournés vers la Chine. C’est ce qu’a confirmé par l’économiste turc Emre Alkin sur la chaîne chinoise de langue anglaise CGTN :
« La stabilité de la livre turque dépend de la coopération avec des pays comme la Chine, notre banque centrale ne peut pas faire le travail à elle seule, des ressources extérieures sont nécessaires. Si cette ressource doit venir de la Chine, elle viendra de la Chine, mais le plus important est de faire usage de cette ressource. Il est maintenant clair que nous avons besoin de la sagesse, des idées et des suggestions de pays tels que la Chine.”
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La vente de la Turquie
La Turquie devra probablement vendre un certain nombre d’actifs importants de l’État, car même si les Chinois achetaient l’indice boursier complet d’Istanbul 100, la Turquie n’aurait pas assez de devises pour couvrir le déficit du compte courant pendant 7 mois. La Turquie devra vendre beaucoup plus et devra également se serrer la ceinture.
On s’attend maintenant à ce que les Chinois – selon les bonnes pratiques – revendiquent des participations dans les ports et d’autres infrastructures de transport. La compagnie maritime chinoise COSCO Pacific détient déjà 65% du troisième plus grand port de Turquie. Selon les économistes turcs, ce partenariat pourrait s’étendre à d’autres ports de la Méditerranée, de la mer Égée et de la mer Noire.
D’autres possibilités se situent au niveau technologique. Le géant chinois des télécommunications Huawei travaille déjà dans divers domaines (Internet 5G, cloud computing, IoT, surveillance) avec Turk Telecom. Le géant chinois du commerce électronique Alibaba a investi dans la plate-forme de commerce électronique turque Trendyol plus tôt cette année.
Un état satellite de la Chine ?
La combinaison de la technologie, du transport par rail et par voie d’eau, du commerce électronique et de la finance électronique transformera la Turquie en une partie de l’économie chinoise. Les produits chinois seront envoyés en Europe et au Moyen-Orient via la Turquie . Erdogan pourra toujours tenir tête à contre Washington et déclarer fièrement que l’honneur turc a été rétabli, pendant que son pays deviendra de facto un Etat satellite de la Chine.
Les Chinois n’en sont pas à leur coup d’essai. En Afrique et en Amérique du Sud, un certain nombre de pays sont passés sous le giron chinois.