L’UE pourrait tomber à court de doses de vaccin. Pourquoi ? Car la Commission européenne aurait voulu empêcher le français Sanofi de vendre moins de vaccins que BioNTech/Pfizer. C’est en tout cas ce que dit un rapport hautement inflammable de l’influent hebdomadaire allemand Der Spiegel. Fait étonnant, le rapport n’a guère trouvé d’écho dans la presse grand public.
L’accusation n’est pas tendre. Car elle implique la Commission européenne. Elle serait prête à risquer des vies humaines au profit commercial d’une entreprise française. Selon Der Spiegel, Paris a exercé une pression sur la Commission dans cette affaire. Le français Sanofi travaille avec le Britannique GSK sur un vaccin contre le coronavirus, mais cette combinaison a été retardée de plusieurs mois. Leur vaccin ne devrait pas être prêt avant la fin de 2021, faute de résultats probants. Le vaccin de Pfizer est lui déjà administré aux États-Unis et au Royaume-Uni, et il vient d’être approuvé par l’Agence européenne des médicaments.
France: ‘Du grand n’importe quoi’
La France a déjà fermement démenti ce rapport. Clément Beaune, le secrétaire d’État français aux Affaires européennes, et Agnès Pannier-Runacher, la ministre de l’Industrie, parlent ‘d’un grand n’importe quoi’. Selon eux, ni la France ni l’Allemagne n’ont jamais demandé à réduire les achats de vaccins au profit d’une entreprise.
Le commissaire européen Thierry Breton a été moins explicite dans une interview accordée à la chaîne commerciale française BFM Business. Selon lui, il existe sept laboratoires et autant de types de vaccins différents. C’est pourquoi l’UE a passé des commandes auprès de tous ces différents fournisseurs.
La question reste de savoir pourquoi l’UE ne commencera la vaccination que le 28 décembre. Alors que les États-Unis et le Royaume-Uni – dès le 8 décembre – ont déjà vacciné des centaines de milliers de personnes. ‘Les Allemands doivent attendre qu’un vaccin soit produit en Allemagne’, écrit Der Spiegel. L’Europe dépose des ‘procédures d’admission plus sûres et meilleures’. Mais au cours de ces 20 jours de différence, il y aura des centaines, voire des milliers de victimes inutiles.
‘Les décès de Covid deviennent les morts de l’UE’
Der Spiegel a écrit samedi que l’UE avait ‘acheté trop peu, trop tard et aux mauvais producteurs’. Selon le tabloïd Bild, le premier Allemand à se faire vacciner vivrait… au Royaume-Uni. Le journal ajoute que les Allemands envisagent désormais d’acheter eux-mêmes des vaccins supplémentaires. En dehors de l’UE. Tout simplement parce que l’UE n’aura pas suffisamment de fournitures pour vacciner tous les Allemands. De son côté, l’UE doit attendre et voir si les producteurs du Vieux Continent peuvent produire suffisamment de fournitures supplémentaires pour vacciner tous les Européens.
L’expert européen Wolfgang Münchau fait pour sa part une observation caustique de la situation: ‘La combinaison d’un retard d’approbation et d’une politique d’achat qui favoriserait certains producteurs est un choc difficile à surmonter pour l’UE. […] Les décès de Covid deviennent alors des décès de l’UE.’