La Chine détient 72% des dettes bilatérales du Kenya

L’endettement public du Kenya explose, et vient de dépasser le seuil des 5000 milliards de shillings (environ 42 milliards d’euros), ce qui soulève la question de la capacité de remboursement du pays, mais aussi de sa dépendance à l’égard de la Chine.

Le Kenya est en forte croissance, et le pays investit pour moderniser ses infrastructures, étendre et améliorer ses systèmes de transport et de distribution de l’énergie.

Le Kenya se modernise, et la Chine le finance

L’année dernière, il a inauguré le Standard Gauge Railway (SGR), une ligne de chemin de fer qui relie la capitale Nairobi au port de Mombasa, le plus grand projet d’infrastructure du pays depuis son indépendance en 1963. A l’avenir, cette ligne sera étendue à l’Ouganda, le Rwanda, le Soudan du Sud et l’Ethiopie. Mais ce grand projet, réalisé par la China Road and Bridge Corporation (CRBC),  a aussi suscité la controverse, parce qu’il a été financé à 80% par les Chinois.

Or, des chiffres révélés par le journal kényan Business Daily montrent l’étendue de la dépendance du Kenya vis à vis de l’Empire du Milieu : ce dernier détient 72% des dettes bilatérales du pays africain. C’est 15 points de plus qu’au 31 décembre 2016, lorsque ce taux atteignait 57%. Cette proportion est aussi 8 fois plus importante que celle du créancier suivant en importance, à savoir la France. Entre 2012 et 2017, la créance chinoise du Kenya a été multipliée par 10.

La Chine s’impose graduellement comme une puissance financière mondiale

Et ce n’est probablement pas fini, car au début du mois de mai, le Kenya a rejoint la Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures (AIIB), une institution financière chinoise qui octroie des crédits sans la conditionnalité de la déréglementation, de la privatisation et des réformes qui sont l’habituelle contrepartie des aides accordées par les grandes institutions occidentales comme le Fonds monétaire international (FMI).

Le Kenya était également l’un des 14 États africains qui se sont récemment réunis dans le cadre d’un forum qui se tenait dans la capitale zimbabwéenne Harare, pour discuter de la possibilité d’intégrer des réserves en yuan dans leurs réserves de change, ce qui met en évidence la montée en puissance graduelle de la Chine, et ses efforts pour s’imposer en tant que puissance financière mondiale.

Les critiques s’inquiètent de ces prêts chinois, dont ils affirment qu’ils risquent de créer une dépendance de ces nations. Jaindi Kisero, un chroniqueur du journal kényan Daily Nation, déplorait en mai que les Chinois soient “devenus experts pour s’entendre avec les secrétaires de cabinets et les responsables parastataux pour signer des accords commerciaux opaques qui finissent par alourdir notre registre de la dette extérieure avec des prêts coûteux”.

Les institutions internationales sonnent l’alarme

Les agences de notation ont déjà sonné l’alarme. En février, l’agence de notation Moody’s a dégradé la cote du Kenya en raison de l’explosion de son endettement. Le FMI a également refusé le versement d’un prêt d’appoint de 1,5 milliard de dollars (environ 1,3 milliard d’euros) au Kenya, en raison du non-respect de ses objectifs budgétaires, lui enjoignant d’engager la dette du pays sur “une voie durable”.

Tout cela se produit sur fond de scandales de corruption impliquant des responsables gouvernementaux accusés par le journal Nation d’avoir siphonné des dizaines de millions d’euros d’argent public en faisant appel à de faux appels d’offres et des fausses factures.

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