Les pouvoirs spéciaux ne seront pas prolongés: paralysie en vue pour Wilmès II ?

Après la N-VA, c’est au tour du sp.a et d’Ecolo/Groen de monter au front. La confiance au sein du super-kern ne tient qu’à un fil. Il semble acté que le gouvernement de Sophie Wilmès (MR) ne verra pas ses pouvoirs spéciaux prolongés. L’été sera politique.

Les pouvoirs spéciaux accordés au gouvernement minoritaire de la Première ministre Sophie Wilmès (MR) avaient un principal objectif: se donner les moyens de faire face à une crise sanitaire sans précédent. En laissant de côté, si possible, les querelles politiques.

Chaque samedi, les présidents de dix partis (à l’exception de la N-VA qui envoie son chef de file Peter De Roover) se retrouvent pour faire le point et dessiner les grandes lignes. L’ambiance y est assez tendue. Chacun voulant prendre la parole et influencer les décisions. Sophie Wilmès nous confiait se sentir parfois à la tête ‘d’une bande d’écoliers’.

En fait, les jeux politiques n’ont jamais vraiment cessé au sein du super-kern. Mais peut-on reprocher aux partis politiques de faire de la politique?

Reste que ces pouvoirs spéciaux accordés à un gouvernement soutenu de l’extérieur par les partis d’opposition devaient être rediscutés, et éventuellement prolongés. On n’en prend clairement pas le chemin.

Le ‘cirque’ des pouvoirs spéciaux

Conner Rousseau, président du sp.a – Credit : Bert van den Broucke / Photonews / Isopix

Au micro de VTM, le jeune président du sp.a, Conner Rousseau, a répété vouloir négocier un gouvernement de plein exercice dès le mois de juin. La semaine d’avant, dans l’émission flamande Villa Politica, il qualifiait les pouvoirs spéciaux de ‘cirque’. Il visait lui aussi le fonctionnement du super-kern à dix partis. ‘Si je le pouvais, je prendrais mes responsabilités ce soir et commencerais à négocier’, ajoutait-il.

Conner Rousseau refuse donc d’attendre le mois de septembre, comme le voulait Georges-Louis Bouchez, président du MR, dont le parti compte pas moins de 6 ministres et une Première ministre au sein du gouvernement fédéral, une position confortable. Il faut toutefois distinguer les pouvoirs spéciaux de la confiance au gouvernement, qui devrait elle, en principe, tenir jusque septembre. Mais cette distinction se fait de plus en plus difficile.

Ce lundi, après un épisode de tension autour des décisions du Conseil national de sécurité, Groen et Ecolo ont fait savoir qu’ils ne voulaient pas non plus prolonger l’expérience des pouvoirs spéciaux.

Le PS prend le même chemin. Il ne compte pas prolonger les pouvoirs spéciaux du gouvernement Wilmès (sauf en cas de force majeur et de regain de l’épidémie), rapporte La Libre. Le parti de Paul Magnette laisse aussi entendre qu’il faut négocier dès le mois de juin un gouvernement de plein exercice.

La pression est intense. La N-VA, qui ne soutient pas formellement le gouvernement minoritaire, avait sans surprise décoché la première flèche. Si le parti de Bart De Wever montrait une relative loyauté vis-à-vis de la lutte contre le coronavirus, pour laquelle il joue un rôle au sein du CNS, il en allait autrement concernant les négociations d’un prochain gouvernement fédéral. Et Georges-Louis Bouchez (MR), entre les lignes, faisait comprendre la semaine dernière que la N-VA n’était pas le seul parti à mettre la pression. On en a aujourd’hui la preuve.

Ce qui se joue en toile de fond, c’est le rôle du parlement. Le gouvernement minoritaire de Wilmès II (MR-CD&V-Open VLD) ne représente que 38 sièges sur 150. La méthode des pouvoirs spéciaux donne le premier rôle à l’exécutif et minimise les parlementaires qui ne se sentent pas écoutés. Une voie parlementaire qui pourrait se montrer plus efficace que des discussions interminables tous les samedis à dix partis. Cette méthode est donc remise en cause et vit sans doute son dernier mois. Le CD&V lui-même constate un manque d’efficacité.

Voie parlementaire

Sophie Wilmes (MR)
Sophie Wilmès (MR) -Isopix

Si le gouvernement Wilmès II peut techniquement continuer à vivre jusque septembre, dans les faits, sans la confiance des partis de gauche, ce sera sans doute une paralysie durant tout l’été.

Resteront deux alternatives: des négociations au plus vite pour tenter de former un gouvernement de plein exercice ou trouver une majorité pour chaque décision au parlement.

La seconde option peut mener à la première: des majorités alternatives ont déjà été trouvées ces derniers mois. Notamment une coalition Vivaldi (socialistes, écologistes, libéraux et CD&V) sur certains dossiers.

Mais les tensions sont toujours palpables entre les verts et les libéraux. Ecolo et Groen n’arrivent d’ailleurs pas les mains vides et veulent lancer dès à présent les ‘Printemps solidaires’ avec une série de propositions. Parmi lesquelles on retrouve une réduction temporaire du prélèvement sur les cotisations sociales pour les salariés en chômage temporaire, de 26,75% à 16,75%.

Les écologistes, comme le PS, appellent aussi à s’inspirer du Danemark et de la Pologne, qui ont refusé de faire bénéficier aux entreprises en fraude sociale ou fiscale des aides publiques.

Le CNS de la discorde

Meyrem Almaci, présidente de Groen – Credit : Bert van den Broucke / Photonews / Isopix

Mais rien ne sera simple pour envisager une potentielle Vivaldi. Nouvelle preuve ce week-end autour des décisions du Conseil national de sécurité. Les verts accusent le CNS de privilégier ‘l’économie avant l’humain’. Tout un symbole: le vice-premier ministre Alexander De Croo (Open VLD) suggérait de se revoir dans les magasins plutôt que dans le cadre familial, comme le laissaient comprendre les décisions du vendredi.

Mais le retour de boomerang a été violent pour Ecolo, dont les visuels ont été comparés à des méthodes dignes du PTB. La Première ministre n’a pas manqué sa cible, rappelant à Ecolo, ‘complètement à côté de la plaque’, qu’il siégeait indirectement au CNS via les ministres-présidents des gouvernements wallon, bruxellois et de la fédération Wallonie-Bruxelles, et que les décisions du CNS étaient donc aussi ses décisions. Ecolo est accusé de toutes parts de manquer de loyauté et d’imputer la gestion de la crise sanitaire, et de ses difficultés, à la seule responsabilité du gouvernement fédéral.

Cela témoigne de toute la complexité de la situation. Un gouvernement minoritaire soutenu par des partis d’opposition largement en désaccord, bénéficiant de pouvoirs spéciaux dont la méthode est largement contestée. Ajoutez à cela un Conseil national de sécurité dans lequel les partis ne sont représentés qu’indirectement, cela donne la cacophonie actuelle, symbolisée par la conférence de presse de vendredi qui visait surtout à répartir la parole dans toutes les composantes du pouvoir.

L’issue pour cet été ? Passer par la voie parlementaire, négocier en coulisses et enfin se doter d’un gouvernement de plein exercice. En fait, personne n’a vraiment d’intérêt à plonger le pays dans la crise.

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