Les PME belges doivent de toute urgence intensifier leurs efforts dans le domaine des technologies numériques, l’analyse des données et l’intelligence artificielle en tête. Sinon elles seront reléguées au second plan sur la scène mondiale, prévient Didier Ongena, General Manager de Microsoft Belgique & Luxembourg, dans un entretien accordé à Business AM.
L’économie belge repose sur ses nombreuses petites et moyennes entreprises, qui fournissent 70% des emplois. ‘Instinctivement, nous avons pensé que ces PME allaient déployer une accélération technologique grâce au cloud, et aux services informatiques via Internet’, explique Ongena, qui occupe depuis deux ans le poste de General Manager de Microsoft Belgique & Luxembourg.
‘Avec le cloud, il n’y a plus besoin de réaliser de lourds investissements informatiques, ce qui met en place des conditions de concurrence égales, selon notre logique. Mais il n’y a pas d’accélération sur le terrain. En Belgique, ce sont les start-up, les scale-up (entreprises qui ont dépassé le stade de start-up et qui visent celui de licorne) et les grandes entreprises qui sont les acteurs de l’accélération liée aux technologies numériques telles que l’intelligence artificielle, le data computing ou la réalité virtuelle et augmentée.’
Une nouvelle étude de la fédération technologique Agoria confirme la conclusion de Didier Ongena. En Belgique, les PME sont sous-représentées dans les projets d’innovation numérique. Seulement 43% des PME industrielles utilisent le cloud et 42% ne recueillent pas encore de données sur leurs processus opérationnels.
L’intelligence artificielle (IA), les dispositifs intelligents ou les ordinateurs qui prennent eux-mêmes les décisions ne sont certainement pas encore à l’ordre du jour. Près des trois-quarts des PME industrielles belges déclarent ne pas être concernées.
Offensive chinoise
L’absence de ‘sens de l’urgence’ peut faire très mal aux entreprises belges, prévient pourtant Ongena. ‘La vitesse est cruciale, car le rythme des concurrents, de pays comme la Chine, est sans précédent. Sur de nombreux marchés, on constate un phénomène de winner takes it all. La vitesse du progrès technologique est exponentielle. Et les entreprises chinoises progressent à toute vitesse. Par contre, les entreprises belges, elles, ne parviennent pas à transposer assez rapidement leurs nouvelles idées à plus grande échelle. En ce sens, elles sont en danger.’
‘On peut étendre cette mise en garde à toute l’Europe’, ajoute son collègue, Max Tchapeyou, de la division Europe de l’Ouest de Microsoft. ‘Les entreprises chinoises ont une masse critique, un accès à un personnel bien formé et de grandes ressources. En Europe, à quelle vitesse nous transformons-nous numériquement?’
Ongena: ‘Aucune organisation en Belgique n’utilise aujourd’hui l’IA de manière transformationnelle.’
Mentalité
Où le bât blesse-t-il exactement pour les milliers de PME familiales de notre pays? Ongena: ‘Le premier problème est le manque de compétences numériques appropriées au sein du personnel. C’est pourquoi nous soutenons des initiatives comme AI Business School ou les cours de codage de BeCode. La technologie est disponible pour chaque PME. De nos jours, on peut acheter des algorithmes, de la puissance de calcul et d’autres services cognitifs avec une simple carte de crédit.’
‘Regardez les grands constructeurs automobiles allemands. Cette industrie recrute désormais trois fois plus d’ingénieurs logiciels que d’ingénieurs en mécanique. Par conséquent, chaque entreprise tend à devenir une entreprise de logiciels.’
Les dirigeants belges de PME sont connus pour être pragmatiques et prudents. Mais les choses vont très vite ailleurs dans le monde…
DIDIER ONGENA, General Manager de Microsoft Belgique & Luxembourg
Mais il s’agit également d’une question de mentalité propre aux entrepreneurs de PME, estime Ongena. Ils sont trop attentistes. ‘Les chefs d’entreprise belges sont connus pour prendre des décisions de manière pragmatique et prudente. Mais cette approche ne fonctionne plus. Le rythme des développements technologiques à travers le monde est désormais sans précédent.’
5G
Et puis, il y a la gouvernance politique. Via Agoria, Microsoft presse le pouvoir fédéral d’avancer rapidement pour développer la 5G, la nouvelle génération d’Internet ultra rapide.
Ongena: ‘La 5G n’est pas si importante que cela pour connecter les entreprises aux consommateurs, mais elle l’est pour le B2B. Les processus vraiment automatisés ne peuvent fonctionner de manière optimale qu’avec une latence très faible et un délai de transfert de données très réduit voire nul. La 5G serait donc très utile.’
‘La 5G est également importante pour l’informatique de pointe, où les appareils dotés d’une intelligence artificielle embarquée peuvent non seulement capturer des données, mais également les analyser en temps réel. Cela concerne par exemple des caméras intelligentes capables d’analyser instantanément les photos qu’elles prennent. Les entreprises belges vont vraiment avoir besoin de la 5G pour rester compétitives’, conclut Didier Ongena.