L’UE place la Belgique parmi les pays du Club Med: avec 11,2% de déficit, seule l’Espagne fait pire

C’est désormais noir sur blanc dans les chiffres de la Commission européenne. La Belgique est le pays d’Europe au plus grand déficit après l’Espagne. Avec un déficit de 11,2% en 2020, selon la Commission. 2021 ne s’annonce pas bien meilleur avec un déficit qui pourrait atteindre les 7,1%. L’Europe nous met en garde: nous sommes dans le même bateau que l’Espagne, le Portugal, la Grèce, l’Italie et la France.

Le Commissaire européen des Finances, Paolo Gentiloni, a présenté son analyse chiffrée des budgets des pays européens. Selon ses propres estimations, le déficit belge devrait atteindre 11,2%, soit 1% de plus que les prévisions de la Belgique début octobre à 10,3%.

Soyons de bon compte, tous les pays de l’UE seront en déficit suite à la crise sanitaire. Mais la Belgique se classe au sommet des déficits de l’UE, derrière l’Espagne. Autre point commun avec les pays dits du Club Med: un endettement très important (104% au premier trimestre 2020). Cette expression a circulé dans les milieux diplomatiques européens au moment des négociations autour du budget. Il s’agissait d’une sorte de réponse aux pays dits ‘radins’, menés notamment par les Pays-Bas. Conséquence ou causalité, les pays du Club Med sont aussi les pays les plus touchés par la pandémie (à l’exception de la Grèce et du Portugal).

La Belgique est-elle vouée à rester à long terme dans ce club? En 2021, la Commission s’attend à un déficit de 7,1%, ce qui nous classe à nouveau dans le top 5 des pays les moins performants.

En 2018 et 2019 déjà, nous étions sur le banc de touche. Les bons chiffres économiques de l’époque ne pouvaient compenser certains problèmes structurels et politiques. Rappelons qu’en 2018, le budget n’a jamais été véritablement bouclé suite à la chute du gouvernement Michel face au Pacte de Marrakech. 2019 a été une année perdue, théâtre de négociations sans fin. Il n’y avait pas de plan budgétaire strict.

Les 3 critiques de la Commission

Déjà avertie par deux fois, la Belgique reçoit un nouveau carton jaune en 2020. Au même titre que les pays du Club Med. Elle remet en question ‘la soutenabilité de la situation financière à long terme’ de notre pays.

  • La Commission s’inquiète que nos ‘dépenses temporaires‘ liées à la crise sanitaire deviennent persistantes. Ce qui est assez juste: quand vous augmentez les pensions minimales ou majorez les salaires dans les soins de santé, vous agissez sur le long terme. Cela rend les exercices budgétaires futurs encore plus compliqués.
  • Au niveau des recettes, le budget fédéral compte s’approvisionner dans la lutte contre la fraude fiscale et sociale. On se souvient d’ailleurs que cela avait mené à des discussions houleuses lors des négociations de l’accord. A combien est évalué ce montant, et qui va payer ? La question reste entière. Il est donc difficile d’intégrer cette variable dans le budget pour le moment.
  • Il en va de même pour les économies. On est dans le domaine de l’intention. Un ‘Etat efficace’, ça rapporte combien ? 550 millions selon la précédente majorité suédoise. Dans les faits, pas plus de 50 millions d’euros.

Un cadre budgétaire différent

Alors, bien sûr, 2020 est une année exceptionnelle. L’UE n’impose d’ailleurs pas son carcan budgétaire habituel à 3% de déficit. Aucun pays de l’UE ne respectera cette année cette sacro-sainte règle budgétaire il y a encore un an. L’UE donne donc son feu vert à la Belgique comme elle le fait pour tous les Etats. La Belgique évite donc le carton rouge.

Mais cette facture devra être payée un jour ou l’autre. En 2022, la Commission va sans doute revenir aux règles budgétaires qui ont prévalu avant la crise. La gueule de bois risque alors de faire mal, aussi bien pour le fédéral que pour les entités fédérées. La planche à billets de la BCE n’est pas infinie. Du moins pas encore.

Les fonds européens arrivent

Malgré le blocage de la Hongrie et de la Pologne sur le budget européen et le plan de relance, tout a déjà été réglé au niveau de la répartition des aides. En 2021, la Belgique bénéficiera d’un demi-milliard d’euros. Le souci, c’est que la Commission attend un plan pour en attribuer les dépenses, pas trois ou quatre.

Ce qui veut dire qu’entités fédérées et Etat fédéral vont devoir s’entendre, ce qui est toujours un exercice périlleux en Belgique. Les comités de concertation vont aller bon train. La Flandre a déjà annoncé qu’elle revendiquait la majorité de la somme. Son argument: elle est la région la plus touchée par la crise sanitaire. Mais dans les faits, les fonds européens vont toujours aux régions les plus pauvres, dont la Wallonie fait partie. Cette clé de distribution va jusqu’à 70 à 80%.

Les Etats doivent en outre répondre aux attentes des politiques européennes. Pas question d’investir dans n’importe quoi: ‘Les réformes et les investissements dans le cadre du plan de relance doivent être conformes aux priorités politiques de l’Union’, a réitéré Gentiloni. Quelles sont ces priorités ? L’écologie, la numérisation et le marché du travail.

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