La Chine présente un plan anti-méthane sans objectif de réduction des émissions : on ne pourra pas dire qu’elle n’a pas tenu ses promesses

Plus de deux ans après s’être engagée à lancer un plan pour ses émissions de méthane, la Chine en a enfin dévoilé un cette semaine. Un mot peut résumer les annonces du plus grand émetteur mondial : prudence. Et ça rime avec déception.

Pourquoi est-ce important ?

Le méthane est le deuxième gaz à effet de serre le plus présent dans l'atmosphère, derrière le dioxyde de carbone. S'il se dissipe en quelques années là où le CO2 peut y rester jusqu'à mille ans, il a par contre un pouvoir réchauffant 80 à 100 fois plus important que ce dernier. En réduire les émissions est considéré comme le moyen le plus simple de limiter le réchauffement climatique à court terme. La Chine représente environ 15% des émissions mondiales : personne n'en émet davantage.

Dans l’actu : le timide plan anti-méthane de la Chine.

  • Ce mardi, Pékin a dévoilé un plan qui doit lui permettre de diminuer ses émissions de méthane. La plupart des analystes le jugent inconsistant : il ne comporte même pas un objectif de réduction chiffré.
  • À quelques semaines de la COP28, la foire aux déclarations d’intention est bien lancée.

Que contient le plan de la Chine pour le méthane ?

Les détails : les principales annonces.

  • En 2021, la Chine, à l’instar de l’Inde et de la Russie, avait refusé de rejoindre le Global Methane Pledge. Mais elle s’était engagée à développer sa propre initiative pour réduire ses émissions de méthane.
    • Pour rappel, ce mouvement a été lancé par l’Union européenne et les États-Unis à l’occasion de la COP26. 149 pays ont ainsi promis de réduire de 30% leurs émissions de méthane d’ici 2030, par rapport aux niveaux de 2020.
    • Une intention certes louable, mais qui reste trop peu ambitieuse pour limiter le réchauffement à 1,5°C. Le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) l’a encore rappelé cette semaine : pour respecter l’Accord de Paris, il faudrait par exemple réduire les émissions de méthane du secteur de l’énergie de… 60%.
  • Alors que la COP28 approche à grands pas, la Chine a donc enfin présenté des mesures qu’elle qualifie de « plus énergiques ». Au programme, notamment :
    • Une amélioration des systèmes de mesure et de contrôle du méthane jusqu’en 2030. Cela concerne tous les secteurs problématiques : énergie, agriculture et déchets principalement.
    • Une réduction à zéro du torchage d’ici 2030. Ce procédé hautement nuisible consiste à brûler l’excédent de gaz provenant des puits de pétrole et de gaz.
    • Un engagement à capturer et à réutiliser les émissions de méthane. La Chine promet ainsi de :
      • Recycler annuellement six milliards de m3 de gaz rejetés par les mines de charbon d’ici 2025.
      • Collecter « à un niveau avancé international » les émissions des champs pétrolifères d’ici 2030.
      • Valoriser 80% du fumier de bétail et de volaille d’ici 2025, et 85% d’ici 2030. Car leur élimination traditionnelle émet beaucoup de méthane.

Pékin ne se mouille pas

Les commentaires : il manque le principal.

  • Rapidement, les analystes ont eu tôt fait de pointer le principal problème du plan : il ne contient aucune trace d’un objectif de réduction chiffré des émissions globales de méthane de la Chine.
  • « La Chine est très prudente dans ses engagements internationaux » a rappelé auprès du Guardian Byford Tsang, conseiller politique principal chez E3G, un groupe de réflexion sur le changement climatique. « Pékin n’aime pas quand ses mains sont contraintes sur la scène internationale. »
  • Auprès du Financial Times, Tsang a tout de même noté qu’il s’agissait d’une « avancée attendue depuis longtemps mais cruciale ». « Il faudra du temps pour évaluer si le plan pourrait fournir des efforts significatifs en l’absence d’objectifs quantifiés », a-t-il ajouté.
  • « Le plan établit des feuilles de route pour les secteurs clés », a observé Li Shuo, directeur du China Climate Hub au sein du think tank Asia Society Policy Institute (ASPI). « L’absence d’objectifs chiffrés souligne la nécessité de poursuivre les travaux pour améliorer les données de référence. »

Évitons de tomber dans la naïveté. Même si d’autres pays affiche des objectifs de réduction chiffrés, ceux-ci ne sont généralement pas contraignants. On considère simplement comme plus encourageant le fait qu’un gouvernement se fixe un horizon plus précis. En optant pour cette position, la Chine s’évite toutefois d’emblée une critique future : on ne pourra pas dire qu’elle n’a pas respecté ses objectifs.

Un rapprochement Chine-USA plutôt inattendu

Le contexte : la COP28 approche, la rencontre Xi-Biden aussi.

  • Il est important de souligner que cette annonce survient à l’issue de la visite aux États-Unis de l’envoyé chinois pour le climat. Pendant ces cinq jours, Xie Zhenhua s’est notamment entretenu avec son homologue américain, John Kerry.
    • Le ministère chinois de l’Environnement a vu cette visite se conclure sur un « succès ».
    • Kerry a qualifié les discussions de « globales et constructives ». « Nous avons trouvé un terrain commun pour plusieurs questions qui s’avérera utile dans ces prochaines semaines critiques précédant la COP28 », a-t-il précisé.
    • Un optimisme partagé qui peut étonner, tant les tensions entre les deux pays sont vives.
  • Avant la COP28, qui s’ouvrira le 30 novembre, il y aura la très attendue rencontre entre les présidents américain et chinois. Joe Biden et Xi Jinping s’entretiendront le 15 novembre prochain à San Francisco.
  • Interrogé par Reuters, Shuo voit le plan chinois contre le méthane comme une « ouverture » vers une possible déclaration commune des deux super-puissances dans les semaines à venir.
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