L’Inde est en proie à une vague dévastatice de coronavirus. Les infrastructures hospitalières sont submergées. Il n’y a plus assez de lits pour soigner tous les malades. Pire, certains établissements n’ont même plus assez d’oxygène.
Ce vendredi, l’Inde a battu pour le deuxième jour d’affilée le triste record du plus grand nombre de cas de coronavirus recensés dans un pays en 24 heures: 332.730. Les autorités ont enregistré 2.263 décès, le chiffre le plus élevé dans le pays depuis le début de la pandémie. La situation est particulièrement critique dans le nord et l’ouest du pays. Les hôpitaux sont débordés.
‘Pour l’instant, il n’y a pas de lits, pas d’oxygène. Tout le reste est secondaire’, a déclaré à Reuters Shahid Jameel, virologue et directeur de la Trivedi School of Biosciences à l’Université Ashoka.
New Delhi, la capitale, est particulièrement touchée. Six hôpitaux de la ville ont indiqué qu’ils n’avaient plus d’oxygène pour porter assistance à leurs patients atteints de Covid-19.
La télévision indienne a diffusé des images particulièrement inquiétantes. On y voit notamment des personnes, bouteille d’oxygène à la main, s’amassant dans des centres de remplissage en vue de rapporter ce gaz vital à leurs proches. Certains hôpitaux étant incapables d’accueillir de nouveaux patients, certains malades attendent leur tour dans des voitures – oxygène apporté ou non par leurs proches – à proximité des établissements de santé.
Des bûchers funéraires sont installés à la hâte dans certaines régions dévastées. ‘Ces images dévorantes de bûchers funéraires en feu. Des jeunes vies qui nous ont été arrachées. Les derniers mots de George Floyd « I can’t breathe » résonnent dans cet espace – le contexte est sans doute différent mais les cris des mourants sont les mêmes. Impuissance. L’Inde pleure’, a tweeté l’ancienne ministre des Affaires étrangères Nirupama Menon Rao.
Trains à oxygène
En vue de lutter contre la pénurie d’oxygène qui touche certaines régions, les autorités viennent de lancer un projet d’envergure, baptisé Oxygen Express. Des camions-citernes remplis d’oxygène sont placés sur des trains en direction des États du Maharashtra et de l’Uttar Pradesh, particulièrement atteints par la pénurie. Les premières locomotives sont parties cette semaine.
Piyush Goyal, le ministre indien des chemins de fer, a indiqué qu’un ‘couloir vert’ avait été créé pour ces trains spéciaux. Grâce à ce système, ils ne rencontrent pas de feux rouges et peuvent donc circuler plus rapidement.
Cette mesure intervient sans doute déjà bien trop tard. Mercredi, la Haute Cour de Delhi a critiqué le gouvernement pour la façon dont il gérait la pénurie d’oxygène, et a ordonné que l’oxygène soit détourné d’autres industries pour traiter les patients atteints du coronavirus.
Pourquoi l’Inde est-elle touchée si violemment ?
Plusieurs explications sont avancées par les scientifiques indiens pour expliquer cette vague dévastatrice qui s’abat sur le pays. Il y a bien sûr le variant indien (B.1.617). Plusieurs études sont en cours pour connaître ses caractéristiques, mais tout porte à croire qu’il est plus contagieux et plus résistant aux anticorps. Notons que ce variant a officiellement été identifié en Belgique ce jeudi. Vingt étudiants indiens arrivés chez nous à la mi-avril l’ont contracté, quatre autres personnes – qui ne venaient pas d’Inde – ont également été contaminées.
Mais bien plus que ce variant, les experts pointent du doigt le laxisme des autorités indiennes. Alors qu’elles avaient ordonné un lockdown strict lors de la première vague l’été dernier, elles ont massivement relâché les mesures en hiver. Par crainte des conséquences économiques d’un confinement trop long et parce que le coronavirus circulait beaucoup moins sur le territoire.
Enfin, il est également vivement reproché aux politiques d’avoir eux-mêmes provoqués de grands rassemblements en vue des élections locales. Des événements durant lesquels les mesures sanitaires de base (port du masque, distanciation sociale) n’ont quasiment pas été respectées. Malgré la situation sanitaire dramatique, des rassemblements similaires ont encore été organisés cette semaine.
‘La deuxième vague est une conséquence de la complaisance, du mélange et des rassemblements de masse. Vous n’avez pas besoin d’un variant pour expliquer la deuxième vague’, a dénoncé Ramanan Laxminarayan du Center for Disease Dynamics, Economics and Policy à New Delhi.
Pour nombre d’experts internationaux, l’Inde montre actuellement l’exemple à ne pas suivre, avec un déconfinement organisé bien trop rapidement. Depuis le début de la crise sanitaire, plus de 187.000 Indiens ont perdu la vie des suites d’une contamination au coronavirus.
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