Aujourd’hui, rares sont les personnes qui doutent de la réalité du fait que l’homme modifie le climat de la Terre. La vraie question est la suivante : dans combien de temps pourrons-nous arrêter, voire inverser, les dégâts ? Une partie de la réponse à cette question réside dans le concept de « réchauffement acquis » (realized warming). Il s’agit des augmentations futures de la température mondiale qui seront causées par les gaz à effet de serre déjà émis. En d’autres termes, si la transition vers les énergies propres se faisait du jour au lendemain, quelle serait l’ampleur du réchauffement ?
L’homme est à l’origine du réchauffement climatique lorsque ses activités émettent des gaz à effet de serre, qui retiennent la chaleur dans la basse atmosphère, l’empêchant de s’échapper vers l’espace. Avant que l’homme ne commence à brûler des combustibles fossiles pour alimenter ses usines et ses véhicules et à élever des animaux émettant du méthane, le bilan énergétique de la Terre était à peu près équilibré. La quantité d’énergie solaire qui atteignait la Terre finissait par se dissiper.
Aujourd’hui, les concentrations croissantes de dioxyde de carbone dans l’atmosphère sont supérieures de plus de 50% à celles du début de l’ère industrielle. Ces émissions de dioxyde de carbone, ainsi que d’autres gaz à effet de serre comme le méthane, captent une énergie équivalente à la détonation de cinq bombes atomiques semblables à celle d’Hiroshima par seconde.
Avec plus d’énergie entrante que sortante, l’énergie thermique de la Terre augmente, ce qui fait monter la température des continents, des océans et de l’air et fait fondre la glace.
Les effets de l’altération de l’équilibre énergétique de la Terre mettent du temps à se manifester. Pensez à ce qui se passe lorsque vous ouvrez à fond le robinet d’eau chaude par une froide journée d’hiver : les tuyaux sont remplis d’eau froide et l’eau chaude met du temps à arriver jusqu’à vous.
Il y a trois raisons principales pour lesquelles le climat de la Terre devrait continuer à se réchauffer après l’arrêt des émissions
Tout d’abord, les principaux responsables du réchauffement de la planète – le dioxyde de carbone et le méthane – restent longtemps dans l’atmosphère : environ 10 ans en moyenne pour le méthane et jusqu’à 400 ans pour le dioxyde de carbone, certaines molécules restant actives jusqu’à des millénaires. L’élimination des émissions ne se traduit donc pas par une réduction immédiate de la quantité de ces gaz qui piègent la chaleur dans l’atmosphère.
Deuxièmement, une partie de ce réchauffement est compensée par les émissions anthropiques d’une autre forme de pollution : les aérosols sulfatés, de minuscules particules émises par la combustion de combustibles fossiles qui renvoient la lumière du soleil dans l’espace. Au cours du siècle dernier, cette éclipse mondiale a masqué l’effet de réchauffement des émissions de gaz à effet de serre. Mais ces aérosols d’origine humaine sont également nocifs pour la santé humaine et la biosphère. La suppression de ces aérosols et des gaz à effet de serre à courte durée de vie se traduit par un réchauffement supplémentaire de quelques dixièmes de degré pendant une dizaine d’années avant qu’un nouvel équilibre ne soit atteint.
Enfin, le climat de la Terre a besoin de temps pour s’adapter à toute modification du bilan énergétique. Environ deux tiers de la surface de la Terre sont constitués d’eau, parfois très profonde, qui absorbe lentement l’excès de carbone et de chaleur. Jusqu’à présent, plus de 91% de la chaleur ajoutée par les activités humaines, et environ un quart de l’excès de carbone, se sont retrouvés dans les océans.
Alors, quelle part de ce réchauffement annoncé nous attend ? Il n’y a pas de réponse claire
Si les habitants de la terre peuvent être reconnaissants pour ce phénomène, la chaleur supplémentaire contribue à l’élévation du niveau de la mer par l’expansion thermique ainsi que par les vagues de chaleur océaniques, tandis que le carbone supplémentaire rend l’océan plus corrosif pour de nombreux organismes à coquille, ce qui peut perturber la chaîne alimentaire de l’océan.
La température à la surface de la Terre, déterminée par le déséquilibre de l’énergie radiante au sommet de l’atmosphère et modulée par l’énorme inertie thermique des océans, est toujours en train de rattraper son plus gros bouton de contrôle : la concentration de dioxyde de carbone.
Alors, quelle proportion de ce réchauffement annoncé nous attend ? Il n’y a pas de réponse claire. Le monde s’est déjà réchauffé de plus de 1,1 degré Celsius par rapport aux niveaux préindustriels. Les pays du monde entier ont convenu en 2015 d’essayer d’empêcher la moyenne mondiale d’augmenter de plus de 1,5°C pour limiter les dégâts, mais nous avons tardé à réagir.
Déterminer le montant du réchauffement à venir est compliqué. Plusieurs études récentes utilisent des modèles climatiques pour estimer le réchauffement futur. Une étude portant sur 18 modèles du système terrestre a révélé que, lorsque les émissions étaient supprimées, les modèles prévoyaient que le réchauffement se poursuivrait pendant des décennies, voire des centaines d’années.
Quelques problèmes supplémentaires
L’ampleur du réchauffement est importante car ses conséquences ont tendance à augmenter de manière exponentielle, notamment pour la production alimentaire qui est menacée par la chaleur, la sécheresse et les tempêtes.
En outre, la Terre a des points de basculement qui peuvent provoquer des changements irréversibles dans les parties vulnérables du système terrestre, comme les glaciers ou les écosystèmes. Nous ne saurons pas forcément immédiatement quand la planète aura franchi un point de basculement, car ces changements sont souvent lents à venir. Ces systèmes sensibles du climat constituent la base du principe de précaution consistant à limiter le réchauffement à moins de 2°C et de préférence à 1,5°C.
Le cœur du problème climatique, ancré dans cette idée de réchauffement acquis, est qu’il existe de longs délais entre les changements de comportement humain et les changements climatiques. Si l’ampleur exacte du réchauffement acquis fait encore l’objet d’un débat, tout porte à croire que le moyen le plus sûr d’aller de l’avant est de passer de toute urgence à une économie sans carbone, plus équitable et générant beaucoup moins d’émissions de gaz à effet de serre.
MB