Pourquoi la quatrième élection en deux ans en Israël ne mène qu’à encore plus d’incertitude et de polarisation politique

Le parti du Premier ministre Benyamin Netanyahou semble en passe de remporter la quatrième élection en Israël en deux ans. Mais ni son alliance de droite ni un bloc diversifié de partis d’opposition n’ont de voie claire vers une coalition majoritaire. Netanyahou devra compter sur le soutien de l’Otsma Jehudit, totalement extrémiste et ouvertement raciste, entre autres, pour rester au pouvoir. Surtout, le résultat semble prolonger la période d’incertitude politique et de polarisation qui pourrait bientôt ramener Israël aux urnes. Quelle est la cause de cette impasse politique, apparemment sans fin, en Israël ?

Deux des trois sondages effectués à la sortie des bureaux de vote par les médias israéliens ont donné au parti conservateur Likoud de Netanyahou et à son bloc plus large de droite et religieux, 53 sièges au sein du parlement israélien. Ce n’est pas suffisant pour obtenir les 61 sièges nécessaires pour former une majorité à la Knesset, qui en compte 120. Un troisième sondage donne au bloc de partis anti-Netanyahou une avance de 61 sièges. Le camp anti-Netanyahou est composé de partis idéologiquement incompatibles, ce qui rend donc très improbable la formation d’un gouvernement de ce côté.

Le résultat confus des élections semble donc susceptible de prolonger la période d’incertitude et de polarisation politiques, en envoyant le pays aux urnes pour la cinquième fois en peu de temps. Et même si Netanyahou reste au pouvoir, son procès ne disparaîtra pas. Il sera toujours jugé pour des accusations de pots-de-vin, de fraude et de corruption.

Si l’alliance des partis de droite et religieux de Netanyahou veut conserver le pouvoir, tout dépendra de sa capacité à persuader l’un de ses anciens partenaires de coalition, l’ancien ministre de la Défense Naftali Bennett, de le rejoindre. Bennett, un leader d’extrême droite qui a rompu avec le Premier ministre pour former son propre parti, pourrait donner à Netanyahou la marge dont il a besoin pour obtenir une majorité simple à la Knesset.

Bennett n’a pas exclu de faire partie d’un nouveau gouvernement Netanyahou, bien que les deux anciens alliés se détestent. Et les sièges de Bennett à la Knesset, sept ou huit selon les sondages, lui donneraient un pouvoir considérable dans les négociations de coalition.

Netanyahou devra également s’appuyer à nouveau sur ses alliés traditionnels des factions juives ultra-orthodoxes, comme Aryeh Deri, du parti Shas, qui, pas plus tard que dimanche, a déclaré que la ‘place naturelle’ d’une femme n’était pas en politique.

Les Kahanistes et leur parti Otsma Jehudit

Netanyahou semble également avoir besoin du soutien des kahanistes et de leur parti Otsma Jehudit, qui se situe vraiment à l’extrémité du spectre de la droite. Un parti ouvertement raciste et homophobe. Le chef de ce parti, Itamar Ben Gvir, a conservé jusqu’à l’année dernière dans son salon une photo de Baruch Goldstein, un colon israélo-américain qui a abattu 29 fidèles palestiniens à Hébron en 1994 alors qu’ils faisaient leur prière du matin. Selon les résultats préliminaires, Ben Gvir entrerait à la Knesset pour la première fois.

Le parti de Gvir adhère au kahanisme, une idéologie d’extrême droite formulée par le militant, homme politique et rabbin Meir Kahane. Les membres les plus importants d’Otsma Yehudit ont également été membres du parti Kach de ce même Kahane. De 1984 à 1988, le Kach était une faction unipersonnelle à la Knesset ; le parti était représenté par le leader et fondateur du Kach, le rabbin Kahane. Il a été assassiné en 1990. Le mouvement s’est ensuite divisé en deux: Kach et Kahane Chai. Depuis 1994, les deux mouvements sont interdits en Israël. Les États-Unis, le Canada et l’Union européenne classent Kach et Kahane Chai parmi les organisations terroristes.

Pendant ce temps, dans le camp anti-Netanyahou…

Dans le camp anti-Netanyahou, Yair Lapid, ancien présentateur de télévision et ministre des Finances, a déclaré que son parti Yesh Atid tenterait lui aussi de former une coalition. ‘Il n’y aura pas de gouvernement basé sur les votes des racistes et des homophobes’, a-t-il déclaré. ‘J’ai commencé à parler avec les chefs de parti et nous attendons les résultats, mais nous ferons tout ce que nous pouvons pour créer un gouvernement sain en Israël’

Toutefois, pour diriger le prochain gouvernement israélien, le ‘centriste’ autoproclamé, qui n’a recueilli que 15% des voix, devra probablement forger des alliances difficiles avec des partis de tout l’éventail politique, des parlementaires arabes aux nationalistes d’extrême droite tels que l’ancien allié de Netanyahou, Avigdor Lieberman.

Lapid a succédé à la tête de l’opposition à Benny Gantz, un ancien chef de l’armée qui a été le candidat de l’opposition de Netanyahou lors des trois dernières élections.

La participation à cette dernière élection a d’ailleurs été la plus faible depuis plus d’une décennie. La Commission électorale centrale a déclaré que 67,2 % des électeurs éligibles ont voté. La raison peut être une combinaison de Covid-19, du temps chaud inhabituellement poussiéreux et du ras-le-bol des élections.

Quelle est la cause de cette impasse politique, apparemment sans fin, en Israël ?

L’impasse politique apparemment sans fin d’Israël est en partie due à la nature de son système électoral, qui attribue les sièges au parlement en fonction de la part de voix de chaque parti, ce qui permet aux petits partis de siéger à la Knesset. Cela rend également difficile pour les grands partis de former une majorité.

C’est aussi le résultat du refus de Netanyahou de démissionner malgré un procès en cours contre lui pour des allégations de corruptions, de fraudes et d’abus de confiance. Ce refus a divisé le bloc de droite qui a maintenu Netanyahu au pouvoir ces 12 dernières années.

Comme ni Netanyahou ni ses opposants n’ont pu obtenir une majorité lors des trois élections précédentes, en 2019 et 2020, Netanyahou est resté au pouvoir. D’abord en tant que premier ministre par intérim, puis à la tête d’un gouvernement d’unité chancelant aux côtés de certains de ses plus féroces détracteurs.

Principaux défis

S’il revient au pouvoir, Netanyahou a promis des réformes judiciaires radicales qui limiteraient le pouvoir de la justice. Ses opposants craignent qu’elles servent surtout à contourner son procès pour corruption.

Le tout nouveau gouvernement sera de toute façon confronté à des défis immédiats et importants, notamment une économie mise à mal par la pandémie, la hausse des crimes violents dans les communautés arabes et les menaces potentielles de l’Iran. Sur le plan diplomatique, Israël tente de bloquer la résurrection de l’accord nucléaire de 2015 avec l’Iran, que le nouveau gouvernement américain approuve globalement et qu’Israël juge inadéquat.

Israël devra adopter d’urgence un nouveau budget national pour 2021, car le gouvernement précédent n’a pas réussi à le faire, ce qui a entraîné la chute de la coalition.

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