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La véritable débâcle de la Russie n’est pas militaire

La véritable débâcle de la Russie n’est pas militaire
Nijni Novgorod – (Photo by NATALIA KOLESNIKOVA/AFP via Getty Images)

La Russie est un pays énorme, mais peu peuplé pour sa superficie. Or cela ne peut qu’empirer : la guerre s’ajoute à la longue liste des malheurs qui grèvent la démographie russe. Et c’est un cercle vicieux.

Pourquoi est-ce important ?

Quand on évoque une population en baisse, on pense généralement au Japon, à l'Europe et désormais à la Chine, où la natalité a dramatiquement chuté et la population vieillit à vue d'œil. Mais la situation s'avère bien pire en Russie, où non seulement il y a peu de naissances, mais où l'espérance de vie a baissé. Et où on ne pourra vraisemblablement pas compter sur les machines pour soutenir à bout de bras l'économie.

Un pays infini, et dépeuplé

Un problème de fond : démographiquement, la Fédération de Russie se trouve dans la situation la plus délicate depuis sa création, à la dissolution de l’URSS. La guerre en Ukraine est en train de faire virer la situation à la catastrophe, et ce, à un rythme accéléré.

  • La Russie a l’un des taux de fécondité les plus bas du monde selon World Population Review, avec 1,58 naissance par femme, ce qui est bien en dessous le taux de renouvellement de la population (2,1 enfants par femme). La moyenne d’âge des Russes est en outre parmi les plus élevées, avec 40,3 ans. En outre, le pays n’attire qu’une immigration très faible et ne peut donc compenser avec des arrivées.
  • Une situation qui pourrait rappeler celle de pays asiatiques comme le Japon. À ceci près que les habitants de l’archipel nippon atteignent souvent un âge avancé ; ceux de la Fédération de Russie, pas tant que ça. L’espérance de vie des Russes n’était que de 72 ans en moyenne en 2021 selon Global Data. Avant la guerre, elle était estimée pour 2022 à 78 ans pour les femmes, mais 67 seulement pour les hommes. L’espérance de vie moyenne japonaise est, elle, de 84 ans. La Belgique atteint les 82 ans.
  • Entre 1993 et 2008, la population de la Russie a connu une baisse considérable et perdait un million d’habitants par an. Depuis, la dénatalité s’est quelque peu ralentie, mais malgré les efforts de Vladimir Poutine pour installer une politique nataliste, la situation reste précaire. On estime généralement que la Russie passera du 9e au 17e rang des pays les plus peuplés d’ici à 2050.

Une guerre qui saigne à blanc une population

Et ça, c’était avant février 2022 : une situation qui ne rend guère plus compréhensible la décision de Vladimir Poutine de plonger son pays dans une guerre, fut-elle courte et qualifiée « d’opération spéciale ».

  • Les pertes ne peuvent pas être estimées avec beaucoup de précision : le commandant suprême des forces alliées en Europe de l’OTAN, le général Christopher Cavoli, a déclaré que la Russie avait perdu plus de 200.000 soldats, morts, blessés, ou disparus. Ce qui serait vraiment énorme. Les différentes sources évoquent de 60.000 à 150.000 morts, le premier chiffre étant plus crédible, mais il ne faut pas oublier que les blessures – physiques ou psychologiques – impacteront aussi espérance de vie et natalité à long terme.
  • A cela, il faut ajouter l’exode des réfractaires, certains partis dès le début de la guerre mais encore plus nombreux depuis que Poutine a décrété une (première) vague de mobilisation. En septembre dernier, on en évoquait des dizaines de milliers, en général les plus riches et les plus instruits d’ailleurs, donc ceux qui font tourner l’économie.
  • Et il faut se rappeler qu’avant la guerre, c’était le covid-19 qui faisait rage. La Russie a annoncé 360.000 morts causées par le virus, mais le Financial Times estimait en avril dernier qu’un million de décès surnuméraires étaient plus crédibles depuis le début de la pandémie.

Quel bilan ? The Economist estime que la population russe a perdu entre 1,9 et 2,8 millions d’individus entre 2020 et 2023. De quoi faire plonger toutes les estimations, déjà pessimistes, sur la situation démographique du pays dans les décennies à venir. Une situation d’autant plus terrible que, même si la guerre s’arrêtait demain, le retour au pays de soldats blessés, traumatisés, ou incapables de se réadapter à la vie civile, importerait une violence inouïe dans les foyers russes. Avec des conséquences démographiques à long terme : brutalités, drogues, alcoolisme, troubles mentaux… Comme après chaque conflit. Derrière ces statistiques se cachent des centaines de milliers de drames personnels, présents ou à venir.

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