L’or russe fait partie des produits ciblés par les sanctions occidentales en raison de la guerre en Ukraine. Des mesures que Moscou a rapidement pu esquiver, grâce à trois pays asiatiques.
Des importations multipliées par 70 en un an : le nouvel allié n°1 de la Russie pour son or n’est pas le pays auquel vous pensez

Pourquoi est-ce important ?
En interdisant les importations d'or russe fin août, les alliés occidentaux (UE, Royaume-Uni, Suisse, USA, Canada, Japon) espéraient créer un trou dans les caisses du Kremlin. Mais, comme pour bon nombre d'autres produits sanctionnés, Moscou a pu se trouver d'autres partenaires, en Asie.Dans l’actu : les Émirats arabes unis, nouveau hub de l’or russe.
- Selon des données examinées par Reuters, les Émirats arabes unis (EAU) sont, en un an, devenus la principale plaque tournante de l’or russe.
- Les deux autres nouveaux grands partenaires de la Russie sont la Chine et la Turquie, mais le volume de leurs importations est bien loin de celui des EAU.
Trois fois plus vers les EAU que vers la Chine et la Turquie
Les chiffres : tout vers l’Asie.
- Entre le 24 février 2022 (date du début de la guerre en Ukraine) et le 3 mars 2023, les EAU ont importé pas moins de 75,7 tonnes d’or russe.
- Pour vous donner une idée de la taille de ce volume, sachez que, en 2021, la Russie n’en avait expédié que 1,3 tonne. Un volume multiplié par près de 75 en seulement un an, donc.
- Durant cette période, les deux autres grands partenaires aurifères de Moscou ont été la Chine (principalement via Hong Kong) et la Turquie, avec environ 20 tonnes importées chacune. Ce qui les place assez loin derrière les EAU.
- Selon les chiffres consultés par Reuters, ces trois pays ont représenté 99,8% des exportations aurifères russes.
- Au total, il apparaît que la Russie a exporté 116,3 tonnes d’or durant la période étudiée, alors qu’elle en a produit environ trois fois plus.
- La Russie a sans doute conservé une bonne partie de cet or à la localisation non identifiée, mais il se pourrait aussi qu’un certain volume ait été exporté sous les radars – et donc non inclus dans les registres douaniers.
Les explications : Dubaï, cette importante place aurifère.
- Si les EAU sont devenus le nouveau hub de l’or russe, ils ne sont pas des débutants en matière d’échanges aurifères.
- Entre 2016 et 2021, le pays a importé en moyenne 750 tonnes d’or pur chaque année. Si les chiffres de l’or russe sont conséquents, ils ne représentent qu’une dizaine de pourcents par rapport à ces totaux.
- Important exportateur de lingots et de bijoux, l’État du Golfe a aussi pu profiter d’une remise d’environ 1% par rapport aux prix de référence mondiaux, a appris Reuters via le directeur d’une société qui y a récemment expédié beaucoup d’or russe.
- Un procédé qui n’est pas sans rappeler le pétrole à prix discount que la Russie écoule massivement vers l’Inde (entre autres) depuis le début de la guerre en Ukraine.
A priori rien d’interdit, mais…
À noter : trois points épineux.
- Évidemment, ni les EAU, ni la Turquie, ni la Chine n’ont sanctionné l’or russe. Il n’y a donc rien d’illégal à ces transactions.
- Toutefois, les États-Unis ont déjà prévenu les deux premiers pays cités qu’ils pourraient perdre l’accès aux marchés du G7 s’ils faisaient affaire avec des entités soumises aux sanctions américaines.
- A priori, d’après Reuters, ce n’est pas le cas.
- Autre point potentiellement problématique : la perte de l’origine de l’or russe.
- Fondu puis refondu aux EAU, l’or pourrait ensuite être écoulé vers les marchés américains et européens, avec son origine masquée.
- Aux acheteurs occidentaux finaux de s’assurer que tout le processus de traçage du produit a été réalisé correctement, afin de ne pas violer les sanctions mises en place dans leur pays.
- Enfin, Reuters note que le principal manutentionnaire de l’or russe expédié vers les EAU est une filiale d’une société… française (Temis Luxury Group).
- Si cette information risque d’en faire sourciller plus d’un, il n’y a, là non plus, rien d’illégal.
- D’une part, la filiale dubaïote du groupe français dit se conforme aux règles émiraties.
- D’autre part, les sanctions occidentales (françaises en l’occurrence) ne s’appliquent a priori pas aux filiales étrangères.
- Enfin, Temis Luxury Group assure qu’il n’achète pas d’or russe et qu’il n’accepte que les commandes de transport d’opérateurs non soumis aux sanctions américaines.