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De Nord Stream à Ankara : comment la Russie veut reproposer son gaz à l’Europe

De Nord Stream à Ankara : comment la Russie veut reproposer son gaz à l’Europe
(Andrey Rudakov/Bloomberg/Pavel Byrkin/Sputnik /AFP via Getty Images)

A une conférence sur l’énergie à Moscou, le président russe Vladimir Poutine a proposé de réparer Nord Stream et de redémarrer les flux de gaz vers l’Allemagne, par Nord Stream 2 également. Il a aussi suggéré de faire passer les réserves de gaz bloquées par l’arrêt de Nord Stream vers la Turquie, pour faire du pays la nouvelle plaque tournante pour le marché du gaz en Europe. Mais l’Europe ne veut plus de son gaz.

Nord Stream, le gazoduc ralliant l’Allemagne depuis la Russie, a subi des explosions, au fond de la mer Baltique. Avant cela, le fournisseur Gazprom avait déjà petit à petit réduit les flux, avant de les arrêter entièrement début septembre, invoquant des problèmes techniques liés aux sanctions occidentales.

Mais cela n’empêche pas Vladimir Poutine de revenir à la charge et de (re)proposer son gaz à l’Europe. Comme si de rien n’était. D’abord, il lance que Nord Stream pourrait être réparé, rapporte Reuters. Or, les enquêtes autour de ces explosions sont encore en cours, et il n’est pas encore sûr que le gazoduc est réparable.

Il y a également Nord Stream 2 au fond de la mer Baltique, un gazoduc construit par la Russie et terminé au début de cette année. Peu après l’invasion russe en Ukraine, l’Allemagne a retiré les autorisations d’exploitation pour le gazoduc. Il serait cependant moins endommagé que Nord Stream 1. L’occasion pour Poutine de remettre la question sur la table. Il faudrait l’utiliser pour fournir l’Europe en gaz, a-t-il avancé lors d’une conférence sur l’énergie qui s’est tenue mercredi à Moscou. « La balle est dans le camp de l’Europe », a-t-il lancé.

Ankara, plaque tournante du gaz russe?

Ensuite, il a proposé de rediriger les réserves de gaz bloquées à cause de l’arrêt de Nord Stream vers la Turquie. « Nous pourrions déplacer les volumes perdus de Nord Stream vers la région de la mer Noire et ainsi faire passer les principales voies d’approvisionnement de notre gaz naturel vers l’Europe par la Turquie, en créant le plus grand centre gazier pour l’Europe en Turquie », a imaginé l’autocrate. « Si nos partenaires sont intéressés par cette démarche, bien sûr. Et si elle est faisable économiquement, bien sûr. »

Le ministre turc de l’Énergie, Fatih Donmez, se trouvait à la même conférence. « C’est la première fois que nous entendons cela. Il est donc tôt pour faire une évaluation », a-t-elle répondu, selon Reuters. Mais il ne semble pas opposé à ce que la Turquie devienne une plaque tournante pour le gaz russe en Europe : « Ce sont des choses qui doivent être discutées », a-t-il déclaré.

Gazprom, l’entreprise publique russe qui exploite le gaz, est intéressée. « Il ne fait aucun doute que nous pouvons envisager la question d’une plateforme commerciale à la frontière de l’Union européenne et de la Turquie », a indiqué le CEO Alexeï Miller, notant que Turkstream, le gazoduc qui traverse la mer Noire en diagonale, de nord-est (un peu à l’est de la Crimée) à sud ouest (arrivant entre Istanbul et la frontière bulgare), est bien plus profond que Nord Stream. Il n’a pas précisé pas ce que cela sous-entendait : l’installation serait-elle plus résistante face à des attaques ?

L’Europe n’en veut plus

Poutine brandit cette offre en retard. L’Europe se sèvre petit à petit des importations russes. Sur le mois de septembre par exemple, le continent importait 50% d’énergies fossiles russes en moins qu’en mars. Il était néanmoins encore le client numéro 1 de Moscou. L’arrêt de Nord Stream et l’embargo total sur le charbon en sont les principales raisons.

En tout cas, l’Europe a la volonté de se passer entièrement des énergies russes. Elle a d’ailleurs su remplir ses réserves de gaz pour l’hiver, en comptant sur d’autres partenaires. Cela lui a coûté plus cher, certes, mais des mesures pourraient bientôt voir le jour pour réduire ces coûts.

Avec cette indépendance européenne croissante et le rejet du gaz russe, Poutine a perdu un levier influent sur le continent. À quoi joue-t-il alors en brandissant cette offre ? Les bénéfices colossaux que rapportent les exportations de gaz à Moscou commencent-ils à manquer dans le trésor de guerre du Kremlin ? Poutine, qui bombarde les infrastructures civiles à Kiev et dans les autres grandes villes ukrainiennes, veut-il regagner en influence sur le continent via son gaz bon marché et disponible ? Que veut-il en retour ; l’abandon des sanctions et la fin des livraisons d’armes à l’Ukraine ? Reste à voir si certains pays européens, comme l’Allemagne ou la Hongrie, resteront sensibles à ses propositions.

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