Malgré le retour en masse des passagers, les compagnies aériennes low cost craignent pour leur avenir

Les touristes se ruent en masse sur les vols malgré des prix élevés et les compagnies ont du mal à suivre. Mais entre la fin des avantages fiscaux et des quotas gratuits d’émission de CO2 d’un côté et l’inflation qui ronge le pouvoir d’achat des passagers de l’autre, cette période faste pourrait fort vite s’achever.

Pourquoi est-ce important ?

Le marché de l'aviation civile se retrouve confronté à toute une série de sollicitations contradictoires : les passagers sont là en masse après deux ans de disette d'un côté, mais de l'autre, le secteur voit venir la fin de l'ère du kérosène bon marché, ainsi qu'une nécessaire transition énergétique. Dans un climat économique sous tension, le modèle des vols bon marché peut-il encore faire sa loi ?

Dans l’actualité : le secteur européen des compagnies aériennes low cost marche sur des œufs. Michael O’Leary, le big boss de la compagnie irlandaise Ryanair, qui a établi le canon du genre en Europe, a publié lundi une vidéo sur le site Web de l’entreprise dans laquelle il évoque ses craintes pour l’avenir proche.

300 millions de passagers par an

« Nous sommes préoccupés par l’impact des tendances macroéconomiques qui pourraient affecter les dépenses des consommateurs au cours du second semestre de l’année. […] Voyons-nous des changements dans les tendances de la demande ? Non. En réalité, au cours des deux ou trois dernières semaines, nous avons constaté une demande plus forte en provenance d’Irlande et du Royaume-Uni, de personnes cherchant à fuir les pluies exceptionnellement abondantes que nous avons eues. Cela me donne encore plus confiance en une croissance durable des vacances en Méditerranée au cours de la prochaine décennie, alors que nous atteignons 300 millions de passagers par an (contre 169 millions l’année dernière). »

Michael O’Leary

La fin des régimes avantageux

  • C’est là le paradoxe : les compagnies aériennes se portent bien et a même toutes les peines du monde à répondre à la demande de touristes en mal d’un autre air. Selon ACI Europe, l’organisation sectorielle des aéroports, les bénéfices nets combinés des aéroports en Europe ont atteint plus de 6,4 milliards d’euros en 2022. C’est la première fois qu’un bénéfice est enregistré depuis 2019, même si ça s’est aussi fait par la réduction des investissements en infrastructures.
  • Mais pourtant l’offre de destinations baisse alors que les compagnies se concentrent sur leurs lignes les plus rentables, et les prix montent. O’Leary lui même annonçait l’année passée que « L’ère des vols à 10 euros était révolue » et les tarifs aériens moyens chez Ryanair ont augmenté de 42 % au dernier trimestre. L’ACI estime aussi qu’il faut s’attendre à ce que les billets low cost soient un tiers plus cher dans un avenir proche.
  • Une hausse des prix attendue qui sera largement provoquée par la fin annoncée des quotas gratuits d’émission de CO2 pour les compagnies aériennes, à partir de 2024. Dans certains pays – comme le nôtre – les régimes fiscaux favorables rendent même l’avion moins cher que le train, mais cette situation est de plus en plus remise en question. Les incertitudes sur les prix des carburants, qui ont flambé en 2022, motivent aussi ces prédictions.

L’inflation n’est pas vaincue

Mais faire peser ces coûts sur les consommateurs est-il la meilleure stratégie ? Ceux-ci subissent déjà les effets d’une inflation encore loin d’être vaincue, en particulier dans une Europe au bord de la récession. Les compagnies sont prudentes et voient venir une inversion de la demande.

  • Pourtant, les bénéfices arrivent, la hausse des tarifs compensant les années de vache maigre. Ryanair a annoncé un bénéfice de 663 millions d’euros pour le deuxième trimestre 2023.
  • Mais les marchés boursiers ne suivent pas la même tendance. Les actions de la compagnie irlandaise ont chuté jusqu’à 5 % lundi avant de réduire leurs pertes, signale CNN. Ses concurrents britanniques EasyJet et Jet2 ont baissé jusqu’à 4,6 % et 4 % respectivement, avant de récupérer une partie du terrain perdu.
Plus