Le pétrole russe trouve des portes dérobées « grandes ouvertes » vers l’Europe malgré les sanctions occidentales

Des quantités significatives d’hydrocarbures provenant de Russie, principalement du pétrole, contournent les sanctions et sont vendues sur le marché européen, permettant à Vladimir Poutine de financer sa machine de guerre.

Pourquoi est-ce important ?

Depuis l'invasion de l'Ukraine en février 2022, l'UE a interdit en grande partie les combustibles fossiles russes, sauf pour de petites quantités de pétrole brut et de gaz naturel transportés par oléoduc, et pour le gaz naturel liquéfié (GNL). Cependant, des volumes importants de pétrole brut russe - une source de revenus plus importante que le gaz - continuent d'être expédiés sur les marchés mondiaux, ce qui suscite des soupçons chez certains experts quant à leur arrivée détournée sur le marché européen.

L’essentiel : Selon des députés européens, des hauts dirigeants ukrainiens et des sources internes de l’industrie, la Russie tirerait encore d’importants revenus de ses produits pétroliers sur le continent européen.

  • « J’avais un ami à New York dans les années 1990 qui se plaignait que les cafards entraient dans son appartement par n’importe quel trou possible – c’est ce que fait la Russie avec son énergie », a déclaré Oleg Ustenko, conseiller économique du président ukrainien Volodymyr Zelensky, à Politico.
  • Selon Saad Rahim, économiste en chef de la société mondiale de commerce de matières premières Trafigura, « depuis l’introduction des sanctions, les volumes de pétrole brut exportés par la Russie sont restés plus ou moins stables ».
    • « Il est possible que le pétrole russe soit encore vendu à l’UE et aux pays occidentaux par le biais d’intermédiaires« , ajoute-t-il.

En cause : Le pétrole brut est difficile à tracer sur les marchés mondiaux.

  • Il est possible de mélanger facilement ce pétrole avec d’autres cargaisons dans les pays de transit, ce qui crée un volume plus important de pétrole dont la provenance ne peut pas être identifiée.
  • En outre, l’origine du pétrole raffiné est également difficile, voire impossible, à déterminer, puisque le processus de raffinage efface toute trace de l’origine de la matière première.

« Contrairement au gazoduc, le marché du pétrole est mondial. Les systèmes d’échange et de compensation, ainsi que les mélanges de variétés, sont des pratiques courantes. « 

Mikhaïl Khodorkovski, ancien CEO du géant pétrolier et gazier Yukos

Une aide de l’Azerbaïdjan et de la Turquie ?

Il y a plus : Il existe un réseau complexe de compagnies maritimes opérant sous des juridictions offshore difficilement identifiables. Certaines d’entre elles sont accusées d’aider la Russie à dissimuler l’origine de ses exportations de pétrole en utilisant diverses méthodes.

  • Parmi les voies d’accès potentielles à l’Europe, l’oléoduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan qui passe par l’Azerbaïdjan, et le port de Ceyhan, en Turquie.
  • Selon le député européen François Bellamy, entre avril et juillet 2022, l’Azerbaïdjan aurait exporté bien plus de barils par jour que ce que le pays n’en a produit, supposant qu’il pourrait s’agir en réalité de pétrole russe dissimulé. Sans compter que la production du pays est en déclin.
    • « Comment un pays peut-il diminuer sa production et augmenter ses exportations en même temps? Il y a quelque chose de complètement incohérent dans les chiffres et cette incohérence crée des soupçons de contournement des sanctions« , a-t-il affirmé au Parlement européen.
      • Mais ces exportations auraient eu lieu avant que les sanctions européennes n’entre en vigueur, en décembre dernier.
  • De son côté, le ministère des Affaires étrangères de l’Azerbaïdjan a nié toute accusation, affirmant qu’il « s’engage à mener ses opérations d’approvisionnement et de commerce avec le plus grand soin et la plus grande diligence, conformément aux lois et aux réglementations en vigueur ». Et donc, en ligne avec les sanctions occidentales.

En outre : Selon Reuters, la Turquie a doublé ses achats directs de pétrole russe l’année dernière et a décidé de ne pas appliquer de sanctions sur le pétrole russe, tout en fournissant une assistance militaire et humanitaire à l’Ukraine.

  • Le Centre finlandais de recherche sur l’énergie et l’air pur (CREA) a averti fin 2022 « qu’un nouvel itinéraire pour le pétrole russe vers l’UE est en train d’émerger via la Turquie, une destination croissante pour le pétrole brut russe ».
  • « Nous avons suffisamment de preuves que certaines entreprises internationales achètent des produits de raffinage fabriqués à partir de pétrole russe et les vendent en Europe« , affirme de son côté Oleg Ustenko. « C’est tout à fait légal, mais tout à fait immoral. Ce n’est pas parce que c’est autorisé que nous ne devons rien faire. »

Important : La Russie peut en outre compter sur sa « flotte fantôme » de pétroliers qui ne cesse de croître.

  • La flotte russe aurait acquis environ 600 pétroliers vieillissants via des acheteurs anonymes afin de contourner l’embargo et le plafonnement des prix, en livrant à des acheteurs tels que la Chine et l’Inde, et en fournissant des services tels que l’assurance.
    • D’après les données de l’Agence internationale de l’énergie, la Chine a considérablement augmenté ses achats de pétrole russe en 2022, atteignant une moyenne de 1,9 million de barils par jour, soit une hausse de 19% par rapport à l’année précédente.
    • Les importations de pétrole russe de l’Inde ont connu une augmentation encore plus importante, enregistrant une hausse spectaculaire de 800% pour atteindre une moyenne de 900.000 barils par jour en 2022.
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