L’huile essentielle de lavande interdite par l’Europe ? Les producteurs s’alarment, mais la vérité est un peu plus complexe

L’Europe envisage de réformer ses classifications de produits chimiques, et les cultivateurs de lavande sont persuadés que leur produit sera considéré à tort comme toxique. Alors qu’aucun texte n’est encore écrit.

C’est la stupeur dans le Midi de la France: depuis quelques semaines, toute la région s’inquiète du sort d’un produit-phare de la région, l’huile essentielle, la vraie, issue des fleurs de la lavande locale. Une substance qui nécessite jusqu’à 100 kg de plantes fleuries pour obtenir un kilo d’huile aromatique, et dont l’extraction se pratique depuis des générations dans le sud de l’Hexagone. La région était d’ailleurs la première productrice mondiale, jusqu’à ce qu’une épidémie bactérienne ne détruise la moitié des récoltes entre 2005 et 2010, offrant ainsi la première place à la Bulgarie. Et voilà que les garrigues bruissent d’une rumeur terrible : l’Union européenne pourrait bien classer l’huile essentielle comme un produit toxique.

Les producteurs dans la Drôme dénoncent une future réglementation européenne faisant partie du « Pacte vert » de la Commission, un ensemble de textes devant renforcer la lutte contre la pollution et le changement climatique. Or, l’Europe voudrait aussi introduire un texte visant « un environnement exempt de substances toxiques » et révisant la classification des produits et leur étiquetage obligatoire. Cette réglementation doit classer les molécules mises sur le marché et les répertorier comme allergènes, cancérigènes ou perturbateurs endocriniens, comme pour tous les produits chimiques.

La lavande sur liste noire ?

Une dangereuse menace pour l’ensemble du secteur selon Alain Aubanel, président du comité interprofessionnel des huiles essentielles françaises et lui-même producteur: « Des produits naturels vont se retrouver sur liste noire et, même si légalement il n’y a pas d’interdiction de les utiliser, aucun fabricant de cosmétique, de parfumerie ou de produits alimentaires ne les utilisera. » Il craint que l’Europe n’impose un étiquetage spécifique aux produits potentiellement irritants ou allergènes, voire une très signifiante tête de mort sur les étiquettes, au risque de décourager les consommateurs de ce produit odoriférant, et en particulier le secteur cosmétique, qui en est très friand.

Les craintes des producteurs de lavande ont été largement reprises dans les médias, en particulier dans le Midi, mais pas toujours accompagnées d’un contrepoint nécessaire. Car celles-ci ne reposent pour l’instant sur rien. L’Europe n’a absolument pas prévu de législation spécifique à ces huiles : »L’Union européenne n’a pas l’intention d’interdire les huiles essentielles de lavande. Les craintes à ce sujet sont infondées » peut-on lire dans un communiqué. « L’objectif de cette révision est simplement de mieux protéger la santé des consommateurs et l’environnement. […] il n’y aura pas de proposition législative avant fin 2022 et cette proposition devra être ensuite discutée puis adoptée par le Parlement européen, d’un côté, et par le Conseil qui réunit les 27 États membres, de l’autre. » Aucune décision ne sera donc prise avant 2025.

Il faut dire que cette confrontation -s’il y en a une- repose sur un malentendu que les médias n’ont pas toujours relevé : ce n’est pas parce qu’une huile essentielle ne contient que des produits naturels qu’elle n’est pas à classer comme un produit chimique. Les diverses transformations (distillations, condensation, décantation…) que traverse l’extrait de lavande en font un produit tout aussi transformé qu’un whisky, par exemple, du bicarbonate de soude, ou même un produit issu de la transformation du pétrole. La question de son innocuité à la consommation n’est donc pas vaine, loin de la.

Enfin, il convient de rappeler que l’on prête beaucoup de vertus aux huiles essentielles : apaisantes, anti-inflammatoires, cicatrisantes, et bien d’autres. Aucune n’a jamais pu être confirmée par une étude scientifique fiable. En revanche, des cas d’allergie ont été recensés, de même que des empoisonnements suite à ingestion, en particulier chez les enfants. Mais les amateurs de ce produit diront qu’il s’agissait là d’une huile de synthèse.

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