« Nous pensons que l’Italie a payé le gaz russe en roubles »: les graves accusations envers Rome, qui s’ouvre à un accord avec Moscou

Si la quasi-totalité des États membres de l’Union européenne affichaient initialement une position unifiée face à la demande de la Russie de faire payer son gaz en roubles, cette solidarité semble en train de craquer. Petit à petit, certains pays font part de leur volonté de céder aux exigences russes. L’Italie semble en faire partie… et elle est même accusée de s’y être déjà pliée.

La semaine dernière, la Russie a décidé de couper l’approvisionnement en gaz de la Pologne et de la Bulgarie suite à leur refus de payer en roubles. Les deux pays peuvent compter sur leurs alliés européens pour faire face à ce coup dur, mais l’attitude de Moscou n’en reste pas moins inquiétante pour une partie des États membres.

La semaine dernière, Bloomberg a rapporté qu’au moins quatre clients européens avaient déjà payé leurs fournitures de gaz russe en roubles et que dix autres entreprises avaient ouvert les comptes requis auprès de Gazprombank, la banque sur laquelle compte la Russie pour procéder à ces paiements. « Ce n’est pas par plaisir, nous n’avons pas choisi cette situation », mais il n’y a « aucune alternative », a justifié son ministre des Affaires étrangères dans une interview accordée à CNN.

« Le transit par la Slovaquie augmente »

Dans ce contexte pour le moins tendu, le ministre slovaque de l’Économie, Richard Sulík, a avancé l’idée que l’Italie pourrait avoir déjà payé la Russie en roubles pour son gaz.

« Puisque les volumes transitant par la Slovaquie ont augmenté, nous pensons que les Italiens ont dû payer. C’est une hypothèse », a-t-il déclaré, rapporte Euractiv.

Richard Sulík a ajouté que, de son côté, il était prêt à pousser Bratislava à accepter les conditions émises par Moscou. « Je dis oui à une approche unifiée de l’UE, mais il y a des choses plus importantes dans ce monde si cela commence à nous nuire massivement », a-t-il indiqué.

Une approche que ne partage pas du tout le Premier ministre slovaque, qui a assuré que la Slovaquie agirait « à l’unisson avec les États membres de l’UE lorsqu’elle achètera du gaz à la Russie ». Il a ajouté être confiant quant au fait que ses partenaires européens aideraient son pays s’il venait à être lui aussi sanctionné par la Russie.

L’Italie s’agite

Si l’Italie n’a bien sûr pas du tout confirmé qu’elle avait commencé à payer son gaz russe en roubles, certains de ses responsables commencent toutefois à mettre en doute le bienfondé de refuser d’accéder aux demandes russes. Elle estime que la situation actuelle est floue et réclame de la clarté de la part de la Commission européenne.

« Il est très important que la Commission exprime un avis juridique clair sur la question de savoir si le fait de payer en roubles constitue ou non une violation des sanctions », a déclaré le président du Conseil des ministres italien Mario Draghi, dans des propos rapportés par Politico. « ‘Parce que s’il n’y a pas de clarté ou de ligne de conduite, alors il est clair que chaque entreprise ou chaque pays fera comme il l’entend. »

Roberto Cingolani, le ministre italien chargé de la Sécurité énergétique, est allé plus loin. Pour lui, les entreprises énergétiques européennes doivent être provisoirement autorisées à payer le gaz en roubles.

« Je pense qu’à l’heure actuelle, la compréhension n’est pas complète du point de vue des questions et des implications juridiques. Je pense qu’il serait bon, pendant quelques mois au moins, d’autoriser les entreprises à aller de l’avant et à payer en roubles, pendant que nous comprenons le cadre et les implications juridiques », a-t-il déclaré, ajoutant souhaiter « une déclaration rapide et très claire de la Commission européenne » confirmant que les entreprises pétrolières et gazières peuvent payer en roubles pour le moment.

M. Draghi a toutefois précisé qu’à ce stade, la position de l’Italie restait « celle de l’Allemagne, de la France et de tous les autres pays. » « Nous suivrons les indications de la Commission européenne à cet égard, il n’y a pas de distinction entre l’Italie et les autres », a-t-il assuré.

Que dit la Commission ?

Si Moscou demande aux entreprises énergétiques européennes d’ouvrir deux comptes, un en euros ou en dollars et un en roubles, auprès de Gazprombank, l’exécutif européen estime que s’y conformer reviendrait à violer les sanctions imposées à la Russie pour son invasion de l’Ukraine.

La Commission propose deux solutions: demander une dérogation pour continuer de payer comme avant ou ouvrir un compte bancaire en euros/dollars auprès de Gazprombank (en fonction du contrat) et émettre une déclaration attestant que leurs obligations de paiement sont remplies. Ce serait alors à la Russie de faire ce qu’elle veut de cet argent, et donc de s’occuper elle-même de la conversion dans sa devise nationale. La Bulgarie et la Pologne ont opté pour la première option, et on a vu ce qui est advenu de leur approvisionnement. Quant à la seconde, rien ne dit que Moscou y soit favorable.

« Je pense que les compagnies pétrolières et gazières ne peuvent pas risquer de payer et d’être ensuite accusées d’avoir enfreint les sanctions, mais en même temps, elles ne peuvent pas risquer… de ne pas payer en roubles. Il s’agit de contrats à long terme, les coûts seraient extrêmement élevés », a alerté M. Cingolani.

Le commissaire européen à l’Énergie, Kadri Simson, a indiqué lundi que la Commission allait « publier des orientations plus détaillées sur ce que les entreprises peuvent et ne peuvent pas faire dans le cadre de nos sanctions. »

Rappelons enfin que la tâche de poursuivre les entreprises énergétiques qui contreviennent aux indications de la Commission européennes incombe aux gouvernements nationaux, car ce sont eux qui sont chargés de faire appliquer le régime des sanctions de l’Union européenne. Au vu de la position de Budapest sur la question, les sociétés hongroises n’ont donc a priori pas grand-chose à craindre.

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