Lors de sa visite à Téhéran pour rencontrer ses homologues turc et iranien, le président Vladimir Poutine a assuré que le gazoduc Nord Stream reprendrait ses livraisons de gaz naturel vers l’Europe. Une affirmation qui met fin à une véritable angoisse pour les pays européens qui craignaient de voir l’approvisionnement couper. Mais le soulagement fut de courte durée. Le président russe entend bien profiter de son moyen de pression.
« Gazprom a rempli, continue de remplir et remplira pleinement ses obligations, si quelqu’un en a besoin », a indiqué Vladimir Poutine lors d’une conférence de presse qui a suivi des pourparlers à Téhéran. « Il ne fait aucun doute que nos partenaires rejettent ou essayent de rejeter toutes leurs propres erreurs sur la Russie et Gazprom », a-t-il ajouté, soulignant par la suite que les difficultés auxquelles les Européens étaient confrontés aujourd’hui étaient le fruit des décisions de leurs dirigeants, notamment des sanctions infligées à Moscou et de la fermeture des canaux de livraison d’hydrocarbures.
Pourtant, la décision de baisser à 40% les débits des livraisons de gaz naturel vers l’Europe de ces dernières semaines est bien à imputer à la Russie. Moscou avait pourtant reporté la faute sur l’Occident, assurant que le Canada avait pris en otage des pièces essentielles pour la maintenance du gazoduc.
Nord Stream reste un moyen de pression pour la Russie
Et bien que Vladimir Poutine joue la carte de l’apaisement en assurant que Gazpom reprendra pleinement ses obligations, malgré les sanctions européennes infligées à son pays, le président russe sait qu’il est en position de force et entend bien en profiter.
Durant la conférence de presse, M. Poutine a en effet prévenu que la capacité de débit journalier du gazoduc Nord Stream 1 pourrait baisser de manière significative dès la fin du mois (-20%), si la Russie n’obtenait pas les documents officiels pour faire revenir l’une des turbines envoyées au Canada pour maintenance.
Selon les informations du média Handerlsblatt, la turbine aurait entamé son périple vers l’Allemagne le 18 juillet dernier. Il lui faudrait entre 5 et 7 jours pour arriver en Russie – un redémarrage de Nord Stream 1 le 21 juillet, comme cela était prévu, est donc compromis. Cependant, en l’absence des documents nécessaires, le transfert de la turbine vers la Russie serait, lui aussi, en danger, selon Vladimir Poutine. La reprise des livraisons de gaz naturel vers l’Europe aura donc bel et bien du retard et la Russie reporte la faute sur l’Occident.
Cependant, pour le gouvernement allemand, cette excuse avancée par la Russie ne serait que politique, un moyen de faire pression sur l’Europe et de se venger de son soutien à l’Ukraine et des sanctions à son encontre, puisque la turbine en question, entretenue par Siemens, ne serait qu’une pièce de remplacement dont l’utilisation n’est pas prévue avant le mois de septembre, selon un porte-parole du ministère allemand.
Il n’y a donc pas de raison pour que les flux des approvisionnements de gaz naturel russe soient réduits. Le président russe chercherait-il à mettre la pression sur l’Occident, voire à créer des troubles entre les différents pays ? C’est possible.
Exploiter Nord Stream 2
La conférence de presse a été l’occasion pour Vladimir Poutine de dédouaner son pays de toute responsabilité concernant la crise énergétique à laquelle est confrontée l’Europe. Car selon le président russe, la crise énergétique est le fruit des décisions des dirigeants des pays européens.
Il a en effet rappelé qu’il existait une solution toute prête pour soulager les pressions sur le marché, notamment sur le portefeuille des consommateurs. Et cette solution, c’est le gazoduc Nord Stream 2, dont la construction s’est achevée plus tôt cette année. Seule la certification par l’Allemagne manquait à sa mise en service, mais celle-ci fut suspendue en février dernier par le gouvernement allemand, suite à la reconnaissance de l’indépendance des républiques populaires autoproclamées de Donetsk et de Louhansk par la Russie.
Or, le président russe sait très bien que l’Allemagne ne peut se permettre de revenir sur sa décision, cela la mettrait dans une situation particulièrement délicate vis-à-vis de l’Europe, mais également du reste du monde. Le pays pourrait ainsi se retrouver isolé.
Poutine sait également que son plus gros moyen de pression sur l’Occident est le gazoduc Nord Stream 1. Et il entend bien l’utiliser à bon escient. Les chances qu’il coupe les approvisionnements sont tout de même faibles, car cela signifierait faire une croix sur son moyen de pression, mais aussi sur des revenus financiers astonomiques.