La Chine, par la voix de son président Xi Jinping, s’est engagée à dépenser 60 milliards de dollars (environ 52 milliards d’euros) en prêts et investissements en Afrique. Xi a fait cette annonce lors de l’ouverture du 3e forum de coopération sino-africain qui s’est tenu à Pékin ce week-end. La totalité des 4 pays du continent africain était représentée, à l’exception du Swaziland, qui n’a pas reconnu Taiwan, et avec lequel la Chine n’a pas de relations diplomatiques.
Ce forum est devenu un rendez-vous incontournable pour les dirigeants africains. Sa première édition s’est tenue en l’an 2000, lorsque les échanges entre l’Afrique et la Chine ne dépassait pas 10 milliards de dollars par an.
La Chine commerce désormais 3 fois plus avec l’Afrique que les États-Unis
Depuis, ce montant est passé à 220 milliards de dollars (environ 190 milliards d’euros) ; selon Pékin, plus de 10 000 entreprises chinoises ont étendu leurs activités en Afrique et près d’un million de Chinois vivent et travaillent en Afrique. De même, depuis cette époque, la Chine a consenti 136 milliards de dollars de prêts à des gouvernements africains. L’Empire du Milieu réalise désormais 3 fois plus de commerce avec le continent africain que les États-Unis, et si le président américain Donald Trump met à exécution son projet de réduire de 35 % des aides que son pays verse à l’Afrique, la Chine deviendra également le plus gros donateur mondial pour l’Afrique.
Les investissements et crédits promis lors de ce forum pourront prendre la forme de lignes de crédit ou d’emprunts, d’investissements directs, mais aussi d’annulations de dettes, pour certains des pays les plus pauvres.
Des prêts à taux zéro ou inférieurs au marché, des investissements, des fonds…
Xi a précisé que le montant global se décomposait en 20 milliards de dollars de prêts (environ 17 milliards d’euros), 15 milliards de dollars de prêts sans intérêt ou à taux d’intérêt inférieur à celui du marché (prêts concessionnels) (environ 13 milliards d’euros), un fonds de 10 milliards de dollars pour le développement sino-africain (environ 9 milliards d’euros), 10 milliards de dollars d’investissement réalisés par les entreprises chinoises et un fonds de 5 milliards de dollars pour des importations africaines (environ 4 milliards d’euros). Le président chinois a également promis d’instituer un fonds de sécurité pour fournir une aide militaire et un soutien dans les domaines de l’intelligence et de la lutte contre le terrorisme.
Ce n’est pas une première
Il a également rappelé qu’en 2015, la Chine s’était déjà engagée à consacrer 60 milliards de dollars en Afrique, et que cette promesse avait été honorée. Il a cité la construction d’une ligne de chemin de fer entre Nairobi et Mombasa au Kenya, un projet d’hydroélectricité en Éthiopie, et la création de mines en République Démocratique du Congo, en Namibie, et au Zimbabwe, ainsi qu’un port au Cameroun et la construction d’une nouvelle capitale administrative en Égypte.
Une prise d’otage par la dette ?
La Chine a souvent été critiquée pour pratiquer un colonialisme par la dette en Afrique, octroyant des emprunts dont elle sait parfaitement que les Etats bénéficiaires ne pourront jamais les rembourser, puis utilisant cette dette pour acquérir des terrains ou des infrastructures stratégiques dans le pays en question. Au cours des dernières années, les opérations d’investissement chinoises se sont souvent doublées d’une présence militaire. L’année dernière, l’Empire du milieu a ouvert sa première base militaire à l’étranger à Djibouti.
Mais le président chinois a balayé ces critiques, en se défendant de vouloir coloniser l’Afrique, ou de la prendre en otage avec des dettes: « La coopération de la Chine avec l’Afrique s’attaque clairement aux principaux freins du développement. Les ressources de notre coopération ne sont jamais dépensées sur des projets de vanité, mais dans des endroits où elles sont les plus cruciales ». « Nous n’interférerons pas dans les affaires domestiques africaines, et n’imposerons pas notre volonté sur l’Afrique. La Chine sera toujours la bonne amie de l’Afrique, le bon associé, le bon frère. Personne ne peut saboter l’unité entre les peuples chinois et africain ».
Un air de déjà vu
Mais ce discours semble laisser de marbre Jane Flanagan, correspondante du Times of London en Afrique :
“À court terme, les investissements chinois sont très séduisants pour les gouvernements africains faibles confrontés à de faibles revenus de l’État et à une population croissante. Contrairement au soutien financier de l’Occident, qui intervient lentement et et pour lesquels il faut rendre des comptes et atteindre des objectifs de performance, les mécanismes de financement chinois sont rapides, et inconditionnels. Les préoccupations environnementales ne sont pas une priorité; les objectifs d’entreprise en matière de responsabilité sociale sont retirés.
L’investissement de la Chine se présente souvent sous la forme d’équipements, de matériels et d’une main-d’œuvre qualifiée, mais quand il s’agit de rembourser la dette, c’est en monnaie sonnante et trébuchante qu’il faut le faire. L’incapacité à rembourser des dettes à déjà conduit la Chine à saisir des actifs stratégiques en remplacement.
En Zambie, qui peine à respecter les termes de son financement de projet de 8 milliards de dollars, une entreprise chinoise a repris la chaîne de télévision publique. La compagnie d’électricité nationale du pays, Zesco, est en pourparlers concernant une prise de contrôle par une société chinoise après que le service de sa dette est devenu insoutenable.
Djibouti, qui est stratégiquement située dans la Corne de l’Afrique, où la Chine a sa seule base militaire à l’étranger, aux côtés de la France et des États-Unis, fait partie des pays qui sont menacés de surendettement à l’égard des financements chinois.”