« L’amnésie » concernant la sécurité énergétique en tant qu’enjeu majeur est terminée alors que l’Europe est confrontée à une crise d’approvisionnement. C’est l’avis de Daniel Yergin, vice-président de la société de données S&P Global, qui gère notamment les indices boursiers Dow Jones et S&P500.
Dans une récente interview accordée au média économique américain CNBC, l’expert en énergie a suggéré que le dictateur russe Vladimir Poutine crée une guerre énergétique en Europe en coupant les approvisionnements en gaz de la région. Selon l’historien américain des marchés, Poutine est en train de faire prendre conscience aux chefs de gouvernement européens que la sécurité énergétique de la région est soumise à une pression énorme.
« Une chose qui m’a frappé chez Poutine au fil des ans, c’est qu’il comprend vraiment les marchés de l’énergie et qu’il sait ce qu’il fait », estime Yergin. « Il réduit, gère les stocks pour provoquer des perturbations et faire monter les prix », continue-t-il.
Le boycott occidental du pétrole russe s’avérera également encore plus problématique qu’il ne l’est déjà, estime Yergin. Pour renforcer son point de vue, l’expert cite une question épineuse : les problèmes de financement auxquels sont confrontées les raffineries de pétrole, principalement américaines. Ce serait la raison pour laquelle davantage de pétrole ne peut pas arriver sur le marché. « Il y a une certaine capacité de raffinage supplémentaire en provenance des États-Unis, mais de nombreuses raffineries ont été fermées ou converties en raffineries de bioénergie ».
« Il y a en plus de cette pénurie mondiale de pétrole […] un très gros problème au niveau du raffinage », conclut Yergin.
Reconstitution des réserves hivernales
Notre continent est sous pression depuis que la Russie a interrompu son approvisionnement en gaz via le gazoduc Nord Stream 1 pour une période de maintenance de 10 jours. Bien que les Russes aient repris les livraisons de gaz comme prévu jeudi dernier, plusieurs responsables politiques ont craint que la fermeture ne devienne permanente. Ce dernier point a incité des puissances européennes telles que l’Allemagne et la France à élaborer des plans d’urgence pour faire face à toute pénurie.
Si les Russes ont ainsi repris l’approvisionnement en gaz, une reconstitution rapide des réserves hivernales européennes reste très incertaine, note le site économique Business Insider. Gazprom, l’entreprise publique russe responsable de l’approvisionnement en gaz de l’Europe, a déclaré une nouvelle fois qu’elle limiterait les flux de gaz via Nord Stream à partir d’après-demain. Cette annonce a entraîné une nouvelle agitation sur le marché.
Dans le même temps, les services publics de Corée du Sud et du Japon prévoient d’acheter davantage de cargaisons de gaz naturel liquéfié (GNL) pour l’hiver, craignant que l’Europe ne thésaurise sur l’offre actuelle, selon les sources du site d’information Bloomberg. Les acheteurs sensibles aux prix dans des pays comme l’Inde et la Thaïlande souhaitent également acheter massivement afin d’éviter une pénurie.
L’Occident insuffisamment préparé au chaos
Plusieurs personnalités du secteur de l’énergie ont déjà averti que l’Occident pourrait être confronté à une crise de l’électricité plus tôt que prévu et que le continent européen ne sera pas suffisamment préparé au chaos qui régnera sur les marchés de l’énergie cet hiver.
Les prix du gaz naturel européen ont augmenté de près de 140 % depuis le début de l’année, tandis que le pétrole brut coûte désormais 30 % de plus qu’au début de 2022.
MB