Des USA à l’Europe de l’Est en passant par Paris, Macron fait l’unanimité contre lui avec ses propos sur Taïwan

A l’international comme en France, rien ne semble stopper l’afflux des critiques à l’encontre d’Emmanuel Macron. Ses récents propos au sujet de Taïwan passent mal, très mal.

Pourquoi est-ce important ?

Au retour d'une visite en Chine qui lui avait déjà valu quelques critiques, Emmanuel Macron a tenu des propos qui ont encore plus déplu aux Américains. La France est censée être l'un des piliers de l'alliance occidentale : les dernières déclarations de son président risquent de la fragiliser.

Ce qui a mis le feu aux poudres : une interview sur Taïwan.

  • Dans un entretien accordé à Politico et aux Echos paru dimanche, Emmanuel Macron a appelé les Européens à construire une « autonomie stratégique » afin de faire de l’Union européenne une « troisième superpuissance ».
  • “Le paradoxe serait que […] nous nous mettions à suivre la politique américaine, par une sorte de réflexe de panique. La question qui nous est posée à nous Européens est la suivante […] : avons-nous intérêt à une accélération sur le sujet de Taïwan ? Non. La pire des choses serait de penser que nous, Européens, devrions être suivistes sur ce sujet et nous adapter au rythme américain et à une surréaction chinoise », a déclaré le président français.
  • Deux remarques utiles pour donner plus de précision sur ces propos :
    • Ils ont été tenus juste avant que la Chine n’enclenche d’inquiétantes manœuvres militaires autour de Taïwan. Et juste après une visite de Macron en Cine.
    • Politico indique que l’Elysée a tenu à relire l’interview avant publication et que des déclarations « encore plus directes » sur Taïwan et l’autonomie européenne ont été coupées.

« La liberté, l’égalité et la fraternité sont-elles passées de mode ? »

Les réactions des principaux intéressés : la Chine sourit, Taïwan s’inquiète.

  • La Chine a applaudi des deux mains les déclarations du président français.
    • Dans un éditorial publié en début de semaine, le média étatique chinois Global Times a dit y voir le « signal d’une impasse pour la stratégie américaine consistant à leurrer l’Europe pour contenir la Chine ». 
    • De son côté, la porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères a déclaré que la Chine espère que toutes les parties pourront « reconnaître l’essence de la question de Taïwan, continuer à s’en tenir au principe d’une seule Chine et s’opposer toute forme d’activités sécessionnistes à Taïwan ». 
  • Forcément, à Taïwan, les réactions ont été diamétralement opposées.
    • « La liberté, l’égalité et la fraternité sont-elles passées de mode ? », s’est interrogé sur Facebook le président du parlement taïwanais, You Si-kun. « Est-il possible de l’ignorer une fois qu’elle fait partie de la constitution ? Les pays démocratiques avancés peuvent-ils ignorer la vie et la mort de personnes dans d’autres pays ? »
    • « Les actions du président Macron, une démocratie internationale de premier plan, me laissent perplexe », a-t-il ajouté, visiblement très amer.
    • Le ministre taïwanais des Affaires étrangères a quant à lui tenté de garder la face, « remerciant la France d’avoir exprimé sa préoccupation pour la paix et la stabilité dans le détroit de Taïwan à de nombreuses reprises et dans de nombreuses enceintes internationales ». « Il s’agit d’une continuation de la position cohérente de la France », a assuré son porte-parole, cité par Reuters.

Pour Trump, « Macron lèche le cul de Xi »

Les réactions aux États-Unis : les républicains sur les nerfs.

