Quand le chef des affaires étrangères de l’Europe fait son mea culpa et pousse un coup de gueule contre les ambassadeurs

Lors de la conférence annuelle des ambassadeurs européens, le chef des affaires étrangères de l’Europe, Josep Borrell, a longuement pris la parole. Dans son discours, il s’est montré particulièrement critique envers lui-même, mais aussi envers les ambassadeurs. « Je veux être informé par vous, pas par la presse », a-t-il déclaré.

« Je suis le Haut Représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité. Je suis responsable de la construction d’une politique étrangère et de sécurité commune et du service européen pour l’action extérieure, et vous en particulier êtes censés m’y aider. »

Du sel dans la plaie

Une entrée en matière quelque peu inhabituel de la part de Borrell. Mais le ministre des Affaires étrangères de l’Europe est ensuite entré dans le vif du sujet :

« Ce n’est pas le moment de vous envoyer des fleurs à chacun d’entre vous en disant que vous êtes beaux, que vous faites du bon travail, que vous êtes tous très heureux et que nous sommes une grande famille. C’est un moment où nous devons oser dire entre nous que nous ne faisons pas assez bien. »

Josep Borrell.

Le diplomate a poursuivi son discours en énumérant les crises actuelles auxquelles l’Union est confrontée et leurs causes :

  • « Notre politique était basée sur le gaz bon marché de la Russie. Nous pensions que c’était bon marché, sûr et stable. Il s’est avéré que ce n’était pas le cas. »
  • « En outre, l’accessibilité du marché chinois, d’importer et d’exporter des marchandises, de la technologie, des investissements et des trucs bon marché. À mon avis, les travailleurs chinois, avec leurs bas salaires, s’en sortent mieux et ont fait plus pour freiner l’inflation que toutes les banques centrales réunies. »
  • M. Borrell s’est également montré critique à l’égard des États-Unis, même si (comme pour la Russie et la Chine) la question principale est le rôle de l’UE elle-même : « Nous avons externalisé notre sécurité aux États-Unis. Bien que la coopération avec Biden soit excellente et que la relation transatlantique soit meilleure que jamais, qui sait ce qui se passera dans deux ans ? Ou même dès le mois de novembre ? Qu’aurait fait Donald Trump ou quelqu’un comme lui, en réponse à la guerre en Ukraine ? ».

Mea culpa

Pour cela, M. Borrell a également fait son propre examen de conscience. La guerre en Ukraine, en particulier, a été clairement sensible pour l’Espagnol, qui a fait son mea culpa : « Nous ne croyions pas que la guerre allait arriver. Les Américains nous ont dit que la Russie allait attaquer, mais nous ne les avons pas crus. »

Plus tard, il a également sermonné les ambassadeurs européens :

  • « Vous devez rendre compte rapidement, en temps réel, de ce qui se passe dans vos pays. Je veux être informé par vous, pas par la presse. Parfois, j’en sais plus sur ce qui se passe quelque part en lisant les journaux qu’en parcourant vos rapports. Vous devez pouvoir faire un rapport 24 heures sur 24.
  • « Nous vivons une crise, il faut donc être en mode crise. Je dois être la personne la mieux informée du monde, ou au moins aussi bien que n’importe quel autre ministre des Affaires étrangères. Je suis le ministre des Affaires étrangères de l’Europe. Réagissez rapidement, prenez des initiatives, soyez prêt à faire votre part du travail. »
  • « Il faut parfois briser des tabous. « Nous n’avons jamais fait cela auparavant » n’est pas une option. Peut-être que parfois, nous devons faire des choses que nous n’avons jamais faites dans le passé. Si nous traînons, nous le regretterons. »
  • « Nous discutons depuis des mois d’une mission de formation de l’UE pour l’Ukraine. Soudain, boom, la guerre commence, et les gens disent « nous aurions dû faire ça ». Eh bien, maintenant nous allons le faire, et vite. Mais rapide selon les normes européennes signifie quelques mois. »

Le discours a montré Josep Borrell sous un jour nouveau. Avec son regard critique sur lui-même et sur son appareil, l’Espagnol tente d’apporter un changement, de tirer l’UE vers le haut, plus forte et indépendante.

En visite au collège d’Europe à Bruges, Borrell n’a plus sa langue dans sa poche : « Poutine dit qu’il ne bluffe pas avec la menace nucléaire. Il doit alors comprendre que les pays qui soutiennent l’Ukraine, l’Union européenne et ses États membres, les États-Unis et l’Otan, ne bluffent pas non plus. Toute attaque nucléaire contre l’Ukraine entraînera une réponse, pas une réponse nucléaire, mais une réponse militaire si puissante que l’armée russe sera anéantie. »

BL

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