Plus d’une douzaine de familles milliardaires européennes ont des liens avec les nazis

Le quotidien allemand Bild a récemment publié un rapport sur les liens qu’entretenait la famille milliardaire allemande Reimann avec le régime nazi durant le Seconde Guerre mondiale. Selon le magazine américain Forbes, Reimann n’est pas l’unique dynastique industrielle ayant coopéré avec le troisième Reich. Plusieurs grandes entreprises d’autres pays européens ont fait de même.

Selon certains économistes, il était souvent impossible, durant la Seconde Guerre mondiale, de ne pas collaborer avec la machine de guerre nazie.

Travail forcé

La famille Reimann est propriétaire du groupe JAB Holdings, qui détient des marques telles que Krispy Kreme, Panera Bread et Pret A Manger. La semaine dernière, des représentants de la société ont admis avoir tiré profit des abus et du travail forcé sous le régime nazi. Selon Bild, Albert Reimann Sr. et Albert Reimann Jr., tous deux décédés aujourd’hui, étaient actifs au sein du parti nazi. Ces derniers ont employé des travailleurs forcés russes et des prisonniers de guerre français pendant la Seconde Guerre mondiale.

La famille Reimann s’est déjà penchée sur ses liens ancestraux avec le nazisme. En 2014, elle a chargé l’historien allemand Paul Erker de l’Université de Munich d’enquêter sur les activités de la société durant la Seconde Guerre mondiale. Le travail de l’historien est en cours et devrait être achevé en 2020.

Une porte-parole de la famille Reimann a en outre annoncé qu’elle prévoyait de verser 11 millions de dollars à une organisation de défense des droits de l’homme.

« Mais la famille Reimann n’est pas la seule à avoir participé aux activités nazies ou à avoir tiré profit du régime nazi », precise Forbes. Plus d’une douzaine de milliardaires européens et leurs familles ont noué des liens avez le nazisme. Ils ont bénéficié de contrats passés avec les nazis, du travail forcé ou se sont appropriés des biens volés et d’autres avoirs.

Economie de guerre

Forbes cite des groupes tels que la société de transport international Kühne + Nagel, le fabricant de systèmes de freins Knorr-Bremse AG, le conglomérat de médias allemand Bertelsmann, la famille Quandt, principale actionnaire de BMW et Bosch. Par ailleurs, la société française L’Oréal aurait également prospéré sous le régime nazi. André Bettencourt, dirigeant de L’Oréal dès 1950, antisémite notoire, a dirigé, entre 1940 et 1942, l’hebdomadaire collaborationniste La Terre Française. Ingvar Kamprad, le fondateur d’Ikea décédé en 2018, et plusieurs membres de sa famille avaient également des liens avec les nazis.

« Ce genre d’histoires ne devrait pas surprendre », explique l’historien allemand Roman Köster « En 1944, un tiers du total de la main-d’œuvre allemande était soumis au travail forcé. Cela signifie que presque toutes les sociétés de production de l’époque étaient impliquées d’une manière ou d’une autre dans l’économie de guerre. A partir de 1942, il s’est avéré très difficile pour les entreprises allemandes de maintenir une production qui n’était pas liée à la guerre. »

Excuses

Un nombre important d’entreprises impliquées ont ouvertement reconnu leurs liens avec le régime nazi. La plupart d’entre-elles se sont excusées pour cette collaboration. Cependant, selon Karthik Ramana, professeur d’administration des affaires à l’Université d’Oxford, ces excuses ont rarement débouché sur une compensation financière.

« Les entreprises concernées n’ont pas uniquement profité du travail forcé. Un cerce exlucif d’entrepreneurs qui faisaient partie du groupe d’amis des dirigeants SS avaient l’habitude de passer des contrats avec les nazis », explique Christopher Kopper, professeur d’économie et d’histoire du commerce. Tout comme la majorité des citoyens allemands, de nombreux entrepreneurs ont décidé d’opter pour une attitude opportuniste.

Cependant, certains chefs d’entreprises européens fortunés ont évité de travailler avec les nazis. Le Français Marcel Dassault a construit des avions de combat et des bombardiers pour l’armée française. Après que l’Allemagne eut pris le contrôle de la France, Dassault refusa de coopérer avec le nouveau régime. Marcel Dassault, de son vrai nom Marcel Bloch, est originaire d’une famille juive grecque. Arrêté par le gouvernement de Vichy, il a finalement été envoyé dans le camp de concentration de Buchenwald où il est resté jusqu’à la libération en 1945.

Mais même certains hommes d’affaires, anti-nazis, ont choisi de travailler pour les nazis plutôt que de perdre leur commerce ou de se mettre en danger. Bosch et certains membres du personnel de direction de l’entreprise étaient contre Hitler. Ils soutenaient des groupes de résistance et aidaient des associés juifs à s’échapper à l’étranger. « Néanmoins, la société était profondément impliquée dans l’économie de guerre. Bosch employait des milliers de travailleurs forcés qui étaient souvent mal traités. Il est très difficile de trouver une société de l’époque qui soit innocente », conclut Roman Köster.

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