  • Sans surprise, c’est outre-Atlantique que les propos de Macron ont suscité les réactions les plus vives, surtout du côté républicain.
    • Les déclarations du président français ont été qualifiées tour à tour de « honteuses », « embarrassantes », « très naïves », « décourageante » par des élus républicains, qui y ont vu une « trahison ».
    • « Nous avons besoin de savoir si Macron parle pour Macron, ou s’il parle pour l’Europe. Nous avons besoin de le savoir rapidement, parce que la Chine est très enthousiaste à propos de ce qu’il a dit », a ajouté un autre sénateur du GOP.
    • L’ancien président Donald Trump a, comme à son habitude, eu des mots plus crus. Selon lui, Macron a « léché le cul » de Xi Jinping. « Vous avez ce monde de fou, qui explose de partout, et les États-Unis n’ont absolument pas leur mot à dire », a ajouté Trump. « Je me suis dit ‘Ok ! La France va en Chine maintenant !' ».
  • Chez les démocrates, on a plutôt tenté de désamorcer la bombe.
    • « Il existe une immense convergence entre nous et nos alliés et partenaires européens et la façon dont nous abordons de front le défi [de la Chine] », a assuré un porte-parole du département d’État.
    • « Nous laisserons parler l’Élysée pour les commentaires du président Macron – nous nous concentrons sur la formidable collaboration et coordination que nous avons avec la France en tant qu’allié et ami », a ajouté le porte-parole du Conseil de sécurité nationale, John Kirby.

En Europe de l’Est, on se désolidarise de Macron

Les réactions en Europe : l’Est n’apprécie pas du tout.

  • Parmi les plus proches alliés de la France, en Europe, certains ont également mal digéré les déclarations de Macron. Les craintes sont particulièrement vives à l’Est, où l’on ne veut surtout pas perdre l’allié américain dans un contexte de tensions croissantes avec la Russie.
  • Le Premier ministre polonais, Mateus Moraweicki, a notamment tenté de rassurer les Américains.
    • « L’alliance avec les États-Unis est un fondement absolu de notre sécurité qui s’appuie sur deux piliers, la coopération économique et dans le domaine de la défense », a-t-il déclaré.
    • Il a aussi lancé une pique à Macron, disant regretter le fait que « certains chefs occidentaux rêvent d’une coopération avec tout le monde, avec la Russie et avec certaines puissances de l’Extrême-Orient ».
  • Selon un élu lituanien interrogé par le Financial Times, Macron a fait preuve d’un « aveuglement géopolitique » et a agi « contrairement aux intérêts stratégiques de l’UE et de l’Otan ».
  • En Allemagne aussi, certains n’ont pas apprécié les commentaires de Macron. Les critiques à l’encontre du président français ont surtout été émises par les chrétiens-démocrates, le parti de l’ancienne chancelière Angela Merkel, aujourd’hui deuxième parti du pays et rejeté dans l’opposition.
    • « Macron (…) divise et affaiblit l’Europe avec une rhétorique aussi naïve et dangereuse », a fustigé le député Norbert Röttgen.
  • Épinglons enfin le communiqué cinglant de l’Alliance interparlementaire sur la Chine, qui réunit des élus européens et internationaux qui tentent de durcir la position européenne face à Pékin.
    • « Les remarques malavisées du président Macron ne tiennent non seulement pas compte de la place vitale de Taïwan dans l’économie mondiale, mais sapent l’engagement de plusieurs décennies de la communauté internationale à maintenir la paix dans le détroit de Taïwan », soulignent-ils notamment.

Même certains macronistes ne le suivent pas

Les réactions en France : des critiques y compris chez ses plus proches alliés.

  • Parmi les signataires du communiqué de l’Alliance interparlementaire sur la Chine, on retrouve même des parlementaires de la majorité présidentielle française.
    • « C’est incompréhensible », a notamment réagi auprès du Point Anne Genetet (Renaissance), qui a accompagné Macron lors de son voyage en Chine.
    • « Il a très envie de s’inscrire dans cette tradition gaullienne, pas inféodée aux États-Unis », a-t-elle expliqué. « Mais il y a une nuance entre inféodé, vassalisé ou pas aligné. »
  • L’opposition n’a, elle non plus, pas manqué de critiquer les propos de Macron.
    • Pour le patron des Républicains Olivier Marleix, le président a donné « un signal aux Chinois » et, par extension « un signal aux Russes ». Macron aurait ainsi « sacrifié la souveraineté de Taïwan » en plaidant pour la souveraineté de l’Ukraine à Pékin.
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