Quels sont les principaux risques et les implications potentielles pour les marchés en cas de victoire des démocrates et de Kamala Harris aux élections américaines ? Et qu’en est-il en cas de victoire des Républicains et de Trump ? Quelles classes d’actifs pourraient en profiter ? Et quelles sont les implications pour l’allocation d’actifs en général ? Bruno Lamoral, gestionnaire de portefeuille chez DPAM, partage son point de vue.
Que se passera-t-il si Harris est élu ?
Pour le moment, les sondages sur les élections américaines ne désignent pas de gagnant incontestable. Alors que Kamala Harris devance Donald Trump dans les sondages nationaux, c’est l’inverse qui se produit sur les marchés des paris. Sachant que les votes pour Trump ont été sous-estimé dans les sondages en 2016 et en 2020, l’identité du nouveau président reste très incertaine. Toutefois, il est probable qu’en cas de victoire de Mme Harris, celle-ci devra faire face à un parlement divisé. Ce scénario semble également être celui que préfèrent les marchés, car il ne conduirait qu’à des changements marginaux et bipartisans des politiques économiques existantes.
Mais que se passera-t-il si Kamala Harris remporte la présidence et que les démocrates prennent également le contrôle du Sénat et de la Chambre des représentants ? L’une des principales préoccupations du marché est la proposition de modifier les taux d’impôts. Kamala Harris vise une réforme fiscale de grande envergure, allant de l’introduction d’un taux d’impôts minimum et de l’augmentation de l’impôt sur les plus-values à long terme pour les plus riches, à la multiplication par quatre de l’impôt sur les rachats d’actions. Mais ce qui aurait le plus d’impact sur les marchés financiers, c’est la proposition d’augmenter le taux d’impôts des sociétés de 21 % à 28 %. On estime que cela pourrait réduire les revenus des entreprises de l’indice S&P500 de 6 %, créant ainsi un vent de face substantiel pour les performances globales du marché. En revanche, la proposition de Trump d’un taux d’imposition des sociétés de 15 % aurait l’effet inverse.
La campagne de Mme Harris est également axée sur la lutte contre l’inflation, un sujet sur lequel Joe Biden a souvent été critiqué. Sa proposition d’interdire au niveau fédéral les prix excessifs dans les supermarchés fait face à une certaine opposition. Les économistes affirment que le contrôle des prix des supermarchés ne produit souvent pas les résultats attendus et s’interrogent sur la nécessité de telles mesures, d’autant plus que l’inflation est déjà en baisse. Les mesures d’intervention du gouvernement, y compris ses projets pour le marché locatif, ont diminué l’attrait de Harris à Wall Street. Face à cette attitude, elle s’efforce de renforcer son image de femme pro-business, affirmant qu’elle est favorable à des marchés libres et équitables. Toutefois, le changement de sa rhétorique, ainsi qu’une position peu claire sur des questions telles que la politique commerciale et la géopolitique, contribuent à l’incertitude.
Par conséquent, un triomphe des démocrates entraînera probablement une réaction négative du marché en ce qui concerne les actions. Cependant, nous pensons qu’un tel scénario est peu probable. La plupart des mesures qu’elle a proposées nécessiteraient des modifications législatives, de sorte qu’un parlement divisé n’apporterait que peu de changements pour les différentes classes d’actifs et entraînerait donc une réaction plus positive du marché.
Que se passera-t-il si Trump est élu ?
Une victoire républicaine, en particulier avec Donald Trump à la présidence, pourrait avoir un impact significatif sur l’économie et les marchés financiers. Alors que la réduction proposée du taux d’impôts pour les sociétés de 21 % à 15 % serait accueillie positivement par les marchés, d’autres projets de l’administration, notamment des droits de douane élevés et une position rigoureuse sur l’immigration, conduiraient probablement à une hausse de l’inflation et à un ralentissement de la croissance économique. Par exemple, des taxes de 60 % sur les produits chinois et de 10 % sur les autres produits importés de partout dans le monde porteraient l’ensemble des droits de douane au niveau le plus élevé depuis 1930. Les marchés chinois et européens seront probablement les plus affectés, car ce sont les deux principaux partenaires commerciaux qui ont enregistré des excédents bilatéraux de marchandises avec les États-Unis supérieurs à 200 milliards de dollars. Mais le marché américain lui-même pourrait également être affecté, car les habitants devront faire face à une inflation élevée due à la combinaison de prix d’importation plus élevés et d’une production nationale plus coûteuse. En outre, les politiques d’immigration strictes pourraient aggraver les pénuries de personnel, ce qui entraînerait une hausse des coûts de la main-d’œuvre et une accélération de l’inflation.
Quelles seraient les implications d’une victoire des Républicains sur les différentes classes d’actifs ? En ce qui concerne les actions, l’impact se fera principalement sentir au niveau sectoriel. Les énergies renouvelables se sont déjà dépréciées, car on s’attend à ce que Trump se retire de l’Accord de Paris tout en réduisant partiellement l’IRA. Trump a également critiqué les grandes entreprises technologiques après la « déplateformisation » des personnes conservatrices, mais il souhaite également protéger l’industrie afin d’éviter que les entreprises technologiques chinoises ne prennent le dessus.
Par ailleurs, les banques et les secteurs traditionnels de l’énergie, y compris le pétrole et le gaz, pourraient bénéficier des effets positifs de la déréglementation et des politiques protectionnistes. Cela pourrait également entraîner une augmentation des activités de fusion et d’acquisition, ce qui serait favorable aux small caps américains. En Europe, les secteurs de la consommation (par exemple, la vente au détail, les produits de base, les spiritueux) et les grandes banques axées sur le commerce sont les plus menacés, tandis que des secteurs comme les matériaux de construction et l’industrie pourraient tirer profit des tendances à l’onshoring et au reshoring sous une administration républicaine. Pour les marchés des obligations, le consensus est que l’augmentation du déficit budgétaire et de l’inflation entraînera une hausse des taux d’intérêt. Toutefois, l’impact pourrait être limité si cette hausse s’accompagne d’une croissance économique plus faible. Dans un tel scénario, l’or peut continuer à atteindre de nouveaux sommets.
Quelle que soit l’issue des élections américaines, nous nous attendons à ce que le marché reçoive d’importantes liquidités l’année prochaine. Le 1er janvier, le gouvernement américain atteindra le plafond de la dette et aucune nouvelle dette ne pourra être émise. Le ministère des finances devra dépenser 700 milliards de dollars du compte général, en prélevant de l’argent en dehors du secteur bancaire et en augmentant les réserves des banques. Il est probable que la Fed mette fin à son QT au premier trimestre 25, ce qui entraînera une moindre contraction de son bilan. Au total, on peut s’attendre à une liquidité brute de 1 000 milliards de dollars au cours du premier semestre de l’année 25.