Les informateurs optent pour un ‘scénario irlandais’ au budget strict: ‘Les entités fédérées devront aider’

Ceux qui ont encore en tête la note de Paul Magnette (PS) savent qu’il y avait cinq scénarios budgétaires. MR et CD&V ont opté pour le deuxième plus strict: l’irlandais.

Que se passe-t-il exactement? La note de Joachim Coens (CD&V) et Georges-Louis Bouchez (MR) est désormais plus ou moins publique. Les deux co-informateurs ont réagi à leur manière: Coens était apaisant et voulait ‘aller à la table et parler pour trouver des solutions’, tandis que Bouchez était très excité et ‘ne trouvait pas sérieux que les gens commentent une note qu’ils n’ont même pas lue’. Mais de chiffres, on parle peu, malgré l’agitation de GLB.

Les chiffres: MR et CD&V visent un déficit budgétaire de 1% en fin de législature, en 2024. Dans les cercles autour des informateurs, on appelle ce scénario l »irlandais’. C’était le deuxième choix le plus strict en terme de budget décrit par le précédent informateur Paul Magnette (PS) en novembre dernier. À l’époque, le PS est resté vague sur le sujet. Aujourd’hui, les deux partis au centre des négociations se veulent clairs.

Les détails: Le déficit courant de la Belgique est d’environ 2,5%, le ratio de la dette belge s’élève à 109% du PIB (2019). Le taux de chômage, lui, est de 5,6%. Quels étaient les cinq scénarios de Magnette, et qu’en savons-nous?

L’allemand:

  • Déficit: 0%
  • Taux d’endettement : 61,9% du PIB (2018)
  • Chômage: 3,1% (2019)
  • La Commission européenne encourage l’Allemagne à investir dans les infrastructures et l’éducation.
  • Concentration extrême sur le ‘Schwarze Null’, un budget à l’équilibre.
  • Août 2019: excédent budgétaire de 45,3 milliards d’euros

L’irlandais:

  • Déficit: 0,8%
  • Taux d’endettement: 63,6% du PIB (2018)
  • Chômage: 5,3 % (2019)
  • Prévision de croissance de 3,1 % pour l’année prochaine
  • Fortement affecté par la crise financière de 2008
  • Redressement dû en partie à des impôts sur les sociétés peu élevés, avec des conséquences bien connues: de grandes multinationales y ont établi leur siège.

Le finlandais:

  • Déficit: 1,8%
  • Taux d’endettement: 59% du PIB (2018)
  • Chômage: 6,7% (2019)
  • La Finlande a reçu cette année une lettre de la Commission européenne demandant que le projet de budget soit modifié.
    La Finlande veut équilibrer le budget d’ici 2023, en stimulant l’emploi, mais le FMI émet des doutes sur ses plans.
  • Créer 60.000 nouveaux emplois, obtenir des taux d’emploi de 72,8 à 75%

La française:

  • Déficit: 2%
  • Taux d’endettement : 98,4% du PIB (2018)
  • Chômage: 8,4 % (2019)
  • Macron a annoncé une série de mesures sociales en 2018: suppression des augmentations du prix du carburant, augmentation du salaire minimum, suppression de la taxe sur les heures supplémentaires (coût de 8 à 10 milliards d’euros).
  • La France était déjà sur le banc européen avec son déficit budgétaire.
  • Le budget pour 2020 contient 10 milliards d’euros de réductions d’impôts, mais aussi: le déficit budgétaire augmentera à 3,1% l’année prochaine.
  • Le chômage à son plus bas niveau depuis une décennie.
    Ils sont beaucoup plus dépendants des services que de l’industrie (contrairement à l’Allemagne).

L’italien:

  • Déficit de l’Italie : 2,4%
  • Taux d’endettement: 134,8% du PIB (2018)
  • Chômage: 9,9% (2019)
  • Le déficit en 2019 sera inférieur de 7,6 milliards et tombera à 2,04%, selon le gouvernement.
  • L’Italie risque une amende de 3,5 milliards d’euros de la part de l’Europe si elle ne réduit pas les dépenses publiques.
  • En 2020, le gouvernement italien veut un déficit budgétaire de 2,1%.
  • L’Italie a proportionnellement la dette nationale la plus élevée de la zone euro après la Grèce.

La grande question? Les informateurs veulent donc le deuxième scénario le plus strict. Le déficit budgétaire actuel est d’environ 12 milliards d’euros, dont plus de 9 milliards devraient être écrémés, indépendamment de toute mesure supplémentaire. Cela signifie que ce sera strict, qu’il n’y aura aucune marge de manoeuvre. La vérité est qu’il est extrêmement difficile pour le niveau fédéral de le faire seul, vu le contexte financier actuel et, surtout, en regard des prévisions de croissance. Nous avons besoin d’un pacte fiscal inter-fédéral qui soit encore mieux ficelé que celui de 2013.

Vue d’ensemble: La situation budgétaire apparaît comme un argument pour la construction d’une ‘symétrie’ au sein du gouvernement fédéral, c’est-à-dire pour une coalition aussi proche que possible de celle des Länder allemands. Une telle réflexion pourrait impliquer le gouvernement flamand dans un véritable exercice de réorganisation, qui reste extrêmement difficile. Mais sans économies supplémentaires au niveau flamand, qui est beaucoup plus chaud que le niveau fédéral, un tel ‘scénario irlandais’ est en fait hors de question.

À prendre en compte? Les chiffres du budget sont ennuyeux en politique… Ils ne mentent pas. Si vous promettez d’équilibrer un budget, et que vous ne le faites pas, ça se voit. Le gouvernement suédois a été sévèrement critiqué sur le sujet. Ce qui constitue un gros coup porté à sa crédibilité. Si les partis des négociateurs décident aujourd’hui de suivre ce ‘scénario irlandais’, il sera difficile d’y renoncer immédiatement. À cet égard, difficile de comprendre la réaction de l’Open VLD sur la fameuse note: pour la première fois, elle contient un choix clair en termes de budget, qui est idéologiquement beaucoup plus conforme aux libéraux flamands que tout scénario inspiré du sud de l’Europe.

Et maintenant? Attendons de voir où le gouvernement atterrit avec ses ambitions budgétaires. Il y a de fortes chances que les partis de gauche renoncent à ce système, pour préférer un scénario finlandais, voire français. Mais le mouvement d’ouverture du duo MR/CD&V semble déjà clair.

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