« OK boomer » n’est pas que l’expression d’une génération qui veut se démarquer radicalement du schéma de pensée de ses ainés ; c’est aussi la marque d’une profonde inégalité basée, une fois n’est pas coutume, ni sur l’origine, le sexe, ou la religion, mais bien sur la classe d’âge.
C’est en tout cas ce qu’on peut déduire d’une étude menée par la CNBC qui constate qu’aux États-Unis, les millenials – comprendre : des personnes nées entre le début des années 1980 et la fin des années 1990 – ne possèdent pas plus de 5,19 % du patrimoine américain. C’est quatre fois moins que ce que les boomers (nés durant la baby boom des années 50-60) possédaient quand ils avaient le même âge. « Nous sommes une génération qui a vu l’inégalité des revenus s’accroître au moment même où la Grande Récession (crise financière de 2008) entraînait un gel des embauches, réduisait nos chances de trouver un bon emploi et faisait grimper en flèche la dette des prêts étudiants » résumait dans une opinion Ingrid Cruz, journaliste pour Business Insider.
Pas de fondations pour construire sa vie
Une situation économique qui se répercute lourdement sur ces jeunes adultes, d’environ 25 à 35 ans, alors qu’ils ont justement atteint l’âge où, traditionnellement on fait ses grands choix de vie. Mais cette génération se voit confrontée à des salaires proportionnellement bas par rapport à l’évolution du coût de la vie, ainsi qu’à une raréfaction de l’emploi, en particulier pour les postes demandant des diplômes universitaires. Une situation qui a pour conséquence de retarder le mariage, l’achat d’une maison et d’une voiture, et qui rend parfois impossible de quitter la maison des parents – ou qui contraint d’y retourner en cas de crise, selon une étude du Bureau of Labor Statistics datant de 2014. Et entretemps, la pandémie du coronavirus n’a pas étançonné les fondations déjà précaires de cette génération, que du contraire.
Ces études concernent certes les États-Unis, mais la même situation se retrouve peu ou prou dans d’autres pays, y compris en Europe. Les 25-35 ans peinent à atteindre le niveau de confort et de sécurité financière que leurs parents considéraient comme la norme au même âge. Ce qui ne fait d’ailleurs que creuser davantage le fossé entre les générations.
La vie sans filet
« Bien que de nombreux millenials soient en mesure d’obtenir des salaires supérieurs au salaire minimum fédéral de 7,25 dollars de l’heure, celui-ci représente 31 % de moins que le salaire minimum de 1968, une fois l’inflation prise en compte. En tant que millennials, nous sommes constamment au gré des forces du marché qui nous déstabilisent, avec peu ou pas de filets de sécurité, et nous devons régulièrement lutter contre les idées fausses sur notre éthique de travail ou nos ambitions » insiste Ingrid Cruz.
Une impression permanente d’être sur le fil du rasoir qui génère un stress constant, ce qui nuit à la santé de ces jeunes travailleurs et travailleuses. Alors qu’ils n’ont pas toujours les moyens de se payer des soins de santé de qualité ou réguliers, même dans un pays où le remboursement des mutuelles absorbe une grande partie de ces frais.
Une situation qui s’ajoute tant à cette pandémie qui n’en finit pas qu’à la menace sourde et constante du changement climatique, qui d’ailleurs génère des phénomènes d’angoisse permanente du type éco-anxiété. Confrontés à tant d’obstacle, les jeunes sont de plus en plus nombreux à osciller entre l’impossibilité de bâtir quelque chose sur le modèle de leurs parents, et le profond désir de changer entièrement la société – sans en avoir forcément les moyens.