Pourquoi l’un des plus fidèles alliés de l’Ukraine refuse soudainement ses céréales

Au sein de l’UE, Varsovie compte parmi les capitales les plus décidées à soutenir Kiev, tout en disposant d’un réel potentiel militaire. Mais la Pologne, tout comme la Hongrie – qui, elle, garde des liens avec Moscou – doit aussi penser à son économie. Et l’aide à l’effort de guerre peut se heurter aux nécessités agraires d’un pays tenté par le protectionnisme.

Pourquoi est-ce important ?

L'économie de l'Ukraine repose largement sur ses capacités agricoles : le pays est un des grands producteurs de céréales et de plantes oléagineuses à l'échelle mondiale, et cela s'est fait sentir dans les premiers mois de l'invasion russe. Couper les exportations de grands de l'Ukraine équivaut ni plus ni moins à menacer de famine une partie du monde. Mais Kiev est aussi dépendante de ce commerce pour faire rentrer un argent ô combien nécessaire à son effort de guerre.

Les greniers sont pleins, et c’est un problème

Dans l’actualité : la voie de la mer Noire étant devenue trop dangereuse pour le commerce maritime – malgré les tentatives de trouver un accord durable avec la Russie pour qu’elle lève son blocus – les exportations ukrainiennes passent par l’UE. Mais elles vont se heurter à la fermeture de la Hongrie, et surtout de la Pologne, pourtant un proche allié de Kiev dans son effort militaire.

  • Ce samedi 15 avril, la Pologne et la Hongrie ont interdit les importations de céréales et d’autres denrées alimentaires en provenance d’Ukraine. Celles-ci sont blâmées pour la baisse du prix des produits agricoles dans ces pays, ce qui a entraîné des protestations de la part des agriculteurs et la démission du ministre polonais de l’Agriculture.
  • Les céréales se sont accumulées dans ces pays plutôt que de continuer vers les différents marchés mondiaux, la logistique ne suivant pas toujours pour continuer leur acheminement. Conséquence : Avec un grand stock de céréales ukrainiennes qui encombrent les entrepôts, le prix de vente a chuté en flèche.

« Aujourd’hui, le gouvernement a décidé d’un règlement interdisant l’entrée et l’importation de céréales en Pologne, ainsi que de dizaines d’autres types de denrées alimentaires. Sinon cela conduirait à une crise profonde du secteur agricole polonais, et nous devons protéger l’agriculture polonaise. »

Jarosław Kaczyński, président du parti au pouvoir Droit et Justice

Protectionnisme

  • En Pologne, l’interdiction s’appliquera aux importations de céréales, de sucre, de viande, de fruits et légumes, de lait, d’œufs et d’autres produits alimentaires. Le ministre hongrois de l’Agriculture a fait part sur Facebook d’une décision similaire. Cette interdiction sera maintenue jusqu’au 30 juin.
  • En Ukraine, forcément, cette décision n’a guère fait plaisir : on constate que, malgré un soutien militaire sans faille et des initiatives qui ont parfois permis de faire avancer d’autres pays de l’UE plus récalcitrants à s’engager, la Pologne reste économiquement ultra-protectionniste.
  • « Les agriculteurs polonais sont confrontés à une situation difficile, mais nous soulignons que les agriculteurs ukrainiens sont confrontés à la situation la plus difficile », a commenté le ministère ukrainien de la Politique agricole. Il a également appelé à de nouvelles négociations entre les trois pays afin de parvenir à un accord qui ne lèserait personne.

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