Alors que la France se prépare à assumer la présidence du Conseil européen en mars prochain, un gros dossier cher à Paris se constitue, lentement mais sûrement : le « Strategic Compass » de l’Union européenne, le document qui, sur le modèle de l’OTAN, tracera les grande ligne de la stratégie de l’Union multinationale à l’échelle mondiale.
Ce texte dresser pour la première fois la carte des menaces auxquelles l’Union européenne est confrontée, tout en couvrant également la gestion des crises, la résilience, le développement des capacités et les partenariats, et vise à « définir une vision stratégique commune de la sécurité et de la défense de l’UE pour les 5 à 10 prochaines années ». Et si ce document ne sera soumis à l’aval des différents ministres des Affaires étrangères de l’UE que le 15 novembre prochain, le média Euractiv a pu jeter un œil à sa version non-définitive.
Un œil sur la Russie, un autre sur la Chine
La première partie de ce nouveau plan militaire de l’UE est consacrée à l’identification des points de tensions dans le monde qui pourraient impliquer l’Union et, sur les 28 pages que comptent le document, ce sont la Russie et la Chine qui se talonnent pour la place du pays le plus cité. « Les actions de la Russie dans notre voisinage commun et sur d’autres théâtres sont en contradiction avec la vision du monde et les intérêts de l’UE », indique le projet, ajoutant que « la stratégie de l’UE vise à engager la Russie sur certaines questions spécifiques » telles que le climat.
Quant à l’Empire du Milieu, moins frontalier pour l’Europe mais tout aussi omniprésent dans l’équilibre des forces à l’international, le document le présente comme: « Un partenaire, un concurrent économique et un rival systémique », qui est « de plus en plus à la fois impliqué et engagé dans les tensions régionales. Malgré l’affirmation croissante de la Chine, nous continuerons à coopérer dans des domaines d’intérêt mutuel tels que la lutte contre la piraterie, le climat et la sécurité. » Ce « Strategic Compass » sera mis à jour tous les cinq ans à partir de 2025 afin de maintenir un portrait à jour de l’état du monde et des tensions qui le traversent.
L’armée européenne, bientôt une réalité
Autre sujet de grande ampleur : la mise en place envisagée d’une force d’intervention militaire commune à l’Union européenne, qui est revenue sur le tapis durant la crise afghane, alors que les pays de l’Union se voyaient contraints et forcé de suivre le calendrier américain. Le document qu’a pu consulter Euractiv évoque, comme suggéré cet été, la mise sur pied d’une force de 5 000 soldats regroupant les composantes terre, air, et mer.
Selon le brouillon, cette force devra « répondre à des menaces imminentes ou réagir rapidement à une situation de crise, par exemple une mission de sauvetage et d’évacuation ou une opération de stabilisation dans un environnement hostile ». La capacité de la force sera basée sur des « scénarios opérationnels », mais le projet ne précise pas qui les définira.
Cette armée européenne devrait être constituée de « groupements tactiques de l’UE substantiellement modifiés et d’autres forces et capacités militaires des États membres », indique la proposition, qui prévoit des exercices réguliers et conjoints à partir de 2023.
La question de la prise de décision du déploiement d’une telle force reste toutefois sur la table : dans l’état, l’idée serait de partir d’une décision unanime, au risque de ne jamais obtenir de consensus. L’Eurocorps, le corps de réaction rapide européen actuel, n’a ainsi jamais été appelé à intervenir nul part, à la fois par peur des coûts qui cela impliquerait, par désaccord au sein de l’assemblée, ou tout simplement par réticence à s’impliquer. La question reste encore ouverte donc, d’autant que certains pays sont rétifs à l’idée de fonder un concurrent à l’Otan, perçu, surtout à l’est, comme la meilleure défense envisageable face à la Russie.