Ce n’est un secret pour personne qu’une multitude de lobbies industriels travaillent en permanence auprès des institutions européennes. Ce que l’on sait moins, c’est que les grandes entreprises et les syndicats de secteur donnent également de l’argent à des partis politiques et à des institutions européennes.
C’est Marine Le Pen, présidente du parti français Rassemblement national (ex-Front national), qui a vendu la mèche. Dans une interview avec la chaîne de radio RTL, Le Pen a annoncé que le géant de la biotechnologie, Monsanto, parrainait l’Alliance des libéraux et des démocrates pour l’Europe (ALDE), dirigée par notre compatriote Guy Verhofstadt. L’ALDE est la quatrième plus grande formation au Parlement européen et compte 70 membres issus de 21 pays européens différents.
Le Pen n’a pas mentionné notre ancien premier ministre à cet égard, mais le président Emmanuel Macron. Selon Le Pen, son parti LREM (La République et Marches) faisait partie de L’ALDE. Mais elle se trompe à ce sujet. Car bien que LREM ait manifesté son intérêt pour rejoindre l’ALDE, cette possibilité a depuis disparu.
L’ALDE a reçu ces dernières années des fonds de différentes entreprises. Parmi elles : Monsanto-Bayer, mais aussi Uber, Google Belgique , Deloitte, AmCham ou Syngenta. L’année dernière, par exemple, le montant total s’élevait à 122 000 euros, a calculé le journal français Le Monde. Cet argent provenait de 8 multinationales et lobbies différents. Ils ont tous payé un droit d’entrée de 7 000 à 18 000 pour participer au congrès annuel du parti qui s’est tenu à Madrid.
Les sponsors de partis politiques ? Une construction légale
Selon Didrik de Schaetzen, porte-parole de l’ADLE, il s’agit d’une pratique tout à fait légale. « Les entreprises participent aux frais d’organisation de ces événements », explique-t-il dans le journal français. [En Belgique, depuis le scandale Agusta au début des années 90, les entreprises ne peuvent plus financer de partis.] La limite de 18 000 € par an fixée par l’Europe ne doit pas être dépassée.
Mooie overwinning van @MLP_officiel Guy Verhofstadt moet nu in allerijl op zoek naar 1,4 miljoen euro om Macron in de Alde te houden en het sponsorgeld te compenseren. Is Alde een verlengstuk van multinationale lobbyisten. Die vraag blijft.
— Gerolf Annemans (@gannemans) March 13, 2019
(Traduction du tweet : « Grande victoire de @MLP_officiel Guy Verhofstadt doit maintenant se hâter de trouver 1,4 million d’euros pour maintenir Macron dans l’Alde et compenser l’argent des sponsors. L’ALDE est-elle une extension des lobbyistes multinationaux. Cette question reste en suspens« .)
Les 122 000 euros ne représentent qu’une fraction des 3,5 millions d’euros du budget annuel total de l’ALDE. Comme il s’agit de petites contributions, elles n’affectent en rien l’indépendance des députés européens, a déclaré M. Schaetzen.
Mais dans ce contexte, l’ALDE n’est pas le seul parti à recevoir de l’argent des entreprises. Selon Le Monde, les 5 plus grandes familles politiques du Parlement européen ont reçu plus de 1 million d’euros de la part de 92 entreprises au cours de la dernière législature.
La présidence tournante de la Roumanie est elle aussi parrainée
Les groupes politiques au Parlement européen ne sont pas les seuls à être sponsorisés. La Roumanie, qui vient de reprendre le flambeau de la présidence tournante de l’UE, a elle aussi accepté qu’un sponsor accole son logo à celui de cette dernière. Cette entreprise n’est autre que Coca-Cola. La firme n’est pas une débutante dans ce domaine, et en 2011, elle avait déjà sponsorisé la présidence polonaise du Conseil de l’UE.
Cette année, Coca-Cola intervient à titre de « partenaire platine », ce qui implique qu’elle a versé au moins 40 000 euros, et lui confère le droit d’afficher ses logo et slogan.
Die rumänische EU-Ratspräsidentschaft wird Ihnen präsentiert von: pic.twitter.com/oydgB7aO1O
— Stefan Leifert (@StefanLeifert) January 31, 2019
Le fait que ce soit une multinationale commercialisant des boissons sucrées mises en cause dans l’épidémie mondiale d’obésité et de diabète n’a pas manqué d’interpeller l’ONG Foodwatch. D’autant que l’UE s’apprête à réviser sa légisaltion dans le domaine alimentaire, avec, à la clé, de possibles créations de taxes sur les produits sucrés…
Une pétition pour mettre fin à ce parrainage
En réaction, cette ONG a décidé de lancer une pétition en Allemagne, en France et en Hollande. L’objectif est d’exiger du président du Conseil de l’Europe, Donald Tusk, qu’il mette fin à ce sponsoring, et qu’il organise l’instauration de règles pour proscrire à l’avenir ce qui apparait comme un conflit d’intérêts.
De son côté, la Roumanie souligne que le parrainage de Coca-Cola respecte le droit national, et assure que ce type de partenariats « n’ont en aucune manière un impact ou une influence sur la manière dont nous remplissons notre rôle de présidence du Conseil de l’Union européenne ».
Il n’empêche. A quelques mois des élections, et compte tenu de la montée des critiques à l’égard de l’establishment politique, l’immixtion de ces multinationales et de leur argent dans le Saint des saints des institutions européennes fait tache.