Ironiquement, la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine semble être une aubaine pour le candidat le plus inattendu : le Mexique. Les importations américaines en provenance de ce pays ont enregistré l’année dernière leur plus forte augmentation en sept ans.
C’est d’autant plus remarquable que le Mexique est, à l’instar de la Chine, l’une des cibles que le président américain Donald Trump ne manque jamais de fustiger.
Le Mexique a directement profité de la guerre commerciale avec la Chine
En pratique, le Mexique a directement profité de la guerre commerciale initiée avec la Chine. Les exportations mexicaines destinées aux États-Unis qui ont beaucoup augmenté sont celles des produits dont les alternatives chinoises ont subi récemment des hausses de droits de douane. En conséquence, le total des importations américaines en provenance du Mexique ont augmenté de 10 % en 2018. Désormais, elles se montent à près de 350 milliards de dollars. Cette hausse explique pour partie pourquoi le déficit commercial des États-Unis à l’égard du Mexique a augmenté de 15 %, pour atteindre plus de 80 milliards de dollars.
D’un autre côté, les importations en provenance de Chine se sont réduites d’un tiers.
« L’aubaine mexicaine souligne la difficulté de gagner une guerre commerciale lorsque des entreprises peuvent déplacer leur production ou trouver de nouvelles sources d’approvisionnement pour éviter les droits de douane », note Bloomberg.
Un déficit commercial américain record, en dépit des promesses de Trump
En dépit de la promesse de Trump de réduire le déficit commercial américain, ce dernier a atteint 891 milliards de dollars l’année dernière, un record. En effet, les réductions d’impôts accordées par le président américain aux entreprises ont eu pour effet de stimuler la demande de produits importés. D’un autre côté, les hausses de droits de douane imposées à titre de représailles par les autres pays en réponse aux augmentations des tarifs que Trump leur avaient imposées sur leurs exportations pèsent sur les exportations américaines.
Cette situation est d’autant plus ironique que le président Trump a, dès son arrivée au pouvoir, pris pour cible le Mexique, l’accusant de prendre des emplois américains. D’après Alan Russell, CEO Tecma Group, un consultant texan qui aide les entreprises à ouvrir des usines au Mexique, jamais les entreprises américaines n’ont manifesté autant d’intérêt pour une délocalisation au Mexique au cours des 35 dernières années. « Presque toutes les entreprises assurant leur production en Chine ont pris conscience qu’elles devaient réagir. »
Un partenaire commercial séduisant
Jorge Guajardo, ancien ambassadeur du Mexique en Chine, affirme qu’une grande partie des substitutions de production chinoise vers le Mexique portent sur des articles à faible valeur ajoutée, parce que dans ce cas, le remplacement est plus facile.
La grande proximité, l’accès aux ports et la main-d’œuvre bien formée du Mexique ont tôt fait de convaincre les entreprises américaines. La susbstitution est visible dans un large éventail de secteurs, et a également profité aux PME mexicaines. Les exportations du Mexique aux Etats-Unsi ont plus que doublé, alors que celles de la Chine se sont écroulées de 25 %. Le Mexique exporte plus de minerais et leurs sous-produits, d’aluminium, de textiles et de produits agricoles. Les importations américaines de voitures mexicaines à moteur à essence ont augmenté de 17 % en un an, pour atteindre 32,6 milliards de dollars, pendant que les importations chinoises, allemandes et canadiennes de ces mêmes véhicules ont chuté.
Un président mexicain qui pourrait couper cet élan
Pourtant, le Mexique n’a pas attendu l’accession au pouvoir de Donald Trump pour concurrencer la Chine. Le pays a toujours profité de sa proximité avec les Etats-Unis qui lui assure une plus grande rapidité de livraison, un avantage crucial à l’ère du commerce électronique. Sur les dernières années, les coûts de main-d’œuvre en Chine ont commencé à augmenter, et le Mexique est donc le pays le plus enclin à bénéficier de cette évolution.
En outre, l’année dernière, les menaces d’augmentation des droits de douane ont incité des entreprises à augmenter leurs commandes pour se prémunir contre tout risque induit par un potentiel retrait des Etats-Unis de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA, ou NAFTA en anglais). De même, les fluctuations de la parité du dollar et les droits de douane imposés sur l’acier pourraient également avoir joué un rôle.
Du coup, l’essor des exportations mexicaines pourrait être de courte durée. La conclusion d’un accord commercial entre les États-Unis et la Chine pourrait remettre en cause une partie de l’attrait exercé par le pays d’amérique centrale.
De plus, le nouveau président de gauche mexicain, Andrés Manuel López Obrador, pourrait lui aussi changer la donne. Il a ébranlé la confiance des investisseurs lorsqu’il a annulé la construction d’un aéroport de 13 milliards de dollars. Son arrivée au pouvoir a également rendu les syndicats ouvriers mexicains plus combatifs. Ces derniers ont entamé des grèves dans des usines.