Au Mexique, des villes font sécession de l’Etat

Au Mexique, de plus en plus de villes font discrètement sécession du pays, rapporte le New York Times. Désespérées par l’échec du pays à assurer la sécurité à ses citoyens, ou à lutter contre la corruption et les cartels de la drogue, elles choisissent de prendre les choses en main, explique-t-il.

Au Mexique, de plus en plus de villes font discrètement sécession du pays, rapporte le New York Times. Désespérées par l’échec du pays à assurer la sécurité à ses citoyens, ou à lutter contre la corruption et les cartels de la drogue, elles choisissent de prendre les choses en main, explique-t-il.

Le journal donne les exemples de 3 villes qui se sont affranchies du contrôle de l’Etat mexicain, et qui assurent par elles-mêmes leur police et leur justice : Tancítaro, Monterrey et Ciudad Nezahualcóyotl (Neza). Chacune incarne un modèle différent, qui a abouti à faire de ces villes des havres de sécurité relatifs dans un pays ravagé par la violence.Elles prouvent « que la crise du Mexique se manifeste sous la forme de violence, mais qu’elle prend sa source dans la corruption et la faiblesse de l’Etat », écrit le journal.Selon les chercheurs, le gouvernement mexicain n’est pas intervenu pour rétablir son pouvoir de peur d’attirer l’attention et de faire des émules.

Un pays ravagé par la violence

L’année dernière, le Mexican Institute for the Economy and Peace a publié un rapport indiquant que la violence avait englouti 18% du produit intérieur brut mexicain en 2016. En 2015, le coût de la violence et de la criminalité s’élevait au Mexique à 1.335 dollars par habitant.On a recensé 23.968 personnes tuées au cours des 10 premiers mois de l’année 2017. Il s’agit d’un record absolu dans l’histoire récente du pays.

Tancítaro

Cette ville très riche grâce à la culture de l’avocat était autrefois contrôlée pour la plus grande partie par Michoacán, un cartel de la drogue. Mais il y a quatre ans, à la suite d’un soulèvement des agriculteurs victimes d’extorsions de fonds, les membres du cartel et les policiers considérés comme complices ont été expulsés. Les politiciens ont fui la ville. Les citadins ont formé une milice, la Junta de Sanidad Vegetal, qu’ils ont armée jusqu’aux dents.C’est encore cette dernière qui assure la sécurité de la ville aujourd’hui. Mais le système mis en place par la population pour se substituer aux institutions d’Etat, est très semblable à un cartel, observe le New York Times.La justice est assurée par des volontaires de la milice, ce qui aboutit à des jugements arbitraires. Officiellement, le bourgmestre de la ville est politicien très populaire, mais officieusement, il rapporte aux agriculteurs. Les conseils de citoyens ont été dépouillés de leurs prérogatives, et les services sociaux ne sont quasiment plus assurés.

Monterrey

Monterey est la ville où sont établies une grande partie des plus grandes entreprises mexicaines. Une partie de leurs dirigeants ont discrètement pris le contrôle de la ville.A l’origine de cette évolution, on trouve une tentative de kidnapping dans un car de ramassage scolaire assuré par Femsa, l’une des plus grandes firmes mexicaines, orchestrée par les hommes d’un cartel. Deux agents de sécurité privés, employés par la firme, ont été tués au cours de l’attaque.A la suite de cet événement, des dirigeants d’entreprises ont commencé à consulter des avocats et des consultants pour modifier la loi sur les enlèvements, et réorganiser la police d’Etat spécialisée dans les kidnappings.Le gouverneur de la ville, qui avait été associé à ces initiatives, a plus tard annoncé la création d’une nouvelle police, supervisée par les CEOs des entreprises de la ville. Des recrutements dans tout le pays ont été effectués pour garnir les rangs de cette nouvelle police (En photo, un exercice de simulation d’attaque de cette « Fuerza Civil »)… sans passer par les canaux officiels corrompus. La sécurité est revenue dans les rues.« L’expérience de Monterey est une nouvelle preuve qu’au Mexique, la violence n’est qu’un symptôme. Le véritable mal se trouve dans le gouvernement », écrit le New York Times.Mais en 2015, un nouveau gouverneur a été nommé, qui a nommé certaines de ses connaissances à des postes clés. La criminalité est à nouveau en hausse.

Ciudad Nezahualcóyotl

Ciudad Nezahualcóyotl (Neza) est une ville d’un million d’habitants de la banlieue de Mexico City, autrefois très pauvre, soumise à la violence des gangs et à la corruption, y compris de la police.C’est le chef de la police, Jorge Amador, qui est à l’origine de la transformation de la ville. Il a mené des expériences variées pour déterminer ce qui pourrait améliorer la situation. Et il a finalement fait le contraire de ce qui avait été fait à Monterrey. Plutôt que de constituer une police indépendante et d’y associer le système politique, il a mis en place un système politique et y a associé la police.Au Mexique, les grands partis traditionnels sont bien plus que des représentants politiques, ils gèrent les institutions du pays. Les officiels sont donc peu tentés d’enquêter sur les affaires de corruption qui pourraient pointer vers leurs collègues de partis. Mais Neza, gérée par un parti marginal, échappe à cette logique. Amador en a profité pour faire le ménage dans la police. La sécession bureaucratique de la ville lui a permis de la façonner à son idée.Mais il savait que la corruption était généralisée, et que le répit ne serait que temporaire. Il a donc développé une valeur incorruptible pour les habitants : la fierté de l’identité civique.Pour ce faire, il a délivré des récompenses pour les réalisations, même les plus minimes, des citoyens. De cette manière, il a resserré les liens entre la police et les habitants, en convaincant ces derniers que leurs agents de police n’étaient pas comme les autres.

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