À l’occasion du 75ème anniversaire du Parti du travail, au pouvoir en Corée du Nord, Kim Jong-un a dévoilé son nouveau missile. Possédant des caractéristiques jamais vues jusqu’alors, il a de quoi inquiéter les États-Unis.
Le 1er janvier 2020, Kim Jong-un avait lancé une alerte en direction des États-Unis. ‘Dans le futur, plus les USA gagneront du temps et se montreront hésitants concernant leurs relations avec notre pays, plus ils se retrouveront impuissants face à la République populaire démocratique de Corée, qui se renforce au-delà de toutes les prévisions, et plus ils se retrouveront dans une impasse’, avait déclaré le dirigeant nord-coréen à l’occasion de son discours du Nouvel an.
Kim Jong-un s’était félicité du fait que la Corée du Nord ‘développait un système d’armement de pointe dont seuls les pays avancés disposent’.
Un nouveau missile qui fait peur
Visiblement, Kim Jong-un n’avait pas menti. Ce samedi, lors des célébrations du 75ème anniversaire du Parti du travail, la Corée du Nord a dévoilé son nouveau missile, le plus grand missile balistique intercontinental (ICBM) jamais présenté par le pays.
Jusqu’à aujourd’hui, la Corée du Nord avait déjà testé deux ICBM. Le premier, le Hwasong-14, en 2017. Avec une portée de 10.000 km, il peut atteindre toute l’Europe occidentale ainsi que la moitié du continent américain. Le second, le Hwasong-15, avait été testé la même année. Avec sa portée de 13.000 km, il est en mesure de toucher l’ensemble du territoire américain.
Le nouvel ICBM, présenté samedi, est encore plus grand que les deux précédents. Il n’a pas encore été testé et personne n’est pour l’instant en mesure d’estimer sa portée. Mais étant donné que la Corée du Nord a, depuis le Hwasong-15, tous les États-Unis dans le viseur, cette donnée n’est pas la plus importante.
Ce qui préoccupe vraiment les États-Unis, c’est que ce nouveau missile pourrait transporter plusieurs têtes nucléaires, avertit Melissa Hanham, d’Open Nuclear Network à l’université Stanford.
Les États-Unis doivent s’inquiéter
Alors que les États-Unis éprouvaient déjà des difficultés à répondre aux progrès nord-coréens par des systèmes antimissiles optimaux, cette nouvelle avancée apporte son nouveau lot de préoccupations. En effet, chaque tête nucléaire nécessite l’intervention de plusieurs intercepteurs. La menace de plusieurs ogives lancées simultanément en direction du sol américain risque d’obliger les États-Unis à consentir à d’énormes investissements.
Pour Jeffrey Lewis, du Middlebury Institute, la Corée du Nord vise ‘clairement à éprouver le système de défense antimissile américain en Alaska’. Si le ICBM comporte trois ou quatre ogives, a-t-il expliqué, les États-Unis devront dépenser environ 1 milliard de dollars (740 millions d’euros) pour avoir 12 à 16 missiles intercepteurs pour chaque missile. ‘À ce prix, je suis presque certain que la Corée du Nord peut ajouter plus vite des ogives que nous ne pouvons ajouter des intercepteurs’, a-t-il souligné.
‘Aucun sens’
Cependant, certains experts préfèrent relativiser le véritable danger du nouvel ICBM nord-coréen. S’il est d’une apparence colossale (la longueur de ce missile est estimée à 24 mètres et son diamètre à 2,5 mètres), il serait toutefois trop grand que pour être utilisable. ‘Cela n’a absolument aucun sens, sauf dans un contexte d’équation des menaces qui consisterait à envoyer le message suivant: ‘Nous avons maintenant un ICBM mobile avec des MIRV, ayez très peur’, estime le spécialiste Markus Schiller.
La démonstration de puissance de la Corée du Nord ne doit toutefois pas être prise à la légère. D’après les estimations, la Corée du Nord disposait jusqu’alors de six tracteurs-érecteurs-lanceurs importés (illicitement) de Chine en 2010. Ce samedi, pour la première fois, le monde a découvert que l’armée nord-coréenne disposait de plus de six véhicules. Et les nouveaux ont été fortement améliorés.
Pendant la présentation de son nouvel ICBM, Kim Jong-un était assis sur un tracteur-érecteur-lanceur qui comptait 11 essieux. Et ça aussi, c’est du jamais vu. Ce modèle est bien plus grand que les véhicules chinois à huit essieux que la Corée du Nord utilisait jusqu’à présent.
‘Cet engin est peut-être plus terrifiant que le missile’, a déclaré Melissa Hanham. ‘Si la Corée du Nord est en capacité de produire ses propres châssis, alors il y a moins de contraintes sur le nombre d’ICBM qu’elle peut lancer’.
Trump et Biden muets
Donald Trump et Joe Biden n’ont pas réagi au message envoyé par la Corée du Nord. Pourtant, il leur était clairement adressé.
Pour Andrei Lankov, du Korea Risk Group, Kim Jong-un a voulu lancer un signal aux deux candidats à la présidentielle américaine.
Pour Lankov, ‘cela montre que la Corée du Nord pourrait procéder à un lancement si Trump est réélu et ignore la question nord-coréenne’. Si Biden est élu et qu’il n’écoute pas la Corée du Nord, ‘il en sera de même’, a-t-il ajouté auprès de l’AFP.