“When in doubt, abstain”, titre un rapport commandé par la commission ECON, la commission des affaires économiques et monétaires du Parlement européen. Les risques liés à l’euro numérique sont plus importants que les avantages.
Le rapport a été rédigé par l’économiste italien Ignazio Angeloni de l’unité de gouvernance économique et d’examen de l’UEM du Parlement européen.
Dans le monde, 119 pays, représentant 95 % du PIB mondial, expérimentent une monnaie numérique de banque centrale (CBDC). Pour la Banque centrale européenne (BCE), il s’agit de l’euro numérique. Le rapport soulève des préoccupations concernant notamment la concurrence, la vie privée, l’inclusion financière, les implications en matière de politique financière et monétaire, ainsi que la relation avec les géants de la technologie.
Qu’est-ce que c’est ?
- Les CBDC (monnaies numériques de banque centrale) sont des monnaies fiduciaires numériques émises par une banque centrale. Elles sont censées être le pendant numérique équivalent de l’argent liquide, et donc aussi stables.
- La BCE a déclaré qu’elle n’avait pas l’intention de remplacer l’argent liquide par l’euro numérique. Au contraire, l’argent liquide et les CBDC coexisteraient. Cependant, des questions sur la vie privée et la concurrence équitable se posent. Une étude commandée par la commission ECON en arrive à la conclusion que la BCE devrait poursuivre ses recherches sur les CBDC, en l’occurrence le Prospective Digital Euro (PDE), mais ne devrait pas encore le déployer.
Plutôt un non
- « La ‘solution’ que prétend représenter l’euro numérique ne repose sur aucun ‘problème’ clairement défini. » Le rapport en conclut donc : mieux vaut s’abstenir.
- Il argumente que les systèmes de paiement existants sont déjà efficaces et qu’il n’y a aucun échec du marché qui nécessite une intervention de la banque centrale. De plus, les CBDC pourraient décourager les investissements privés et l’innovation.
- En outre, le rapport suggère qu’il n’y a pas eu suffisamment d’études de marché pour garantir le succès. « Sur la base des deux rapports d’avancement, on n’a pas l’impression que le marché d’un PDE a été examiné en profondeur et établi. »
- Si le PDE ne trouve pas son public, cela peut avoir des conséquences négatives : non seulement des coûts inutiles, mais aussi en termes de réputation.
Vie privée
- La protection de la vie privée est l’un des arguments qui touche le plus le consommateur moyen. La plupart des gens veulent conserver une certaine confidentialité concernant leurs transactions.
- D’une part, il y a la question de savoir si le prestataire de services, qui n’est pas nécessairement une banque, peut être digne de confiance en ce qui concerne les informations.
- D’autre part, il se pose également la question de savoir si les personnes souhaitent divulguer ces informations aux gouvernements ou confier le contrôle des paiements à un service gouvernemental.
- Le rapport reconnaît qu’une partie de ces critiques – et arguments en faveur de l’utilisation de l’argent liquide – provient du secteur criminel. Cependant, l’argent liquide reste le moyen le plus simple et le plus confidentiel de réaliser des transactions, offrant la plus grande assurance qu’un paiement ne soit pas découvert.
Politique monétaire
- Lorsqu’une partie des euros en circulation est échangée contre le PDE, cela entraînera une contraction du bilan des banques et une augmentation de celui des banques centrales. L’épargne sera partiellement transférée vers les banques centrales, ce qui entraînera une moindre liquidité des banques, susceptibles de fournir moins rapidement des prêts.
- Aujourd’hui, les banques centrales réglementent les institutions financières. Lorsqu’elles détiennent également des dépôts privés, la relation change et la banque centrale entre en concurrence avec les institutions qu’elle doit également contrôler.
Big tech
- Les géants de la technologie, et notamment les sociétés de technologie financière, sont devenus un élément indispensable du paysage des paiements et joueraient un rôle important dans le maintien d’un système de CBDC. En effet, les banques centrales importent la technologie plutôt que d’innover elles-mêmes.
- Le rapport suggère qu’une collaboration entre la BCE et les géants de la technologie pourrait générer des synergies et accélérer certaines innovations. De plus, une telle collaboration pourrait améliorer l’opinion publique à l’égard des géants de la technologie, souvent négative en ce qui concerne l’argent et la confiance.
Conclusion
« Pour ce que cela vaut, l’auteur estime que la BCE devrait poursuivre son exploration et peut-être aussi lancer la phase de test en octobre, mais qu’elle ne devrait pas réellement lancer un PDE à moins que de nouveaux éléments, autres que ceux actuellement disponibles, n’apparaissent en faveur d’une telle mesure », conclut le rapport.
(SR)