L’IA va-t-elle bientôt faire passer les entretiens d’embauche ?

L’intelligence artificielle (IA) est en train de révolutionner tous les secteurs et métiers. Mais qu’en est-il des RH, et plus particulièrement du recrutement ? L’IA peut-elle aider à trouver de meilleurs candidats ? Du tri automatisé des CV par des algorithmes à l’utilisation de chatbots pour les entretiens : où fixer la limite de l’automatisation dans un secteur censé être axé sur l’humain ? Nous avons posé la question à plusieurs experts du monde de la technologie et/ou des RH.

Avec la montée en puissance d’outils comme ChatGPT, rares sont ceux qui n’ont pas encore testé l’IA. Cette technologie a un vrai potentiel dans le domaine du recrutement, surtout depuis que les entreprises accordent plus d’importance aux compétences des candidats. Le nombre d’offres d’emploi pour lesquelles aucun diplôme n’est requis est passé de 40,8 % à 49,1 % depuis 2016, selon les chiffres de l’agence flamande pour l’emploi VDAB. Cette proportion augmentera peut-être encore à mesure que les entreprises amélioreront la cartographie des compétences.

Découvrir les compétences cachées

Filtrer les CV à la recherche des compétences dont une organisation a besoin ? C’est une tâche dans laquelle excelle l’IA. « La technologie peut aider à trouver certains mots-clés dans les CV », déclare Frederik De Breuck, Head of Innovation & Technology Office chez Fujitsu Benelux et CHRLY – l’agence de recrutement informatique de Fujitsu. « Par exemple, une entreprise peut chercher une personne ayant de l’expérience dans le domaine des données, mais ce n’est pas toujours mentionné explicitement dans un CV. Cette expertise peut être cachée dans les projets auxquels a participé le candidat. Un outil d’IA peut identifier les technologies de données utilisées par une personne, chercher des informations supplémentaires et compléter le CV avec les compétences utiles à l’organisation. »

Ceux qui veulent aller plus loin peuvent utiliser l’IA pour mieux anticiper l’avenir. « Quelles sont les compétences dont votre organisation aura besoin dans cinq ans ? En le sachant, nous pouvons constituer dès aujourd’hui un vivier de candidats potentiels », ajoute M. De Breuck. « Vous pouvez également adapter le Learning & Development et organiser des formations sur les compétences que vous voulez absolument avoir en interne. »

Attention aux biais

De la sélection des CV à la prise de contact initiale avec un candidat, en passant par la programmation d’un entretien et la réponse aux messages sur les réseaux sociaux… l’IA permet d’automatiser beaucoup de choses. Mais il y a bien sûr des limites, surtout dans un secteur comme celui des RH. « Laisser l’IA prendre les décisions finales, c’est aller trop loin. Ce n’est réalisable qu’en corrigeant les biais des données, en analysant les tendances et en évaluant constamment la fiabilité », explique M. De Breuck.

Phaedra Kortekaas, Managing Director de SAS Benelux – une entreprise spécialisée dans les données et l’IA – met également en garde contre le risque que posent les biais. « Si votre processus de recrutement ne tenait pas compte de la diversité par le passé et que vous engagez de nouvelles personnes sur la base de vos données historiques, l’IA répétera la même erreur. Pour assurer une diversité adéquate, complétez vos données avec des données synthétiques ou configurez votre modèle pour qu’il cherche d’autres types d’indicateurs. »

Ces données synthétiques imitent les caractéristiques ou les schémas des données réelles et fournissent une base plus complète pour entraîner les modèles. La qualité des données est cruciale si vous souhaitez utiliser l’IA pour des tâches plus complexes.

L’importance de l’humain

Même si l’IA peut apporter une valeur ajoutée tangible aux RH, le facteur humain reste primordial. Et il est peu probable que cela change de sitôt. « Au mieux, l’IA a une fonction de soutien », déclare M. De Breuck. « Ne laissez pas l’IA prendre les décisions votre place, mais utilisez cette technologie pour améliorer le processus de recrutement. Par exemple, l’IA peut analyser le comportement d’un candidat sur les réseaux sociaux et vérifier si c’est en phase avec la culture de l’entreprise. Un recruteur fait la même chose aujourd’hui, mais l’IA est plus efficace et opère à plus grande échelle. »

« Le moment où un humain prend le relais dépend de la situation. Néanmoins, la composante humaine reste essentielle, même si l’automatisation complète est techniquement réalisable », explique M. De Breuck. « Dans un processus de recrutement, il faut être critique et se poser les bonnes questions. Comment s’assurer de l’intégrité d’une personne ? Même un recruteur a du mal à le faire. Voilà pourquoi la contribution d’employés humains est incontournable. »

Le potentiel de l’IA va bien sûr au-delà du recrutement. « Nous voyons un grand potentiel d’automatisation dans les domaines de l’administration et des salaires », ajoute M. De Breuck. « Si nous confions les tâches simples et fastidieuses à l’IA, nous libérons du temps pour d’autres choses. »

L’automatisation ne s’arrête pas au recrutement

Frank De Weser, Managing Director de Syntegro, une business unit de Visma, partage ce constat. Son entreprise fournit des logiciels de gestion du personnel et propose également des fonctionnalités d’IA. « Les employés s’attendent à pouvoir communiquer avec les RH 24h/24 et 7j/7, de la même manière qu’ils peuvent effectuer des opérations bancaires via une application sans devoir se rendre à la banque. Avec un chatbot, vous pouvez répondre à leurs questions à tout moment, que ce soit au sujet des horaires, des absences ou d’autres processus de travail », explique-t-il. Selon M. De Weser, c’est là que réside la plus grande valeur ajoutée de l’automatisation à court terme. En ce moment, il n’utilise pas l’IA pour le recrutement. « Chaque année, nous passons en revue quelques dizaines de candidatures mais, dans les grandes entreprises, l’IA peut effectivement se révéler utile pour traiter de gros volumes de CV. »

Pour Phaedra Kortekaas, le domaine où l’IA peut avoir le plus d’impact à court terme est la mise à l’échelle des RH. « L’IA peut améliorer significativement les performances. Si votre entreprise opère dans plusieurs pays et doit composer avec des lois ou politiques différentes, un algorithme intégré à vos activités RH peut être d’une grande aide. » Mme Kortekaas note toutefois que, par rapport à d’autres secteurs, les RH n’ont pas adopté massivement l’IA. « L’IA a vite trouvé sa place dans ce domaine, qui s’y prête naturellement. Mais je n’ai pas l’impression que nous ayons fort progressé depuis. Comme l’IA n’apporte pas de gains financiers immédiats dans les RH, la plupart des entreprises préfèrent investir d’abord dans d’autres domaines. »

Conclusion : l’IA et l’automatisation se font progressivement une place dans les RH et sont en train de rendre les équipes beaucoup plus performantes. Toutefois, il est peu probable que la technologie remplace bientôt la dimension « humaine » des « ressources humaines ».

Cet article d’opinion a été créé par All Colors of Communication en collaboration avec plusieurs experts des secteurs de la technologie et des ressources humaines, dont Frederik De Breuck, Head of Innovation & Technology Office chez Fujitsu Benelux, Phaedra Kortekaas, Managing Director de SAS Benelux, et Frank De Weser, Managing Director de Syntegro (business unit de Visma).

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