Pourquoi Meta interdit depuis trois ans à ses employés de parler d’avortement au travail

Si la liberté d’expression est supposément sacrée aux États-Unis, ce n’est pas le cas chez Meta. Enfin, au vu des multiples dérapages qu’il peut y avoir sur ses plateformes, on pourrait penser que si. Mais on parle bien ici des rouages internes de l’entreprise. Ainsi, les employés de la Big Tech sont invités à ne pas parler entre eux d’avortement.

Début mai, la fuite d’un document de la Cour Suprême – qui pourrait annuler le droit à l’avortement – a relancé le débat sur la question aux États-Unis. Mais chez Meta, pas question d’en parler. Depuis 2019, l’entreprise interdit à ses employés de discuter « des opinions ou des débats sur le fait que l’avortement est bien ou mal, la disponibilité ou les droits de l’avortement, et les points de vue politiques, religieux et humanitaires sur le sujet ». Une mesure prise car de telles discussions présenteraient « un risque accru » que l’entreprise soit considérée comme un « environnement de travail hostile ».

Forcément, au vu de l’actualité, cette directive passée jusqu’ici plus ou moins inaperçue refait parler d’elle. Depuis quelques semaines, des employés désireux de débattre de l’avortement avec leurs collègues demandent à Meta de supprimer son interdiction. Mais rien n’y fait: parler d’avortement au travail, c’est non. En tout cas pas sur Workplace, la plateforme qu’utilisent tous les employés de Meta pour discuter.

Meta met les points sur les i

Face aux demandes de permettre d’évoquer le sujet entre collègues, Naomi Gleit, vice-présidente de Meta chargée du bien social, de la croissance, de l’engagement et de l’identité, a récemment adressé un message à destination des employés du groupe. The Verge a pu le consulter.

« Au travail, il y a beaucoup de sensibilités autour de ce sujet, ce qui rend difficile la discussion sur Workplace », a expliqué celle qui est l’une des plus hautes responsables de Meta. Elle a précisé que les employés n’étaient autorisés à discuter de l’avortement au travail qu' »avec un collègue de confiance dans un cadre privé (par exemple, en direct, par chat, etc.) » et lors d’une « session d’écoute avec un petit groupe de 5 personnes au maximum partageant les mêmes idées, en signe de solidarité. »

En outre, Naomi Gleit a encouragé les travailleurs à utiliser les applications sociales du groupe pour partager leurs points de vue à titre personnel, et que l’entreprise « continuera à offrir à nos employés un accès aux soins de santé reproductive aux États-Unis, quel que soit leur lieu de résidence. »

Pas sûr que cette réponse satisfera les employés mécontents.

« La même politique nous permet de discuter de l’immigration, des armes à feu et de la vaccination »

« La même politique nous permet explicitement de discuter de questions et de mouvements tout aussi sensibles, notamment l’immigration, les droits des trans, le changement climatique, Black Lives Matter, les droits des armes à feu / le contrôle des armes à feu et la vaccination », a déploré l’une des employés qui avait écrit un message en interne finalement grandement modifié par Meta. « L’argument qui explique pourquoi notre politique traite une question différemment des autres questions sensibles me semble peu convaincant. L’ensemble du processus de traitement de la Respectful Communication Policy (la section du règlement interne à l’entreprise dans laquelle figure l’interdiction de parler d’avortement, ndlr), que mon message enfreint, et l’élaboration de ce nouveau post m’ont paru déshumanisants et dystopiques. »

Cette employée active chez Meta depuis dix ans a également confié que cette politique l’avait amenée à ressentir « un fort sentiment de silence et d’isolement sur Workplace ».

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