Les industriels français de la défense et de l’espace font leur bilan face à la guerre en Ukraine, et il est très alarmiste

Depuis le début de la guerre en Ukraine, la France s’interroge sur ses propres capacités d’action en cas d’engagement dans un conflit de haute intensité, une éventualité qui semblait difficilement concevable en Europe depuis la chute du mur de Berlin. Marc Darmon (Thales), Pierre-Éric Pommellet (Naval Group) et Éric Trappier (Dassault aviation) ont été auditionnés à l’Assemblée nationale sur les conséquences du conflit en Ukraine sur les industries françaises de la défense, de l’armement, et de l’espace. Et leurs conclusions ne sont guère optimistes.

Ce mercredi, les représentants des industries militaires terrestres, navales, et aériennes ont été auditionnés devant la Commission défense de l’Assemblée nationale rapporte BFM Business. Trois présidents d’industrie, Marc Darmon (Thales), Pierre Éric Pommellet, (Naval Group), et Éric Trappier (Dassault aviation) ont livré leurs analyses sur la capacité de la France à assurer les besoins en armement de ses propres troupes, mais aussi d’honorer ses partenariats avec ses alliés et ses contrats commerciaux, alors que l’invasion russe a changé la donne sur tout le continent. Et selon eux, le bilan est alarmant.

Des ressources stratégiques qui viennent d’ailleurs, et souvent de Russie

La France est très dépendante de l’étranger pour certaines ressources stratégiques, et bien souvent c’est la Russie qui tient le stock. Cela vaut pour le gaz et le pétrole, mais pas seulement rappelle le patron de Dassault: « Le titane pour l’aéronautique on l’achetait en Russie. Il y a la filière américaine, mais les États-Unis se serviront en premier. Il y a aussi l’aluminium, le nickel. Il faut faire des stocks, trouver des sources d’approvisionnement alternatives et les qualifier ce qui prend un ou deux ans. »

Moins de chars français en état de marche que de pertes russes

Si les ressources manquent pour l’industrie, la quantité des stocks de l’armée suscite aussi des inquiétudes, surtout par rapport à la rapidité avec laquelle le conflit en Ukraine semble consommer le matériel d’une grande puissance comme la Russie. Reprenant les données d’Oryx, qui compile les pertes identifiées avec certitude, l’armée russe aurait perdu environ 2000 de ses véhicules (détruits, abandonné, capturés ou endommagés), dont 318 chars lourds. C’est énorme en un mois de guerre, surtout si l’on rapporte ces pertes à la taille de l’armée française, qui ne dispose que de 220 chars Leclerc.

Dans l’espace, la France a besoin de la bannière étoilée

Autres inquiétude des industriel : la rupture des ponts avec la Russie implique de chercher ce qu’elle nous fournissait ailleurs, en ressources comme en savoir-faire, en en particulier en capacité spatiale. Or bien souvent, cela signifie demander l’aide de l’Oncle Sam. « On a une dépendance forte à Soyouz et le contexte va nous pousser à utiliser SpaceX. Ce n’est pas réjouissant. On va passer d’une dépendance à une autre », regrette Éric Trappier.

Un constat qui s’étend d’ailleurs aux perspectives commerciales futures de la France dans ces domaines : face à une situation géopolitique effrayante, de nombreux pays renforcent leurs propres défenses. Or, si le fournisseur tricolore ne peut avancer les stocks, c’est le matériel à la bannière étoilée qui se retrouve systématiquement choisi. « L’Europe de la Défense se construit sur du long terme, mais le risque est à court terme. Le réflexe immédiat est donc d’acheter américain », résume Éric Trappier, faisant allusion aux avions F-35 que l’Allemagne allait acquérir, de même que la Finlande.

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