Pourquoi les taux de pertes des officiers russes sont aussi effarants et pourquoi ça risque d’empirer

C’était totalement inattendu aux premiers jours de l’invasion, mais la guerre entre l’Ukraine et la Russie se démarque entre autres par le nombre très élevé d’officiers, y compris des généraux, qui meurent au combat au sein de l’armée russe.

Ces derniers mois, le décès de plusieurs officiers supérieurs a jeté le trouble, alors que ces commandants de grandes unités ne devaient pas forcément se retrouver exposés. Et voilà que depuis deux semaines, le commandant en chef de l’invasion russe en Ukraine Alexandre Dvornikov semble introuvable. Serait-il aussi arrivé quelque chose de fâcheux à celui qu’on surnommait déjà « le boucher de Syrie » ? Ce n’est pas exclu et cela porterait un nouveau coup tant au prestige qu’au moral de l’armée russe.

Une armée qui avance, mais qui se fragilise

Il faut dire que, malgré des gains réels dans le Donbas ces derniers jours, celle-ci n’en mène pas large et les pertes s’accumulent. Selon les estimations du renseignement français, environ 28.000 Russes seraient morts ou blessés depuis le début de la guerre. Une estimation qui se situe entre celle des Anglo-Saxons et celle des Ukrainiens. Et selon le ministère britannique de la Défense (MOP) cette fois, les officiers, surtout ceux en début de carrière, y sont surreprésentés.

Des officiers tenus trop près du feu

La raison en est simple : l’armée russe manque de sous-officiers compétents pour mener le combat à l’échelon tactique, et ce sont donc les échelons directement supérieurs qui en viennent naturellement à devoir remplir ce rôle. Ces jeunes officiers se retrouvent ainsi bien trop près des combats qu’ils ne devraient l’être pour faire manœuvrer leur bataillon ou leur brigade efficacement et s’exposent davantage au feu, où les Ukrainiens ont bien vite appris à les cibler en priorité. Selon le MOD, ce comportement est en outre encouragé par la responsabilisation forte de ces officiers en cas d’échec de leur attaque.

Des comportements qui semblaient d’ailleurs se répercuter sur l’ensemble de la chaine de commandement russe, et ce, dès les premières difficultés rencontrées dans le conflit. A tous les échelons, on se rapproche plus du front qu’on ne le devrait au grade que l’on occupe. Un comportement qui, selon certains observateurs, trahirait le faible moral des soldats russes ordinaires, qui devraient être régulièrement remotivés, voire poussés vers l’avant, par des officiers supérieurs eux-mêmes mis sous pression par leurs propres supérieurs hiérarchiques.

Un cercle vicieux

Une situation peu enviable pour une armée, et qui sera très difficile à enrayer, pointe du doigt la Défense britannique dans une série de tweets: « La perte d’une grande partie de la jeune génération d’officiers professionnels va probablement exacerber les problèmes actuels de modernisation de son approche du commandement et du contrôle. Dans l’immédiat, les bataillons de groupes tactiques (BTG), qui sont reconstitués en Ukraine à partir des survivants de plusieurs unités, risquent d’être moins efficaces en raison du manque de jeunes chefs. De nombreux rapports crédibles faisant état de mutineries localisées au sein des forces russes en Ukraine, le manque de commandants de peloton et de compagnie expérimentés et crédibles risque d’entraîner une nouvelle baisse du moral et une mauvaise discipline persistante. »

L’armée russe manque déjà de frontoviks, de soldats ordinaires pour reprendre un terme issu de la Seconde Guerre mondiale, d’autant que dans cette guerre non déclarée, elle ne peut pas décréter la mobilisation générale. Mais si les pressions mises en place pour faire signer des engagements professionnels aux conscrits – et donc pouvoir les envoyer en Ukraine – risquent d’encore faire baisser le moral général, la situation peut d’autant plus virer à la mutinerie que la qualité de l’encadrement baisse elle aussi.

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