Money time pour la prolongation du nucléaire, mais un expert met en garde : « Engie est dans un fauteuil »

Les négociations entre le gouvernement Vivaldi et Engie, l’exploitant français des centrales nucléaires belges, concernant la prolongation de la durée de vie de Doel 4 et Tihange 3 entrent dans une phase cruciale. D’après André Jurres, pionnier de l’énergie, il est clair que c’est Engie qui a les meilleures cartes en main.

L’actualité : Si le Premier ministre Alexander De Croo (Open VLD) veut respecter le délai qu’il s’est lui-même fixé, au 31 décembre, il ne reste qu’une poignée de jours pour parvenir à un accord avec le groupe français Engie sur la prolongation des deux réacteurs nucléaires les plus récents.

Ce qui a précédé :

  • Le gouvernement fédéral a décidé au printemps de prolonger pour 10 ans les deux plus jeunes réacteurs nucléaires, Doel 4 et Tihange 3, jusqu’en 2035. Cela devrait garantir la sécurité de l’approvisionnement. Mais les négociations avec l’opérateur Engie sur les coûts associés n’ont toujours pas été finalisées.
  • La question la plus importante est peut-être la suivante : dans quelle mesure l’État belge prendra-t-il en charge les déchets nucléaires liés à ces deux réacteurs ?
  • Complication supplémentaire : les réacteurs seront-ils fonctionnels dès 2025? Les hivers 2025-2026 et 2026-2027 suscitent le plus d’interrogations. Les Verts ont lancé l’idée d’épargner du combustible durant l’été, pour pouvoir l’utiliser durant l’hiver. En d’autres mots, échelonner la production d’électricité pour garantir l’approvisionnement lors des périodes critiques.

Duel inégal : Selon l’entrepreneur en énergie André Jurres (VoltH2), Engie est dans une position de négociation confortable :

  • « Pour le propriétaire des centrales, toute extension est une bonne chose, mais pas forcément nécessaire. Étant donné qu’ils ont remporté l’appel d’offres pour la construction de nouvelles centrales à gaz, Engie est totalement dans une position de luxe », écrit M. Jurres sur son blog.
  • Engie est à la fois le principal exploitant des centrales nucléaires et le candidat choisi pour la construction de deux nouvelles centrales électriques au gaz, à Vilvorde et aux Awirs. Quelle que soit la source d’électricité dominante de l’avenir en Belgique, Engie sera aux commandes.
  • La récente offensive médiatique du dirigeant de la filiale belge d’Engie, Electrabel, peut être vue sous cet angle, explique Jurres. « Le message est parfaitement clair : ‘Cher gouvernement belge, vous acceptez nos conditions ou les centrales fermeront irrévocablement à l’heure prévue’. »
  • « Le fait que maintenant, à minuit moins une, on supplie presque de maintenir deux réacteurs nucléaires dix ans de plus est un exemple de mauvaise politique », conclut-il.

L’ombre de Macron

Jurres souligne en outre la domination d’Engie (via Electrabel) et de Luminus (filiale d’EDF), Français aussi, sur le marché belge de l’énergie :

  • En Flandre, le duo français représente 65 % du marché de l’électricité. Avec TotalEnergies, qui est fort dans la région de Bruxelles, il y a même un troisième acteur français.
  • « Qu’en est-il des subventions allouées aux nouvelles centrales à gaz, resteront-elles chez Electrabel ? On se dirige tout droit vers plus de monopole ou au mieux un duopole avec EDF. On sait pourtant que les deux entreprises françaises ont le même actionnaire de référence. »
  • Cet actionnaire n’est autre que l’État français. EDF est détenue à 87 % par l’État français, qui possède plus de 23 % des actions et plus de 33 % des droits de vote d’Engie.
Alexander De Croo et Emmanuel Macron.

BL

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