En avant toute sur les logements sociaux : comment l’Espagne et le Portugal veulent s’attaquer à la crise de l’immobilier

L’inflation des loyers fait rage en Europe. Les prix de l’immobilier (même s’ils ralentissent dernièrement) sont de plus en plus élevés par rapport aux salaires. L’Espagne et le Portugal, deux économies traditionnellement vulnérables, sont gravement impactés par cette hausse. Les gouvernements des deux pays veulent désormais s’attaquer au phénomène avec une mise à disposition de plus de logements sociaux. Est-ce une solution miracle ?

Les faits : inflation des loyers et de l’immobilier.

  • Sur le mois de mars, l’inflation des loyers a atteint un record en Espagne, à 11,55 euros le mètre carré, un record. C’est une hausse de près de 10% en un an.
  • Au Portugal, les loyers sont aussi dans l’ascenseur, avec une hausse de 65% en sept ans. Un autre record : le prix des logements par rapport aux salaires. Le ratio n’a jamais été aussi élevé. Il est même le deuxième le plus élevé de l’OCDE (selon les chiffres du troisième trimestre de 2022).
    • Les Portugais sont évincés du marché immobilier. L’essor du tourisme et les travailleurs détachés (comme les nomades digitaux) y sont pour quelque chose. Cela suscite une vague de mécontentement, notamment dans les grandes villes, avec des manifestations fréquentes.

À fond sur les logements sociaux

L’essentiel : les gouvernements socialistes des deux pays veulent s’attaquer à la crise. Solution envisagée : des logements sociaux.

  • La péninsule ibérique compte d’ailleurs un taux très faible de logements sociaux : ils ne représentent qu’environ 2% du marché immobilier, soit un des taux les plus faibles parmi les pays développés. La moyenne pour l’UE est par exemple de 7,5%. En Belgique, c’est 4%, selon les chiffres de l’OCDE pour 2020. Aux Pays-Bas, numéro 1 du classement, c’est plus d’un tiers.
  • Les deux pays du sud de l’Europe veulent donc mettre les bouchées doubles pour s’attaquer à cette crise du logement, rapporte le Financial Times.
  • Le Portugal est déjà passé à l’acte, à la fin de l’année dernière, en décidant d’investir 2,4 milliards d’euros dans des logements sociaux d’ici 2026.
    • Plus tôt cette année, le gouvernement d’Antonio Costa a également pris des mesures radicales pour freiner la spéculation immobilière : les  « visas dorés » assortis d’avantages fiscaux pour les investisseurs étrangers ont été supprimés, et des avantages fiscaux ont été décidés pour les locations à long terme et pour les propriétaires qui placent un bien utilisé pour une location saisonnière sur le marché immobilier. L’idée, qui avait fait beaucoup de bruit, de plafonner les logements touristiques et d’imposer des amendes aux propriétaires de logements vides ne semble plus faire partie du plan.
    • Ce vendredi, le gouvernement a proposé un nouveau plan : que l’État puisse transformer des logements privés vides en logements sociaux. Les propriétaires recevraient le loyer.
  • L’Espagne présente son plan de logements sociaux ce mardi, après l’aval du Conseil des ministres. Le gouvernement de Pedro Sanchez veut ajouter 50.000 logements sociaux sur le marché. Il en existe actuellement 290.000.
    • Pour cette augmentation de l’offre, le gouvernement s’appuie sur la Sareb, sa « mauvaise banque » qui a racheté des actifs de banque en difficulté, durant la crise des années 2010.
    • Elle possède 21.000 logements vides. Ils seront vendus aux gouvernements locaux du pays, pour qu’ils en fassent des logements sociaux. 14.000 sont occupés, mais se trouvent dans une zone grise, car les promoteurs ont fait faillite : ils se verront accoler le statut de logement social. 15.000 autres devront encore être construits : les terrains appartiennent à la Sareb.

Pas une solution miracle ? En Espagne comme au Portugal, la mise à disposition ne se fera pas en un claquement de doigts.

  • El Economista rapporte que seuls 9.000 logements deviendraient disponibles à la vente aux entités locales espagnoles, dans l’immédiat. Pour les autres 12.000, il faudra attendre encore six mois à un an.
    • Les logements occupés ne seront également pas disponibles immédiatement, pour des raisons évidentes. Ils sont analysés au cas par cas, pour voir si les occupants ont droit à un logement social. Dans le cas contraire, ils devront être relogés. Dans d’autres cas, il faudra attendre que le bail arrive à terme pour les expulser.
    • Quant aux logements qui doivent être construits, il faudrait au moins attendre deux ans pour qu’ils soient disponibles.
  • Autre faiblesse structurelle du plan : les emplacements géographiques. La crise est la plus aigüe dans les grandes villes, mais ces logements se trouvent principalement dans les petites agglomérations. 30% des logements seulement se trouvent dans les régions les plus touchées par la crise, à savoir la Catalogne et la région de Madrid.
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