Les socialistes triomphent avec cet accord social, les libéraux doivent en payer le prix

L’accord social, conclu lundi matin par le Groupe des Dix, a fait respirer la Vivaldi : la patate chaude n’a pas atterri dans son assiette. L’accord a suscité l’enthousiasme principalement à gauche : les syndicats, les socialistes et les verts ont beaucoup gagné. Parallèlement au triomphalisme des socialistes et des verts, il y a l’attitude légèrement plus froide des libéraux: l’accord coûtera de l’argent. Beaucoup d’argent.

Dans l’actualité : Les réactions de l’accord interprofessionnel sont intéressantes à suivre.

Les détails : Cette fois, ce sont surtout les socialistes et les verts qui ont triomphé.

  • On peut sans crainte qualifier d’accouchement difficile l’accord social conclu cette semaine entre les employeurs et les syndicats. Après des mois de négociations, d’échecs, de drames, de menaces de grève et de bras de fer, le Groupe des Dix – les partenaires sociaux – est sorti vainqueur.
  • Dans un premier temps, cela a provoqué un soulagement dans toutes les formations politiques de la Vivaldi. Car sans accord, un certain nombre de questions très sensibles menaçaient de se retrouver dans l’assiette du gouvernement.
  • La dernière fois que l’équipe du Premier ministre Alexander De Croo (Open Vld) a dû donner son avis sur un dossier aussi important, c’était en mai, dans le cadre des mêmes négociations qui ont maintenant été réglées. À cette époque, le gouvernement a décidé, en droite ligne de l’accord de coalition, que la loi sur les normes salariales de 1996 serait maintenue et qu’une augmentation salariale maximale de 0,4 % serait donc accordée (hors indexation).
  • Cette loi avait toutefois été sévèrement attaquée par les syndicats, qui l’ont qualifiée de ‘logiciel obsolète’. Mais les socialistes, et dans une moindre mesure les verts, ont cédé : le matin suivant l’accord, les libéraux étaient extrêmement satisfaits, ils avaient obtenu leur trophée.

Et maintenant : l’image de ceux qui triomphent est désormais complètement inversée.

  • Aujourd’hui, après que le brouillard autour de l’accord de lundi soir s’est dissipé, un sentiment très différent prévaut. Les socialistes sont particulièrement satisfaits. Ils ont pu obtenir un butin supplémentaire.
  • ‘L’accord de coalition ne prévoyait pas d’augmentation du salaire minimum. Mais en poussant fort et en nous battant pour nos dossiers, nous avons pu donner aux syndicats un tel soutien. Les chevaux de bataille que nous avions fixés au début du mois de mai ont tous été acquisé, résume l’un des dirigeants.
  • Il est certain que l’augmentation du salaire minimum (+2%) est un trophée important. C’est explicitement ce que Paul Magnette (PS) et aussi Pierre-Yves Dermagne (PS), le vice-premier ministre et ministre du Travail, avaient exigé pour pouvoir approuver l’ensemble de l’accord.
  • Le fait est que les libéraux, après avoir conclu l’accord mardi, étaient également très soulagés que ‘la paix sociale ait été préservée‘ et que le gouvernement ait un accord dans sa poche. Pour le Premier ministre De Croo, c’est aussi un motif de satisfaction.
  • Aussi, le fait que l’extension de la retraite anticipée – une demande des syndicats – ait été évitée a également suscité un certain enthousiasme chez les libéraux. Ils ont pu tenir leurs engagements.
  • La question des retraites anticipées est une question sensible, il a été possible de maintenir l’âge minimum à 60 ans, ce que les libéraux n’ont pas manqué de souligner. Mais il existe des possibilités plus souples à partir de 55 ans, ce qui laisse la porte grande ouverte à de nombreuses personnes de quitter le marché du travail de manière partielle.

En résumé: le fait est que l’accord coûtera très cher au contribuable

  • Bien sûr, l’augmentation du salaire minimum ne tombe pas du ciel : Dermagne avait déjà indiqué qu’il ‘soutiendrait fiscalement et socialement’ cette augmentation, que les employeurs devront payer. En d’autres termes, elle pourrait bientôt coûter 200 millions d’euros aux finances publiques.
  • Les possibilités d’entrer dans une retraite anticipée partielle ont aussi son prix : la facture risque d’être encore plus élevée si un grand nombre de personnes de plus de 55 ans entrent bientôt dans ce système. Aujourd’hui, ce régime, qui bénéficie à près de 60.000 travailleurs, coûte des dizaines de millions d’euros.
  • Et bien que ce régime ait beaucoup moins d’impact que la retraite anticipée – où un travailleur âgé disparaît complètement du marché du travail – il coûte plus cher. Ainsi, un dispositif déjà controversé a été remplacé par une alternative encore plus coûteuse.
  • Pour les deux mesures, le salaire minimum et la possibilité d’une retraite anticipée partielle, il n’est pas évident de savoir où se situera le coût pour les finances publiques. Mais il s’agira d’une part importante du gâteau, c’est clair. En n’oubliant pas la prime Corona de 500 euros.

La vue d’ensemble : cet accord n’est pas révolutionnaire, il s’agit de petites étapes coûteuses.

  • Le fait que l’accord ait été structuré de cette manière, avec un prix pour les finances publiques, ne devrait pas être une surprise : les syndicats et les employeurs ne négocient pas pour le bien commun, mais pour les intérêts de leurs membres. L’effet de la consultation sociale est généralement qu’en fin de compte, une tierce partie – notamment le gouvernement – graisse les rouages avec l’argent public.
  • Il en résulte que ce dialogue social aboutira en fin du compte à ne pas atteindre l’objectif fixé : mettre beaucoup plus de gens au travail. Pourtant, c’est bien de cela qu’il était question dans tous les accords de coalition, qu’ils soient fédéraux, flamands ou wallons : de grandes ambitions pour faire progresser le taux d’emploi.
  • L’opposition, avec la N-VA en tête, réagit déjà de manière très critique. Le président Bart De Wever (N-VA) a déclaré qu’il y avait ‘moins d’opportunités pour les jeunes et les personnes vulnérables en raison des coûts de main-d’œuvre supplémentaires et de l’amortissement plus rapide des travailleurs âgés’.
  • Il a également souligné que ‘l’ambition de 80 % d’emploi de l’accord de coalition flamand a été torpillée de cette manière au niveau fédéral’. Il a également lancé un appel pressant aux partenaires de la coalition au sein du gouvernement flamand – l’Open Vld et le CD&V – pour qu’ils ‘ne soutiennent pas cet accord’.
  • Les chances que cela se produise sont quasi nulles : aucun d’entre eux ne va créer de problèmes au sein de la Vivaldi. Certainement pas, car le fait qu’il y ait un accord est déjà un triomphe solide pour De Croo.
  • Mais la N-VA n’est pas la seule à critiquer l’accord. Même des experts comme les professeurs Ive Marx et Stijn Baert ont réagi très négativement. ‘Cet accord fera payer la prochaine génération’, résument-ils. Pour eux, cet accord interprofessionnel (AIP) a un goût amer.
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