Le chroniqueur économique Mark Hulbert qualifie dans The Street la période actuelle de Kids Market. Pour lui, quand les investisseurs sont trop jeunes que pour avoir connu des marchés en forte baisse, mieux vaut se diriger vers des investisseurs plus expérimentés et miser sur les actions de valeur.
Un autre signe qui montre que le marché haussier est en train de se dégrader: les investisseurs « plus âgés » et « plus sages » sont rejetés comme désespérément démodés, tandis que ceux qui sont assez jeunes pour n’avoir jamais connu de marché baissier majeur sont portés aux nues.
Selon Mark Hulbert, l’exemple le plus marquant est un commentaire attribué à David Portnoy, un célèbre investisseur sur internet, à l’été 2020. Après avoir réalisé un bénéfice journalier de près de 5 millions de dollars en seulement deux mois, il a déclaré: « Je suis sûr que Warren Buffett est un gars formidable, mais en ce qui concerne les actions, il est dépassé. »
Pour les plus jeunes d’entre vous, Warren Buffett peut être largement considéré comme l’investisseur à long terme le plus prospère, malgré ses 91 printemps. Ses conseils sont encore largement répercutés dans la presse internationale.
Ignorance et insouciance
Cette attitude moqueuse, elle avait déjà été illustrée par Adam Smith, non pas le philosophe, mais le pseudonyme utilisé derrière un des classiques de la littérature économique des années 60 : « The Money Game ». Dedans, l’auteur qualifiait le dédain envers les ainés de « Kids Market », des périodes spéculatives durant lesquelles les investisseurs les plus en réussite étaient majoritairement jeunes.
Pour illustrer son propos, l’auteur raconte l’histoire d’un magnat de Wall Street, The Great Winfield, qui n’engageait que des traders dans la vingtaine: « La force de mes enfants, c’est qu’ils sont trop jeunes pour se souvenir de quoi que ce soit de mal, et ils ont gagné tellement d’argent qu’ils se sentent invincibles. » Et d’ajouter: « Mais vous savez et je sais qu’un jour l’orchestre s’arrêtera de jouer et que le vent soufflera à travers les vitres brisées, et l’anticipation de cela nous glace, nous qui sommes assez vieux pour nous en souvenir. »
Adam Smith qualifiait les actions que ses traders achetaient de « Swinger stocks ». Aujourd’hui, elles seraient les Tesla, Bitcoin, GameStop ou autre AMC. On peut ajouter tout récemment les constructeurs de véhicules électriques Rivian et Lucid Motors, qui sont plus puissants financièrement que Ford ou GM alors qu’ils n’ont pas encore vendu une seule voiture (ou presque). En d’autres mots, des actions technologiques que les vieux investisseurs ne comprendraient pas.
Mark Hulbert veut rappeler par cette anecdote que toute bonne chose à une fin, et que face à un marché qui s’emballe comme c’est le cas depuis plusieurs années, en dehors de toute réalité économique, investir dans des actions de valeur n’est peut-être pas si démodé.
Croissance vs. valeur
Le Kids Market ne pourrait être plus une réalité qu’aujourd’hui. Ce contraste entre les rendements impressionnants des actions de croissance de haut vol d’une part, et d’autre part, les performances larguées des actions de valeur. Une action de valeur est une action qui est négociée à un prix inférieur à sa valeur fondamentale. Elle serait donc sous-évaluée, soit le contraire d’une action de croissance qui, elle, est sur-évaluée.
Si les actions de valeur ont été les reines du 20e siècle, force est constater qu’elles connaissent plus de difficulté au 21e siècle. Mark Hulbert prend un autre exemple pour l’illustrer: de plus en plus, les conseils payants pour les investisseurs n’ont plus la cote. Pourquoi payer pour des conseils alors qu’il suffit d’aller voir sur reddit gratuitement dans quoi investir ?
« La réponse est simple: les conseils deviennent plus utiles lorsque le marché est en difficulté. Lorsque le marché monte en flèche, tout le monde est un génie en finance », commente le chroniqueur.
Il ne vous aura pas échappé que de plus en plus d’analystes, et même la BCE, craignent une forte correction boursière, qui pourrait tomber en 2022 selon les prévisions. Or, c’est quand les marchés connaissent des difficultés que les (bons) conseils prennent de la valeur. À cette aune, il n’est peut-être pas idiot, juge le chroniqueur, d’écouter les plus expérimentés, ceux qui ont connu des krachs boursiers importants comme l’éclatement de la bulle internet des années 90, et de commencer à investir dans des actions de valeur.