« Deutsche Qualität » pour la nouvelle génération de matériel militaire allemand ? Pas tant que ça

La qualité des engins « made in Germany » met d’accord les amateurs d’automobile d’une part, et les fanatiques de matériel militaire de l’autre. Mais si l’ingénierie germanique a bel et bien des qualités, elle est loin de se montrer infaillible. Dans un contexte de retour aux politiques de défense en Europe, les couacs n’en sont que plus douloureux.

Pourquoi est-ce important ?

En février dernier, le gouvernement allemand décidait d'un grand plan de refinancement de la Défense face à une possible menace russe sur l'UE et sur l'OTAN. Dix mois plus tard, le ministère de la Défense subit à la fois les remous d'un retour à la réalité, et de choix peu judicieux dans ses investissements.

En direct des grandes manœuvres : durant un exercice visant à démontrer la préparation de la Bundeswehr – l’armée allemande – à tout déploiement dans le cadre de l’OTAN ce mois-ci, les 18 véhicules de combat Puma sont tous tombés en panne. Un taux de perte de 100% sans même arriver au combat.

  • Le Puma est un véhicule de combat d’infanterie de dernière génération, la mule de la guerre moderne, qui doit transporter les soldats et les protéger de son blindage tout en les accompagnant de sa puissance de feu. Il peut emporter 6 fantassins équipés en plus de son équipage de trois personnes, et il est armé d’un canon automatique de 30 mm avec une portée effective de 3.000 m. Il dispose aussi d’une mitrailleuse, et on peut lui adjoindre un lance-missiles antichar.
  • Sauf que depuis que les premiers Puma ont été livrés à l’armée allemande en 2010, l’engin ne fait qu’accumuler les déboires techniques. En mars 2022, sur les 350 blindés livrés, et considérés comme prêts au combat en 2021 seulement, 150 étaient réellement parés à être engagés.
  • Lors de ce dernier exercice en date, les 18 Puma déployés ont tous été victimes de pannes électroniques diverses et de « défauts dans la tourelle », rapporte Politico. L’un d’entre eux à même dû être évacué par son équipage après avoir pris feu.
Un Puma en démonstration, en 2021. Un engin moderne qui accumule les problèmes techniques. (Photo by Sean Gallup/Getty Images)

Toute une ménagerie de fauves plus ou moins fiables

Le contexte : une armée plus à l’aise avec du vieux matériel, et un ministère de la Défense qui accumule les pots cassés.

  • Tout parallèle entre l’armée allemande actuelle et celle de la Seconde Guerre mondiale est forcément douteux, mais on ne peut s’empêcher de penser aux engins les plus modernes de la défunte Wehrmacht, comme le Panzer V Panther. Des engins certes redoutables, mais au coût élevé tant en main-d’œuvre qu’en matériaux et dont une bonne partie tombait en panne avant d’arriver au combat.
  • La Bundeswehr devra se contenter du précurseur du Puma, le Marder, un véhicule de combat d’infanterie en service depuis 1971. Mais dont la conception est éprouvée, tout comme celle d’ailleurs du char de bataille principal de l’Allemagne, le Leopard II, qui affiche 43 ans de service actif.
  • Or, ces engins éprouvés – mais toujours considérés conformes aux standards de l’OTAN – sont réclamés par l’Ukraine, mais leur transfert a été bloqué par le chancelier allemand Olaf Scholtz. Dans le cas du char, il se justifie en argumentant que les États-Unis ont également renoncé à envoyer des chars, alors que Washington semble justement préférer que les Européens s’impliquent davantage. Le refus de Berlin a probablement une autre explication : les difficultés à remplacer cet arsenal des années 1970.
  • C’est aussi un camouflet pour le ministère de la Défense, auquel le chancelier a promis monts et merveilles en début d’année, et qui ne semble pas prês d’en voir la couleur.
  • L’ennui, c’est que l’armée allemande a déjà passé des commandes d’ampleur pour moderniser son équipement, mais que ces engins n’ont pas forcément fait leurs preuves. Le Puma en constitue l’exemple national, mais la Bundeswehr a aussi commandé 35 avions F-35. Or la ministre de la Défense allemande, Christine Lambrecht, a déjà fait part de ses craintes de surcoûts et de retards de livraison, alors qu’en début de semaine, aux USA, un pilote a dû s’éjecter en urgence d’un de ces appareils après un problème technique.

« Nous venons de débloquer des fonds la semaine dernière en commission pour acheter d’autres Puma. La ministre a eu raison de suspendre cette opération aujourd’hui. Tant que les erreurs n’auront pas été clarifiées, aucun autre achat ne sera effectué. »

Marie-Agnes Strack-Zimmermann, présidente de la commission de la défense du Bundestag, citée par Politico
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